Critique : La Camara oscura
La laideur est tout de même un sujet fascinant, surtout lorsqu'elle est si extrême qu'elle en devient monstrueuse. Sans aller jusque là, Maria Victoria Menis s'intéresse de près à une jeune femme dont tout le monde s'accorde à trouver le physique ingrat, racontant sa vie de calvaire et sa façon de négocier une éventuelle porte de sortie. La cámara oscura avait à peu près tout pour être un film d'auteur réussi, à commencer par un thème fort ; alors pourquoi est-ce la fadeur qui prime ? On a la désagréable impression que la réalisatrice prend des gants afin de ne pas blesser son héroïne, la ménageant sans arrêt afin de ne pas la blesser. Quand on aime un personnage au point de ne pas vouloir lui faire de mal, les affaires sont bien mal embarquées. Interprétée par une actrice vraiment pas assez repoussante pour le rôle (une paire de grosses lunettes sur le nez ne suffit pas à représenter la laideur), Gertrudis n'est jamais vraiment crédible, et son effacement est juste horripilant.
Devenant rapidement prisonnier de son sujet, La cámara oscura
ressemble parfois à un non-film : impossible de filmer correctement le
personnage principal, puisque Gertrudis est toujours planquée ou
totalement figée. L'ennui prime très rapidement ; on souhaiterait que
l'héroïne réagisse ou que ses proches soient plus méchants, histoire
que quelque chose se produise à l'écran, mais ça n'est jamais vraiment
le cas. Le scénario va même plus loin dans la platitude, reprenant
maladroitement la citation d'Oscar Wilde : « La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde
». Entre alors en scène un photographe français, dont les oeuvres sont
incomprises et méprisées par tous les proches de Gertrudis. Elle seule
y trouvera un intérêt et y puisera la véritable beauté... Et, comme une
mauvaise parodie de Tim Burton, chabadabada, notre photographe ira lui
aussi au-delà des apparences et appréciera sa beauté intérieure. Il ne
manque plus que les violons pour que le tableau soit complet.
On pourra tout de même sauver de La cámara oscura
quelques images fortes même si insuffisamment travaillées. La scène de
la photo de famille, reprise sur l'affiche, est plutôt réussie. Tout
comme la description des balbutiements artistiques du photographe, qui
découvre son propre art et n'a de cesse de le réinventer - nous sommes
à la fin du XIXè, et tout reste à découvrir. Le film n'ira
malheureusement pas plus loin, victime de sa propre bien-pensance.
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