Never Let Me Go : Critique

Simon Riaux | 2 mars 2011
Simon Riaux | 2 mars 2011

Mark Romanek nous présente ici son deuxième film après Photo obsession. Ce dernier était un petit film loin d'être inintéressant, offrant à Robin Williams un contre-emploi saisissant, mais un peu en retard sur son époque et un peu trop sage. Avec ce nouveau long-métrage, à l'évidence le travail du réalisateur sur l'image s'est affiné, jamais au détriment de sa direction d'acteurs, mais encore une fois, il livre sa copie après la bataille, voire même anachroniquement

Never let me go est pourtant loin d'être un mauvais film. Son metteur en scène, probablement conscient de la difficulté de son sujet, l'aborde avec un tact et une délicatesse qui force dans un premier temps le respect, et permet au spectateur d'entrer son univers. La beauté discrète des plans s'accorde harmonieusement avec un montage fluide. On pénètre donc dans l'existence de ces trois personnages, crées pour servir de réceptacles en vue de futurs dons d'organes, avec aisance, malgré l'horreur du sujet. Le réalisateur sait combiner une relative finesse et une imagerie plus brute, à l'image d'une scène d'opération fatale au retentissement émotionnel décapant, parfaitement montée et découpée.

 

 

De même que les plans ne durent jamais trop longtemps, les comédiens sont toujours parfaitement dirigés. Qu'il s'agisse d'une confrontation irriguée d'orgueil entre Keira Knigthley et Carey Mulligan, ou du dernier regard adressé par Andrew Garfield à sa compagne, tous trois savent user de la sobriété, sans jamais verser dans la retenue excessive. Les séquences les plus déchirantes sont également maîtrisées, à l'instar des derniers cris poussés par Garfield, jamais les acteurs ne sombrent dans un trop plein d'émotion indigeste.

 

 

Et pourtant, malgré une mise en scène élégante et réfléchie, en dépit d'un trio de comédiens talentueux, on reste aux portes du récit. La faute à un parti pris, une idée de départ en retard de 30 ans. Il est question de jeunes gens élevés dans une institution réservée aux malheureux dont on prélèvera les organes pour en faire bénéficier les gens « normaux. » Il y a moins d'un mois naissait le premier « bébé médicament. » Cet événement nous rappelle un fait, qui rend instantanément le film anachronique, c'est que ces dérives inhumaines, si elles adviennent, ne seront pas le fruit d'une administration inhumaine et perverse, où d'un organisme de type big brother, elles viendront de chacun d'entre nous. Si le corps civil accepte ces pratiques, elle deviendront possibles et se répandront, mais il n'y aura nul besoin de structures qui leur soient réservées pour que de pareilles horreurs adviennent.

 

Résumé

Never let me go est une oeuvre touchante, qui sait tirer le meilleur parti de ses acteurs, mais qui arrive bien trop tard. Malgré d'évidentes qualités formelles et techniques, on a le sentiment d'assister à un précis de science-fiction old school, en complet décalage avec ce qui est, déjà en partie, une réalité.

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