Critique : Camping à la ferme

Johan Beyney | 20 juin 2005
Johan Beyney | 20 juin 2005

Combien de fois le cinéma nous a-t-il servi le thème rebattu de la confrontation de deux univers antagonistes, du choc des cultures ? D'autant que le choix est vaste : bourgeois/miséreux, blanc/noir, passé/futur... Ici, Jean-Pierre Sinapi s'attaque à la classique opposition rat des villes/rat des champs. Côté urbain, des jeunes de cité, dont l'image commence également à être de plus en plus usitée dans le cinéma hexagonal. Apparue d'abord dans le genre « drame social » (La Haine), cette nouvelle figure cinématographique s'est peu à peu fait une place dans l'univers de la comédie : mon banlieusard va à la plage (Le ciel, les oiseaux et... ta mère), fait des cabrioles (Yamakasi) ou du cinéma (Ze film), la plupart du temps encombré d'un lourd bagage de clichés. De quoi s'interroger sur la pertinence d'une énième comédie telle que Camping à la ferme.
Avant même d'être visionné, le film accumule d'ailleurs les occasions de douter de sa qualité : un synopsis peu original, un titre lamentable, une affiche peu engageante mettant en avant une phrase d'accroche bêtement racoleuse. Et pourtant, on aurait tort ici de se fier aux apparences.

Jean-Pierre Sinapi (Nationale 7) parvient en effet à livrer avec ce film de commande une comédie certes peu originale, mais qui évite avec finesse de tomber dans la caricature crasse. Pas vraiment méchants (il s'agit tout de même d'une comédie), les six jeunes condamnés aux travaux d'intérêt général affichent chacun avec naturel leur spécificité : le nouveau converti à l'islam, le businessman, le surlooké... [img_right]camptous.jpg [/img_right]Pas non plus totalement sympathiques : tchatcheurs, colériques, souvent sur la défensive, humains donc. Roschdy Zem, éducateur convaincu, exerce quant à lui son métier sans faire preuve d'une abnégation excessive. Côté ruraux, les personnages sont plus entiers : Dominique Pinon incarne ici un raciste pur et dur que rien ne pourra sauver, Mme le Maire accueille ces jeunes avec un objectif davantage communicationnel que social. Rien de choquant cependant, dans la mesure où, en plus d'être crédibles, ils apparaissent davantage comme de vrais personnages de comédie que comme de grossières caricatures.
Accumulant (parfois un peu trop) les occasions d'ouvrir tous ses protagonistes à la tolérance (ouverture à la différence culturelle, mais aussi au handicap mental, à l'homosexualité), le réalisateur évite pourtant le passage forcé vers la rédemption et l'épanouissement dans la découverte mutuelle. Les personnages n'oublient jamais qu'ils sont ici pour purger une peine, pas pour se faire de nouveaux amis. Certains s'en trouveront changés, d'autres pas. Pas de révélation sur les joies de la vie à la campagne, pas de promesse d'amitié éternelle, simplement une rencontre ponctuelle, drôle et pas forcément fondamentale dans la vie de ces gens normaux.

Jean-Pierre Sinapi réussit avec ce film une comédie digne et bien plus subtile qu'on ne saurait le soupçonner. Pas inoubliable, mais vraiment agréable.

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