A Dirty Shame : Critique

Patrick Antona | 6 juin 2005
Patrick Antona | 6 juin 2005

Après le sentimental Pecker et le défoulant Cecil B. Demented, voici que John Waters revient avec son petit dernier dans la veine trash et comique qui a fait de lui le «pape du mauvais goût». A dirty shame se présente comme un retour à ses termes favoris qui illustaient ces œuvres délirantes passées, les cultissimes Pink flamingos (1972) et Polyester (1981). À l'instar de ces films, il utilise les aspects de la culture de la classe moyenne vivant dans les banlieues américaines et les pousse jusqu'au délire le plus excessif, le tout dans un but satirique et subversif, et orientée exclusivement sur le sexe, qui lui permet de tirer à boulets rouges sur le puritanisme et le conformisme américain (mais qui commence à gagner du terrain chez nous aussi). Ici, une bourgeoise coincée (incroyable Tracey Ullman) devient une complète nymphomane suite à une commotion et sa rencontre avec Ray-Ray Perkins (l'ex-Jackass Johnny Knoxville) et entreprend avec lui une croisade pour la luxure et la reconnaissance des « déviants » sexuels, face à une population hypocrite et revêche qui désire rester «normale».

 


John Waters démontre avec A dirty shame qu'il n'a rien perdu de sa verve caustique, allant au bout de sa charge dans un délire complètement maîtrisé, tout en arrivant à éviter le pensum et la démonstration . Le cinéaste parvient souvent à surprendre et à amuser le spectateur-voyeur que nous sommes. Il n'hésite pas à prendre des risques en usant du religieux avec son Jesus Christ libidineux prêt à étendre la révolution sexuelle à travers le monde ou en intégrant des effets spéciaux numériques avec ses animaux pris de fièvre amoureuse ! Il semble loin le temps du cinéma underground fait avec peu de moyens. Mais il utilise aussi les éléments récurrents de son cinéma si particulier, à savoir une famille à la morale très étriquée mais qui se révêle être dysfonctionnelle au plus haut point (ici en séquestrant leur fille strip-teaseuse à la poitrine surdimensionnée), une galerie de personnages complètement déjantés censés être un échantillon représentatif de la population banlieusarde de Baltimore (chère au réalisateur) et l'utilisation d'une bande sonore rock'n'roll en diable. Tout comme Tarantino qui dans ses Kill Bill a su réexploiter ses références, John Waters dynamise son métrage en utilisant des trucs empruntés au cinéma psychédélique des années 60, aux nudies et à Russ Meyer auquel il fait ouvertement référence avec le personnage de Caprice/Ursula Udders (Selma Blair en surprendra plus d'un !) et bien sûr à son égérie Divine, dont Tracey Ullman représente un succédané assez réussi. D'ailleurs la scène de danse dans l'hospice qui vire à la vulgarité la plus crasse doit beaucoup à son talent ! Quant au reste du casting, il se révêle être très surprenant, à la hauteur du délire voulu par le cinéaste : du nouveau venu Chris Isaak à la doyenne Suzanne Sheperd (vue dans Requiem for a dream) sans oublier l'apparition-surprise d'une vedette mondiale de la TV dans une auto-parodie extrême.

 

 

Niveau réalisation, John Waters réussit un tour de force, en faisant de ce qui peut sembler être un joyeux foutoir un petit bijou de mise en scène. Si il arrive à jongler correctement entre les différents sketchs censés nous représentés les divers interactions entre les personnages principaux du film et le début de la «contamination» sexuelle qui en résulte, il faut concéder une certaine perte d'intérêt dans la dernière partie du film, paradoxalement celle où le délire luxurieux commence à gagner toute la population de Baltimore. Usant avec satiété du «gimmick» du coup de tête comme désinhibant sexuel, A dirty shame vire alors vers le burlesque sous acide, oubliant un peu la véritable satire du bien pensant et du politiquement correct qui sous-entend le film. Mais, hallelujah ! Nous pouvons saluer le retour de John Waters dans ce cinéma qui lui ressemble tant, anti-conformiste et drôle à la fois, démontrant qu'il reste le maître du pamphlet contestataire et de la provocation à l'écran. Attendez de voir le plan final pour apprécier jusqu'à quel point il assume pleinement son rôle !

 

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