Critique : Les Trois singes

Jonatan Fischer | 16 mai 2008
Jonatan Fischer | 16 mai 2008

Un mort sur la route, un politicien angoissé et fautif… Les Trois singes (titre en référence à la fable sur la vérité du même nom) débute comme un bon thriller, avec ce qu’il faut en nervosité et en mystère. Qui est la victime ? Quel est ce mystérieux marché que propose notre candidat aux élections à son chauffeur ? Que s’est-il vraiment passé cette nuit-là ? Avec Les Climats, Nuri Bilge Ceylan avait dressé le portrait d’un couple en plein déclin, en proie à un profond manque de communication. Aurait-il donc changé de registre ? Si dans sa première partie, Les Trois singes s’amuse avec nos instincts et nos attentes, nous découvrons progressivement que cet accident de la route n’est qu’un prétexte pour un nouvelle fois dénoncer la pratique dangereuse des non-dits.

 

Le film est centré sur le chauffeur du politicien, homme humble et dévoué, ainsi que sa petite famille composée de sa femme et de son fils étudiant. Le réalisateur s’attarde tour à tour sur chacun des personnages, dévoilant avec subtilité et force leur quotidien, leurs démons et leurs parts d’ombres. Passé douloureux, mensonges qui rongent, sentiments complexes et destructeurs : Les Trois singes est un billet direct pour l’enfer. Et on se brulerait volontiers les ailes pour ce projet extrêmement ambitieux et maitrisé. Le travail sur la lumière et la photographie est juste hallucinant, de même pour le son. Les passages oniriques et témoignant d’une enivrante quiétude, laissent brutalement place à une insécurité émotionnelle cauchemardesque. Le spectateur devra donc s’attendre à des échanges familiaux et sentimentaux sous haute tension. C’est simple, les personnages sont tellement à cran que tout semble susceptible de basculer d’une seconde à l’autre.

 

A l’image des précédentes œuvres du réalisateur, Les trois singes, n’est pas un film bavard mais plutôt un film qui se ressent, qui transmet émotions et sensations par le biais de simples gestes ou images. D’une grande beauté formelle, cette œuvre singulière et inspirée s’amuse avec la notion de temporalité (d’un plan à un autre parfois plusieurs mois se passent, passé et présent se mélangent…) et fait évoluer l’état de ses protagonistes en même temps que la météo.

 

Gare aux nuages noirs, ce nouvel opus est sans conteste le film le plus beau mais surtout le plus sombre de son auteur : cruel, désillusionné et malin… comme un singe.

 

Jonathan Fischer

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