Critique : Les Seigneurs de la guerre

Patrick Antona | 27 janvier 2009
Patrick Antona | 27 janvier 2009

Après la comédie musicale Perhaps Love, Peter Chan s’attaque à un autre genre fétiche du cinéma chinois, à savoir le film épique tendance arts martiaux (le  wu xia pian), renouveau motivé par les succès d’œuvres comme Hero ou La Cité interdite, en attendant le retour de John Woo avec ces 3 Royaumes. Mais là où Zhang Yimou et Chen Kaige s’attachaient à renforcer le côté esthétique de leur production, en faisant de superbes œuvres picturales mais aux caractères peu denses, Peter Chan opte avec talent pour une vision plus dure et quasi-monochrome de cette Chine où dominaient les Seigneurs de la Guerre, âpreté que l’on retrouve dans la peinture des trois personnages sur lequel s’articule cet implacable drame.

S’inspirant de faits historiques déjà à la base du Blood Brothers de Chang Cheh, le film de Peter Chan réussit à embrasser tous les thèmes classiques du cinéma d’aventures, comme le sens du courage et de l’honneur éprouvés par la fraternité des armes, mais aussi ses pendants inhérents comme la lâcheté et la trahison, motivées par l’ambition, dans un récit certes classique mais mené avec cohérence. Servi brillamment par un trio de stars asiatiques au charisme bien trempé, les routards du genre Andy Lau et Jet Li étant associés pour l’aventure au plus jeune Takeshi Kaneshiro (déjà à l’affiche du Secret des Poignards volants), le réalisateur réussit avec succès à mener de front ces divers objectifs, à savoir retranscrire un pan de l’histoire bien agitée de l’Empire du Milieu de manière crédible et réaliste, et en donner plein la vue au spectateur en offrant quelques moments de bravoure spectaculaires à souhait. Et l’on comprendra aisément que dans ces scènes d’action, Jet Li se taille la part du lion, bien qu’il soit affublé d’un certain embonpoint censé coller à son personnage de robuste fantassin. Pas de câbles ni d’envolée lyriques à la Tigre et Dragon ici, le choix des chorégraphies se veut plus terre-à-terre, même si à quelques moments les prouesses des combattants sont poussés à l’extrême, avec cette scène où Jet Li taille en pièce littéralement parlant tout un bataillon. Mais l’important se situe surtout dans l’interprétation intense des comédiens Andy Lau et Jet Li (bien loin de ces contre-performances hollywoodiennes !), retranscrivant avec force cette amitié née au combat qui va se muer en affrontement psychologique du fait des compromissions de l’un face à l’intégrité de l’autre. Part importante de la dernière partie du métrage, ce duel permet de comprendre les convulsions d'un monde en plein changement, et dont la nuance et le contrepoint sont fournis par un Takeshi Kanshiro plus en retrait mais néanmoins indispensable. Seul véritable faiblesse du film, le personnage féminin interprété par Xu Jing Lei n’arrive pas à exister au-delà d’un début bien  prometteur et n’est vecteur que de peu d’émotions.

Avec Les Seigneurs de la guerre, Peter Chan apporte sa pierre avec une grande et somptueuse fresque épique, digne des classiques de la Shaw Brothers, à la fois peinture passionnante d’une époque tourmentée et méconnue des occidentaux mais aussi un puissant « film d’hommes », dans le sens noble du terme, ces aventuriers dont les destins conflictuels nourrissent les plus belles histoires, et ce à travers le monde.

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