Critique : Ninja assassin
Avec V pour Vendetta, James McTeigue avait séduit une partie du public tout en rendant verts de rage les fans les plus hardcore d'Alan Moore. Un point réunissait cependant tous les spectateurs : la laideur de l'image et la lourdeur de la mise en scène, qui plombait sacrément un propos passionnant. Après avoir tourné en partie - et mal - un Invasion imputé à Oliver Hirschbiegel, le petit protégé des frères Wachowski confirme son peu d'aisance derrière la caméra, d'autant plus visible qu'il n'est absolument pas compensé par la qualité du scénario. Ninja assassin est en effet une bête, très bête histoire de vengeance, simple prétexte à dérouler une longue, très longue série de scènes d'action dont le principal critère de qualité semble être la quantité d'hémoglobine déversée. Sur ce point, le film va en effet au bout des choses : il y a du sang partout, tout le temps, qui gicle et qui tache. Et c'est d'ailleurs tout ce qu'on en retient.
La première scène fait à peu
près illusion : dans un grand salon, des yakuzas font les malins tandis
que l'un d'entre eux se fait tatouer par un vieil homme qui leur
raconte un massacre dont il fut le témoin plusieurs dizaines d'années
auparavant. Quelques secondes plus tard, tous finiront décapités,
ratiboisés, coupés en tranches sans avoir eu le temps de comprendre
leur douleur. Ce massacre fulgurant, perpétré par une entité quasi
invisible, n'est malheureusement pas à l'image de la suite : très vite,
on découvre l'identité du sabreur fou, un jeune ninja au regard triste
dont le charisme avoisine celui d'une moule marinière. La totale
transparence de l'acteur principal empêche le mystère de perdurer,
d'autant que le personnage sera ensuite disséqué tout au long du film
au gré de flashbacks lénifiants et tire-larmes sur la difficile
condition d'élève-ninja et les sacrifices consentis pour en arriver là.
Ninja assassin est en fait
construit en deux temps, qui s'alternent mais ne se répondent jamais :
des phases exagérément explicatives et d'autres excessivement
violentes. Autant dire qu'on se serait contenté de la deuxième partie.
Mais voilà : la mise en scène de McTeigue empêche le film de devenir le défouloir badass
qu'il aurait pu être. Si quelques scènes - l'ouverture, une bagarre
avec un gros dans des toilettes publiques et le duel final - ont
éventuellement de quoi nourrir l'oeil du fan de cinéma bourrin, le
reste n'est qu'un alignement de plans mal composés, où la profusion de
sang n'est même pas correctement utilisée à des fins esthétiques. Pas
assez con pour être vraiment drôle, Ninja assassin
est avant tout une série B mortellement ennuyeuse. Que sont allés faire
Lana & Andy Wachowski dans cette galère ? Et surtout, pourquoi
persistent-ils à traîner derrière eux le boulet McTeigue, visiblement
incapable de toute cohérence artistique ? Voilà sans doute la seule
question intéressante soulevée par le film.
Lecteurs
(3.0)