Critique : Tropa de elite (Troupe d'élite)

Thomas Messias | 30 août 2008
Thomas Messias | 30 août 2008

Il s’appelle Wagner Moura, c’est une sorte de sosie brésilien de Mark Ruffalo, et c’est surtout un grand acteur. Il y a beau y avoir une foultitude de personnages dans Tropa de elite, chacune des scènes où il figure apparaît comme un évènement supplémentaire dans un film qui constitue déjà un évènement à lui tout seul. Ours d’Or au dernier festival de Berlin, le film de José Padilha y avait fichu une jolie pagaille, créant un schisme entre ses farouches défenseurs et ceux qui l’accusaient d’être plus extrémiste que les pratiques qu’il dénonce. Ces derniers sont sans doute des gratte-papier jaloux de ne pas avoir pu voir le film : il ne fait aucun doute que Tropa de elite est un film honnête, partisan mais dans le bon sens, dont le propos ne peut prêter à confusion pour peu qu’on l’écoute attentivement.


Il s’appelle James Ellroy, c’est un écrivain pur et dur, et il n’a semble-t-il sorti aucun livre cette année. Pourtant, 2008 apparaît comme l’année Ellroy, puisqu’après le majestueux Dark knight de Christopher Nolan, c’est au tour de Tropa de elite de s’imposer comme un film ellroyesque en diable, à ceci près que les favelas de Rio de Janeiro ont remplacé les rues crasseuses de Los Angeles. C’est donc le second hommage en trois semaines à un auteur qui n’a jamais été très verni avec les adaptations ciné de ses romans (à un L.A. Confidential près, tout de même). Ce Rio-là n’a rien à voir avec celui que filmait Fernando Mereilles dans La cité MTV de Dieu : plus qu’un marché de la misère pour spectateurs en mal de cinéma équitable, la ville est représentée comme une fourmilière qui frise chaque jour l’implosion et ne désamorce une bombe à retardement que pour en dégoupiller cinq autres. C’est de ce marasme-là que veut se débarrasser le héros (Wagner Moura), capitaine d’un bataillon luttant principalement contre les trafics de stupéfiants, qui souhaite se trouver et former un remplaçant avant de tirer sa révérence et d’aller voir grandir son fils. Entre autres choses, Tropa de elite suivra cette chasse à la perle rare, et les tétanisantes séances d’entraînement qui s’ensuivent.


Il s’appelle José Padilha, il réalise habituellement des documentaires, et c’est un très grand metteur en scène. Commençant d’une façon trop clinquante pour être vraie, Tropa de elite révèle rapidement sa vraie nature : c’est un puzzle, foisonnant mais facile à suivre tant il est bien raconté et parfaitement filmé. La noirceur de l’ensemble est hallucinante, et les quelques bulles d’oxygène qui ponctuent le film ne sont que des façons de rire de la situation présentée pour éviter d’avoir à en pleurer. Il faut voir la façon dont Padilha résume en une dizaine de minutes l’intégralité du système de pots de vin qui ronge la police brésilienne et tant d’autres avec elle. Drôle, ludique, mais à s’arracher les cheveux. Idem pour la phase de recrutement du successeur du capitaine, qui ressemble à la première moitié de Full metal jacket, mais à la puissance mille.


Ça s’appelle Tropa de elite, c’est à réserver aux spectateurs un peu mûrs, c’est violemment violent et ça remet les idées en place. S’il accepte de jouer la carte de l’empathie avec son personnage principal, il s’y refuse avec tous les autres, vastes pantins trop éphémères ou inutiles pour prendre le temps de s’y attacher. Moralement, le film de Padilha est une épreuve : beaucoup resteront sur le carreau sans que cela bouleverse grand monde, et c’est justement cette banalisation de la violence et des morts en séries qu’entend dénoncer le réalisateur brésilien, au gré d’un gigantesque polar en forme de tragédie. Attention les mirettes.

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