Critique : Entre les murs

Sandy Gillet | 26 mai 2008
Sandy Gillet | 26 mai 2008

Entre les murs est d'abord un livre de François Bégaudeau (Éditions Verticales - 2006) et une utopie de cinéma que Laurent Cantet, qui voulait réaliser depuis quelque temps un film sur la vie d'une école, s'est approprié magistralement. Aidé en cela par Bégaudeau lui-même co-auteur du scénario et qui joue au demeurant son propre rôle de prof (il reste ce que l'on appelle un enseignant en disponibilité), Entre les murs raconte l'histoire d'une année scolaire dans un collège parisien réputé difficile.

C'est en effet entre les quatre murs de cette école que l'on va apprendre deux heures durant à mieux connaître les élèves de la 4ème/3. Et c'est au sein de l'enseignement dispensé par leur prof de français que vont se jouer les dramaturgies simples et complexes, sources de toutes les inspirations qui permettent à Laurent Cantet de réaliser là un film d'une incroyable vitalité cinématographique, sociale et politique. Cette réussite il l'a doit d'abord au traitement et à la forme qu'il imprime à son sujet entre naturalisme documentaire et fiction engagée (et pas nécessairement de gauche, de celle qui donne des leçons sans pour autant donner des solutions). Mais il la doit aussi à sa direction d'acteurs, à cette apparente liberté qu'il donne à ces enfants qu'il n'a pas « castés » et qui viennent tous du même collège Françoise Dolto dans le 20ème arrondissement de Paris. Le naturel de leurs gestes, l'aisance de leurs réparties et la langue française qu'ils maltraitent magnifiquement rappellent un peu L'esquive à la différence notable qu'ici tout le monde a son mot à dire et que personne n'est exclu du cercle de la bonne vanne. Même pas le prof qui en joue justement et se met à leur niveau pour le meilleur et pour le pire.

Le prof justement n'est pas ici un héros, juste une sorte de guide qui essaye du mieux qu'il peut d'inspirer et d'insuffler de l'espoir à ces jeunes qui ne demandent qu'à croire. L'une des toutes dernières séquences est à ce titre bouleversante. Quand au dernier jour de classe une collégienne vient le voir pour lui avouer n'avoir rien appris de son année, c'est toute la détresse mutuelle qui se lie dans leurs yeux. Un échec qui renvoie en écho la séquence précédente où une autre élève lui avoue avoir lu La République de Platon (parce que sa sœur l'avait lu). Et de distinguer comme de la fierté dans les regards. Nous sommes là en pleine démocratie scolaire.

Ces tranches de vie, Cantet les filme à huis clos (on ne sort jamais du collège), littéralement de l'intérieur et sa force ultime est de ne jamais donner de leçons alors même que sa caméra enregistre ce qu'il a provoqué et demandé : la radiographie du future de notre société vu par la prisme forcément déformant d'une création cinématographique. Ce qui le démarque au demeurant d'autres réussites uniquement documentaires comme par exemple Le corsaire, le magicien, le voleur et les enfants, le très beau film de Julie Gavras. Ce qui en fait finalement une expérience unique de cinéma et un objet de fol espoir quant à l'avenir de nos bambins.

Le temps dira si le jury du 61ème Festival de Cannes avait vu juste sur ce point en lui attribuant la Palme d'or car pour le reste il n'y a pas photo comme on dit !

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire