Critique : Il y a longtemps que je t'aime

A la claire fontaine, Juliette aimerait bien se baigner histoire de retrouver sa pureté. Philippe Claudel (écrivain à succès et auteur, entre autres, de La petite fille de Monsieur Linh et Le rapport de Brodeck)  s'était essayé en 2005 au travail de scénariste pour l'adaptation de son propre roman Les âmes grises. Il faut croire que l'expérience lui a plu puisque le voici de retour avec la casquette de réalisateur pour un film écrit spécialement pour le cinéma. Il y a longtemps que je t'aime est l'histoire de deux sœurs, Léa et Juliette, qui ne se sont pas vues depuis quinze ans. Et un jour Juliette revient et s'installe dans la maison de sa sœur qui vit avec son mari, ses deux fillettes adoptives et son beau-père muet suite à une attaque cérébrale. Kristin Scott Thomas a marqué « dépression » sur sa tête, Elsa Zylberstein est vive mais semble apte à craquer d'une seconde à l'autre et la guitare mélancolique de Jean-Louis Aubert n'est jamais loin : attention, séance Kleenex !

Au cœur de l'intrigue et des émotions, le secret de Juliette, malicieusement dilué afin de nous tenir en haleine, de mettre à l'épreuve notre propre jugement. Film sur la réinsertion, le désir de renaissance, l'espoir de solidarité, le premier long de Philippe Claudel réussit l'exploit de rester constamment dans la sensibilité sans tomber dans la sensiblerie et le pathos lourdingue. Le jeu sans failles de son duo de comédiennes y est pour beaucoup, ponctué de respirations nécessaires. On sent chez le réalisateur ce désir de ne surtout pas se planter pour son arrivée dans le septième art. La réalisation est archi-soignée et pensée (avec des plans serrés tout le début du film autour de Juliette pour exprimer son enfermement), le scénario est d'une subtilité remarquable, tous les rôles sont creusés.

En résulte un mélo à la fois ambitieux et grand public, déchirant mais plein d'espoir, un drame familial et universel on ne peut plus prometteur. « Il y a longtemps que je t'aime, jamais je ne t'oublierais » disait la chanson...