Critique : En bonne compagnie

Stéphane Argentin | 2 mai 2005
Stéphane Argentin | 2 mai 2005

Après des débuts remarqués dans les comédies potaches et graveleuses avec American pie (plus de 100 millions de dollars aux États-Unis et 2,6 millions d'entrées France) suivi de Les pieds sur Terre avec Chris Rock (au succès nettement plus mitigé), Paul Weitz, assisté de son frère Chris aux postes de scénariste et producteur (et parfois co-réalisateur), avait entamé un virage à 180 degrés pour dresser un portrait beaucoup plus adulte et amère intitulé Pour un garçon. Avec En bonne compagnie, les frères Weitz élèvent encore leur niveau de maturité pour nous livrer une étude sociale d'une rare intelligence.

Le postulat de départ semblait pourtant stéréotypé au possible : d'un côté le vieux schnock, cadre cinquantenaire de la classe moyenne à la vie tant privée que professionnelle parfaitement réglée, et de l'autre le jeune loup aux dents longues, acharné de boulot, aux méthodes arrivistes et prêt à tout pour faire du fric. Mais de ces deux clichés diamétralement opposés, Paul Weitz (scénariste et réalisateur solo du film) a su extraire une comédie douce-amère d'une rare justesse en bousculant et renversant une par une toutes ces valeurs si chères à l'univers des deux personnages.

Sur le plan familial, le quinquagénaire va ainsi, à sa plus grande surprise, se retrouver père pour la troisième fois, sa fille aînée veut prendre le large (la toujours aussi irréprochable Scarlett Johansson) tandis que sur le plan professionnel, il se retrouve affublé d'un nouveau boss qui entend bien faire le ménage (au sens propre comme figuré) au sein du département dont il vient de prendre la tête. Mais ce petit golden boy qui roule en Porsche va lui aussi rapidement se rendre compte que des décisions aussi radicales sont non seulement loin de faire l'unanimité mais également de porter leurs fruits tandis que son côté « job-addict » (accroc au boulot) l'empêche de voir la détresse dans laquelle se morfond sa jeune et charmante épouse (Selma Blair dans un rôle hélas bien trop bref), lasse de devoir l'attendre pour espérer enfin pouvoir fonder une famille.

Mais pour autant, le but d'En bonne compagnie n'est pas, in fine, de donner foncièrement tort ou raison au dinosaure ou au jeune loup, mais de démontrer à quel point leurs habitudes et leurs convictions, tant personnelles que professionnelles, sont non seulement loin d'être inébranlables mais sont de plus, étroitement liées, et que les décisions prisent dans l'un de ces deux domaines ne sont pas sans conséquences dans l'autre. Y'a-t-il un compromis à trouver entre les deux ? Est-il possible de conjuguer réussite sociale et professionnelle dans un monde en perpétuel mouvement où, du jour au lendemain, des rachats, fusions, embauches et dégraissages peuvent survenir sans que l'on s'y attende dans les plus hautes sphères des multinationales ?

Autant de questions que soulèvent avec beaucoup d'à propos les différentes ramifications de l'histoire en faisant se télescoper ces deux extrêmes et leur entourage, mais sans pour autant nous accabler de réflexions et d'études comportementales pompeuses et ennuyeuses. Car En bonne compagnie reste aussi et avant tout une comédie qui pioche son humour, au ton là aussi léger, dans le quotidien à la fois gêné et maladroit de ses deux personnages, campés avec beaucoup de naturel par Topher Grace dans le rôle du jeune premier et qui s'en sort plutôt bien face à un Dennis Quaid à nouveau d'une immense justesse.

Au rythme des situations, tantôt sérieuses, tantôt cocasses (le repas de famille, la rencontre de basket-ball…), et d'une bande originale alternant ballades nostalgiques et morceaux pop-rock, Paul Weitz nous délivre une tranche de vie mêlant adroitement légèreté et gravité où l'on a le sentiment, à plusieurs reprises, d'assister comme dans un miroir au reflet de sa propre vie, passée, présente ou à venir. Un film dont on ressort avec le sentiment d'avoir passer un très agréable moment, à la fois drôle et intelligent, et surtout « en bonne compagnie ».

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