L'Étrange Histoire de Benjamin Button : Critique

Sandy Gillet | 8 janvier 2009
Sandy Gillet | 8 janvier 2009

Tiré de la nouvelle de F. Scott Fitzgerald, L'Étrange histoire de Benjamin Button peut se targuer en tout premier lieu d'être l'une des plus belles adaptations au cinéma qu'Hollywood nous ait donné à voir. D'une fantaisie couchée sur une vingtaine de pages (format Folio) et inspirée d'une pensée de Marc Twain : « La vie serait bien plus heureuse si nous naissions à 80 ans et nous approchions graduellement de nos 18 ans », le couple Eric Roth et Robin Swicord en ont tiré un scénario épique de près de trois heures qui laissera sur le flanc les plus irréductibles et blasés.

On comprend très vite ce qui a attiré Fincher sur ce projet : l'idée du temps qui passe irrémédiablement qu'on le prenne à l'endroit ou comme ici à l'envers et la possibilité de jouer avec cette incongruité temporelle pour faire un film linéaire dans la grande tradition classique d'un cinéma américain somme toute révolue (on pense beaucoup aux films de Sirk : la photo beaucoup mais aussi cette façon de filmer tout en retenue à l'image du personnage éponyme du titre interprété par un grand Brad Pitt). Ce qui obsédait F. Scott Fitzgerald ici comme dans beaucoup d'autres de ses écrits est la destinée. De celle qui s'inscrit dans vos gènes dès le premier souffle. Certains l'appellent la Volonté divine, d'autres comme Fitzgerald préféraient déjà aller voir ailleurs sans pour autant tenter de l'expliquer. C'est la même fascination qui hante Fincher à telle point qu'il lui consacre explicitement une séquence entière : l'accident parisien qui met un termes à la carrière de danseuse étoile de sa bien aimée (Cate Blanchett tout simplement époustouflante). Au terme d'un décorticage limite par l'absurde des actes de chacun et de leur conséquence sur autrui, Fincher et son couple de scénariste ne font rien d'autre que d'extraire l'essence même de la nouvelle.

 

 

Mais là où le film va bien plus loin c'est dans le foisonnement des personnages tous liés à leur destin propre magnifiquement montré et démontré. Une histoire plurielle au service d'un couple que le temps forcément cruel va éloigner, unir et à nouveau éloigner selon un arc prédestiné et fascinant. Indéniablement l'écriture fait aussi penser à celle « inventée » par et pour certaines des meilleures séries TV US actuelles où le format permet de se répandre à l'envie sur l'histoire de chacun mais toujours au service du ou des personnages centraux (spontanément on pense à la série tranche de vies Friday night lights). Le fait d'avoir su donner cette impression de richesse en « seulement » 164 minutes tient bien entendu de la gageure magnifiquement relayée à l'écran par la réalisation de Fincher qui malgré le manque apparent de défis de mise en scène propres à ravir ses fans de la première heure a eu l'intelligence de se lover avec tact dans cette histoire pour en faire un film à l'ambition visuelle de tous les instants (ne serait-ce que de voire comment il traite le passage du temps sur le visage de Benjamin Button).

 

 

Certains pourront dire que ce Benjamin Button ne sera pas dans la filmographie de Fincher un film important du fait de cette réalisation où en apparence rien de nouveaux sur son génie visuel ne nous est donné à voir. Le temps (encore lui) fera son œuvre et nous verrons bien. Mais ce qui est déjà certain c'est qu'il s'agit là d'une œuvre extrêmement ambitieuse, à tous égards la plus personnelle et donc la plus émouvante du cinéaste : se revoir pour cela et à l'envie les dix dernières minutes qui, si elles ne peuvent forcément atteindre le même degré d'émotions, ressemblent à s'y méprendre à la fin de Six Feet Under.

 

Résumé

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