Critique : Tante Hilda !

Nicolas Thys | 7 juillet 2013
Nicolas Thys | 7 juillet 2013

En 1981, Jacques-Remy Girerd fondait à Valence le studio Folimage. En une trentaine d'années, ce studio est devenu l'un des lieux les plus importants pour la production de courts et de longs-métrages d'animation, accueillant de nombreux artistes internationaux pour les aider à réaliser leurs films. Girerd lui-même est l'auteur d'une œuvre importante, glanant régulièrement des prix un peu partout. Depuis 10 ans maintenant, le grand public le connaît grâce à ses deux premiers longs, La Prophétie des grenouilles et Mia et le Migou. Chacun dans leur genre a contribué à transformer le paysage français de l'animation, alors largement dominé par les productions américaines, mais qui reprenait du souffle depuis le succès de Kirikou.

La spécificité des réalisations de Girerd par rapport à celles des studios étrangers est de proposer un rendu typique de l'animation traditionnelle 2D. Son nouveau film, Tante Hilda, en est encore une jolie preuve. L'histoire est simple : une nouvelle céréale, Attilem, est mise au point et pourrait dominer le marché mondial de l'agroalimentaire. Mais tout tourne à la catastrophe, les politiques sont incapables d'agir et seule résiste Hilda, une amoureuse de la nature, et son musée végétal. Monsanto n'est pas loin et il a l'apparence et la mentalité de la bande des pirates des Mondes engloutis !

Premier constat et première qualité du film : tout a été réalisé en dessin sur papier, ce qui lui confère un côté très volatile, léger et permet des envolées lyriques saisissantes tout en conservant un minimalisme et un style des plus épurés. Si le film est pro-nature, il choisit clairement, dans son économie formelle, d'éviter au maximum le recours au tout-technologique dans sa création. Et les images de synthèse, créées numériquement, n'atteindront jamais le studio. Comme Hilda, Folimage résiste à l'envahisseur et prouve que l'on peut encore faire des films beaux et réussis sans avoir recours à la rapidité et à certaines facilités liées à l'informatique.

Jamais le dessin ne cherche à tendre vers un quelconque réalisme. On est ici dans la caricature et le burlesque mais, néanmoins, le comique lorgne sur le drame dans un mélange de romantisme mignon au charme désuet et d'une utopie qui tourne au désastre. Le film, coréalisé par Benoit Chieux, collaborateur régulier du studio et directeur artistique sur Mia et le Migou, est un pamphlet écologiste à destination des plus jeunes et toutes les idées du scénario, même les plus folles et absurdes, semblent fonctionner sans difficulté grâce à la dérision, la légèreté du trait et une recherche impeccable du mouvement : plus nerveux et cartoonesque d'un côté, plus tendre et aérien de l'autre. Les voix, que l'on pourra trouver excessives, participent également à l'humour général. Nul doute qu'avec une autre technique ou un désir de coller le plus près possible à la réalité en créant un monde trop proche du nôtre, l'ensemble n'aurait pas tenu le choc.

On perçoit nettement le ton pacifique, la haine du pouvoir corrompu, les relents anticapitalistes ou antilibéraux et tout tient la route. Sauf peut-être les abeilles qui parlent, mais après tout pourquoi pas ! Tante Hilda est une fable politique, un conte écolo et une autre réussite pour Folimage. D'ailleurs, les critiques et revendications politiques ou sociales passent souvent très bien dans l'animation et il n'y a qu'à revoir La Main de Jiri Trnka pour s'en convaincre.

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