Critique : César doit mourir

Sandy Gillet | 17 octobre 2012
Sandy Gillet | 17 octobre 2012

Les frères Taviani font partie de ces rares réalisateurs encore en activité témoins d'un cinéma italien passé par tous les états depuis son âge d'or. En son sein, ils ont su marquer de leur empreinte la filmographie de leur pays avec entre autre le pic Padre Padrone, Palme d'or en 1977. Cette très belle longévité, ils la doivent à leur volonté de ne jamais perdre de vue leur cinéma fait d'obsessions sur la guerre, d'engagements politiques radicaux ou de liberté d'expressions qu'ils ont pu partager via un champ des possibles cinématographiques sans cesse renouvelé ou tout du moins enrichi. César doit mourir devait profiter de cela, de cette expérience remarquable accumulée au fil des décennies, de cette envie toujours intacte de faire du cinéma.

Malheureusement ici les frères cinéastes peinent à faire de leur film autre chose qu'un documentaire témoin d'une aventure humaine certes exceptionnelle mais sans lendemain. Et le spectateur d'avoir alors le droit de s'ennuyer ferme. Très rapidement d'ailleurs. César doit mourir nous raconte l'histoire de prisonniers de droit commun qui ont montés une troupe de théâtre au sein de leur prison. On voit très vite ce qui a poussé les frères Taviani à vouloir réaliser ce film. Essayer de percer à jour ces hommes, ces détenus condamnés à de longues peines qui deviennent le temps d'une pièce et des répétions, des acteurs. On suit alors en continu le casting, les répétitions et la pièce jouée devant une assemblée conquise. On s'attarde alors ici sur un visage, là sur une gestuelle qui pourrait s'apparenter à un papillon de nuit se cognant sans cesse sur une source de lumière, ou encore au « décor ». Et malgré cela on peine à « comprendre », à « voir » ou à distinguer les personnages des acteurs. Le secret n'est jamais percé mais peut-être n'y en a-t-il pas, ou plus certainement, il fallait le plus longtemps possible les confondre pour en faire une sorte de grande famille fictionnelle.

De l'autre côté, les Taviani sont arrivés à filmer la prison comme peu avant. De celle qui vous fait ressentir jusque dans votre chair le manque de liberté. Celle-ci est le personnage central de son film mais aussi de Jules César de Shakespeare, la pièce qu'ils ont choisie d'adapter. Il y avait certainement des connivences, des ponts, des échos même lointains entre leur histoire à chacun et celle racontée par Shakespeare. Mais on n'en saura rien. Tout juste pourra-t-on avancer que les meurtriers de César se sont enfermés dans une prison morale qui ne prendra fin qu'à leur mort sur le champ de bataille face aux partisans du feu Empereur romain. C'est un peu court et on n'est pas loin de couper le cheveu en quatre il est vrai ici.

Du coup, on se laissera juste porter par l'énergie communicative de ces prisonniers dont on comprend bien qu'il s'agit alors là d'échapper à la « grisaille » du quotidien. Sans parler de la mise en images de l'ensemble d'une très belle efficacité que la photo en N&B (sauf lors de la captation de la pièce en elle-même où alors on passe en couleurs) rehausse encore. Une esthétique qui aurait pu nuire ou déteindre sur son sujet. Il n'en est rien puisque finalement on reste en surface et l'on repart comme l'on est venu, par la petite porte. C'est en tout cas faire peu de cas de ces personnages tout à la fois de fiction et réels qui sont paradoxalement laissés dans l'obscurité après s'être cognés à la lumière cinéma. Il y avait pourtant là matière à créer une mise en abyme vertigineuse dans laquelle le spectateur aurait pris beaucoup plus de plaisir à s'y perdre. Pour l'amour de l'Art et la justice des hommes. Frustrant !

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