Les Adieux à la reine : Critique

Laure Beaudonnet | 9 février 2012
Laure Beaudonnet | 9 février 2012

L'espace d'un film, on déambule dans les couloirs du Château de Versailles comme une petite souris, chanceuse d'observer les dessous d'une couronne. Du point de vue de la lectrice de Marie-Antoinette voit-on l'insurrection révolutionnaire se mettre en place, cloîtré dans des galeries d'ignorance. Benoît Jacquot adapte le roman de Chantal Thomas paru en 2002. Trois jours d'incertitude et d'angoisse où la liste des têtes à couper tombe entre les mains de la cour, recluse dans un Versailles proche du huis-clos. Une petite histoire - celle de la dévotion de Sidonie Laborde (Léa Seydoux) à sa reine (Diane Kruger), elle-même éprise de Gabrielle de Polignac (Virginie Ledoyen) aux mœurs légères - dans la grande histoire - la prise de la Bastille. Et si le sujet semble avoir été vu et revu, l'angle choisi offre une dimension inédite où sensualité et macabre s'offrent une dernière danse.

 

 

Benoît Jacquot, véritable esthète, dont on avait déjà salué le dernier opus, Au fond des bois, signe une mise en scène époustouflante portée par l'hypnothique Léa Seydoux. Jouant à la perfection du multiple et de l'individuel, il passe sans cesse du gros plan au bourdonnement inquiétant avec une belle maîtrise des séquences de foule. La cour bouillonne et le chaos s'insinue progressivement à mesure que la reine perd son sang froid. Une mise en scène réussie est invisible, tout en imprégnant son public d'images marquantes, comme un langage à part entière. Et s'il fallait absolument en saluer une, ce serait celle des adieux de la reine à l'objet de son affection immodérée - et pas très catholique -, Gabrielle de Polignac, où d'une seule prise, la caméra passe d'un visage à l'autre, comme un balancier de plus en plus rapide, traduisant le désœuvrement de Marie-Antoinette. Diane Kruger en reine charismatique brisée est brillante. Les Adieux de la reine repose sur la quintessence du cinéma française actuel, marchant sur les pas de L'Apollonide avec une Noémie Lvovsky en louve protectrice et autoritaire.    

 

 

L'effondrement du système monarchique en quelques jours recèle plus de suspense que certains films d'action. Aussi étonnant qu'il puisse paraître avec un thème aux allures poussiéreuses - mais aux allures seulement ! -, Benoît Jacquot n'ennuie jamais son public. Au contraire. On observe les bruits de couloir rencontrer une réalité bien plus terrible que toutes les rumeurs confondues, la cour craindre l'invasion de la plèbe et la reine, prise d'un ultime espoir, sauver sa délicieuse passion. Un film intimiste qui fait tomber perruques et particules pour traiter de l'humain.

 

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire