Critique : Thérèse Desqueyroux

Louisa Amara | 20 novembre 2012
Louisa Amara | 20 novembre 2012

Thérèse Desqueyroux, dernier film de Claude Miller, a été présenté hors compétition au festival de Cannes. Comme si Thierry Frémaux et Gilles Jacob avaient voulu lui faire un dernier cadeau avant qu'il aille rejoindre ses confrères au paradis des cinéastes disparus. C'est le matin même de sa mort que Claude Miller a appris que son film serait présent à Cannes, révèle sa femme et productrice. Après cette grande joie, il a cessé de lutter, et a été emporté par le cancer, qu'il combattait durant le tournage à coup de séances de radiothérapie.

 Forcément la présentation du film à l'époque et encore aujourd'hui est auréolée de cette tristesse et de cet hommage au réalisateur de Garde à vueL'Effrontée ou La Petite voleuse, pour ne citer qu'eux. Pour autant, il faut tâcher de voir le film pour ce qu'il est : une adaptation maladroite du roman de François Mauriac. Claude Miller vouait une fascination pour ce roman et son auteur. Or il a fait le mauvais choix d'une histoire linéaire qui selon lui donne « plus de force au récit » alors que l'ouvrage était conté avec plusieurs flashback pour donner toute sa vivacité, son rythme à l'intrigue.  

On peut s'étonner de cette décision puisque l'histoire se passe dans les années 20 dans la bourgeoisie des Landes, un cadre très austère. Tout l'intérêt du film réside dans les relations entre les personnages, leurs ambigüités, le carcan social dans lequel ils sont enfermés. Peu d'action donc, tout est dans les regards, les dialogues. Un récit linéaire associé à une réalisation très académique ont pour effet de nous plonger dans une profonde torpeur. Claude Miller qui aimait tant filmer les femmes faillit cette fois, alors que le rôle titre devait être fascinant par ses failles et ses parts d'ombres.

Et c'est dommage, car les acteurs font de leur mieux. Audrey Tautou tente d'incarner comme elle peut (non ça n'est pas la plus grande actrice de sa génération) cette Thérèse Desqueyroux indécise, manipulatrice, mauvaise mère, mauvaise épouse mais surtout perdue. Gilles Lellouche en mari bourgeois aimant et trahi, au destin tragique, trouve un beau rôle à contre emploi. La fraicheur d'Anaïs Demoustier apporte cette bulle d'oxygène au film. Mais tous ces efforts collectifs ne suffisent pas à rendre le long-métrage passionnant. Au mieux, Thérèse Desqueyroux donnera envie de lire le roman ou (re)découvrir la superbe version de Georges Franju avec la fabuleuse Emmanuelle Riva.  Au pire, il suscitera la question la plus cruelle : et si le dernier film de Claude Miller n'était en fait qu'un téléfilm de luxe ? 

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