Time Out : Critique

Simon Riaux | 24 février 2012 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 24 février 2012 - MAJ : 09/03/2021 15:58

À bien y regarder, la ferveur qui entoure la filmographie d'Andrew Niccol doit autant à l'actuelle pénurie de science-fiction réflexive et subversive, qu'à ses qualités intrinsèques. Bienvenue à Gattaca souffrait d'un académisme plombant, Simone d'un scénario qui n'épousait jamais les thématiques passionnantes qu'il convoquait, et The Truman show péchait en pillant pour considérablement Philip K. Dick, pour finalement l'amoindrir. Toutefois, cette filmographie ambitieuse recelait en son sein d'innombrables ambitions et qualités qu'on rêvait de voir conjuguées au sein d'une même oeuvre. Time Out pourrait bien être la claque que les amateurs de science-fiction attendaient, et espéraient recevoir de la part de ce bon Andrew.

La force du projet tient dans la pertinence diabolique de son concept, qui fait sienne le célèbre proverbe : time is money, et l'applique à l'univers dépeint avec une malice qui reste suffisamment terre-à-terre pour ne pas se perdre dans les limbes de la théorie verbeuse. Les idées n'ont jamais manqué à Niccol, mais il brille ici par sa capacité à les ancrer dans une réalité qui nous saute littéralement au visage, car son propos épouse parfaitement les contours de la crise qui traverse actuellement le monde occidental. Les parallèles effectués avec notre monde sont éminemment simples, mais d'une acuité et d'une limpidité qui force le respect. Difficile de réprimer le frisson qui vous parcourra l'échine devant le bureau des Time-keepers, entre commissariat, clinique et salle de marché, où ces policiers d'un genre nouveau scrutent le cours du temps, comme d'autres aujourd'hui celui du dollar.

 

photo, Justin Timberlake, Amanda Seyfried

 

Mais si l'intelligence rhétorique de Time Out touche instantanément, c'est qu'elle a pour véhicule un pur objet de cinéma. Son casting est une réussite totale, Timberlake s'impose sans difficulté en jeune premier, Amanda Seyfried est une tornade de séduction décadente, Cillian Murphy prouve une fois encore qu'il peut rendre le plus classique et prévisible des rôles absolument fascinant, quant à Vincent Kartheiser, révélé par Mad Men, il lui suffit d'une partie de poker vertigineuse pour prouver qu'il a bien plus à offrir qu'une gueule de parfait salopard. Cette distribution de première classe évolue dans un univers dont la direction artistique s'inscrit dans la continuité des précédents travaux de Niccol, mais qui parvient enfin à trouver l'ampleur qui lui faisait défaut. Le style rétro-futuriste prend ici tout son sens, et se décline avec assez de finesse pour nous faire accepter des partis pris téméraires (le traitement des transports et des communications), et faire basculer l'ensemble dans l'uchronie plus que la science-fiction.

 

 

photo, Justin Timberlake

 

Cependant, le réalisateur tente parfois d'en raconter un peu trop, quitte à alourdir le rythme de l'ensemble. Ainsi, la sous-intrigue des Minute Men plombe la dynamique du film, ce qui est d'autant plus dommage qu'Alex Pettyfer y prouve enfin qu'il peut (très bien) jouer. On aurait aimé que le metteur en scène amoindrisse ou sacrifie cet arc, pour permettre à son réel sujet et à la crise qu'il expose de prendre toute sa dimension, et de se faire plus extrême que la finalement très attendue (quoique délicieusement iconique) destinée de ses héros. On regrettera ainsi que l'explosion promise par l'intrigue se révèle, à l'image de la confrontation finale, un simple feu d'artifice.

 

 

photo, Justin Timberlake, Amanda Seyfried

 

Quoiqu'il en soit, on aurait tort de se focaliser sur les défauts réels, mais périphériques, de Time out. Car Andrew Niccol parvient ici à mettre en boîte un véritable trip de science-fiction, fin, percutant, et toujours intelligent. Les occasions de pénétrer dans un monde d'une telle cohérence, dont chaque aspect fait instantanément sens, sans jamais amoindrir la narration, sont particulièrement rares. À tel point que lorsque les lumières se rallument, l'envie de plonger à nouveau dans la folie de New Greenwich, et d'en suivre l'inexorable chute, se fait des plus impérieuses.

 

 

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commentaires
sylvinception
10/02/2020 à 17:29

*(était)
:-)

sylvinception
10/02/2020 à 17:28

Rassure-moi nico, ton commentaire est ironique, n'est-ce pas ?

nico
15/09/2018 à 15:01

Rassurez moi cette critique est ironique , n'est ce pas?

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