Critique : Toutes nos envies

Sandy Gillet | 8 novembre 2011
Sandy Gillet | 8 novembre 2011

Toutes nos envies prolonge chez Lioret la réflexion sociale et politique initiée sur Welcome tout en l'intégrant définitivement à son univers cinématographique fait de destins contrariés ou tragiques à hauteur d'hommes. Comme s'il y avait là une volonté de synthétiser une réflexion et une filmographie toujours en mouvement. Avec Welcome, Lioret avait délaissé certaines de ses préoccupations de cinéma « bourgeois » pour montrer quelque chose de plus frontal, n'hésitant pas à plonger sa caméra et à prendre parti sur la problématique des sans-papiers. S'il n'était pas parvenu à totalement nous convaincre de la « bonne foi » de sa démonstration du fait d'une altérité de points de vues allant jusqu'à tomber vers la fin dans l'écueil du conte cruel, le voici donc ici qui rectifie le tir d'une manière beaucoup plus prégnante.   

Pour le côté dénonciation d'une société en perte de valeurs, le cinéaste a choisi une actualité certes « à la mode » mais immédiatement parlante à l'ensemble de nos concitoyens. Le surendettement touche en effet de plus en plus de familles les plongeant dans une détresse dont le politique peine ne serait-ce qu'à rendre compte. Lioret adopte quant à lui l'angle qui peut paraître manichéen de l'entreprise de crédit, maquerelle et Moloch tout à la fois du capitalisme moderne, dont le seul but est de tirer un profit sonnant et trébuchant de la crédulité des fragiles et des naïfs qui ne manquent pas de succomber à l'appel de cet argent faussement facile. Entre les deux la justice ? Elle est incarnée ici par Marie Gillain, jeune juge au tribunal de Lyon, qui se voit offrir au passage son premier grand rôle de femme, confrontée à la tragédie quotidienne du surendettement. Une injustice qu'elle tente de limiter en usant d'artifices et d'interprétations déviantes des textes de loi. Elle est aidée par un juge plus expérimenté mais aussi quelque peu désabusé par un état des lieux qui ne va qu'en s'aggravant (Vincent Lindon parfait comme toujours). On se dit alors, bon voilà le bon vieux Lioret qui pointe le bout de son nez. Un petit peu d'adultère à la Mademoiselle au sein d'une grande cause où deux juges vont tenter à eux seuls de faire plier Goliath en décidant que trop c'est trop et d'aller jusqu'à la Cour Européenne de justice.

Ça c'est en effet le Lioret de Welcome. Celui de Toutes nos envies rajoute un troisième axe narratif que nous ne dévoilerons pas. Certains y verront comme le sommet d'un pathos mal assumé, d'autres, comme nous, la belle arrogance d'un cinéma qui ne veut plus se cacher derrière l'arbre de scénarii certes jusque ici bien ficelés mais tout de même encore bien trop timorés. Ce qui va permettre à ses personnages et à sa mise en scène de se lâcher complètement. Tous deux sont traversés par une folle envie de respirer, de vivre. Les mouvements de caméra semblent plus amples, moins calculés. Le montage est plus souple, moins poseur. Et le film d'exister tout simplement comme si chaque respiration était la dernière. De cette urgence qui manquait jusqu'ici au cinéma de Lioret, on pourra la trouver ridicule, complaisante et pourquoi pas calculatrice. Ce serait se fermer à quelque chose qui n'est pourtant pas si courant chez nous et que l'on appelle la sincérité.   

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire