Tokyo Ghoul : le manga génial qui renouvelle le mythe du vampire

Christophe Foltzer | 8 mai 2021
Christophe Foltzer | 8 mai 2021

Que reste-t-il encore à raconter sur le mythe du vampire ? Surtout à l’heure où la saga Twilight semble l’avoir mis à mal pour longtemps ? Et si la réponse venait de là où on ne l’attendait pas ? Du Japon par exemple.

Le petit monde du manga connait une mutation particulièrement intéressante depuis quelques années. Alors que Dragon Ball est revenu en force et a prouvé que nous sommes destinés à vieillir et mourir avec Goku et ses potes, d’autres séries ont, entre-temps, occupé le terrain du Shonen. One Piece et Naruto, évidemment.

Mais tout ceci nous conduit toujours au même constat : le genre Shonen (destiné à un public adolescent principalement masculin) repose toujours sur les mêmes principes, utilise les mêmes codes pour finalement toujours raconter un peu la même chose. Développement de soi, combat contre des ennemis de plus en plus puissants, sauvetage de la galaxie ou de l’univers… Nous sommes toujours en terrain connu. Il arrive cependant que certains mangas viennent rafraichir le paysage en proposant un concept novateur tout autant qu’une déclinaison intelligente des coutumes. Et parmi ces mangas, il y a Tokyo Ghoul.

 

Photo Tokyo Ghoul logoTOKYO GHOUL [ZAKKI] © 2014 by Sui Ishida / SHUEISHA Inc.

 

UN MANGA GOULE

Pourtant, dans son principe de base, Tokyo Ghoul ne semble pas nous proposer quelque chose de différent de la norme communément éditée en France. Dans un Tokyo frappé d’une épidémie de crimes perpétrés par des monstres appelés Goules, le jeune Ken Kaneki vit mal son adolescence. Plutôt en retrait, passionné de littérature, il ne semble pas s’intégrer à ses contemporains. Mais alors qu’il fréquente le café L’Antique, il croise une jeune femme, Lize Kamishiro, qui semble partager la même passion que lui et ils se rapprochent.

Manque de bol, c’est une goule qui l’attaque et le laisse pour mort avant de décéder à son tour. Transporté d’urgence à l’hôpital, Ken se fait greffer quelques organes de son agresseur et survit. Il comprend alors qu’il est investi des pouvoirs de la Goule, se trouvant à présent entre les deux mondes, pas vraiment un monstre et plus tout à fait un humain et qu’il est pris d’une faim insatiable qu’il tente de contrôler. Le début d’une quête de soi pour découvrir quelle part lui appartient au fond alors que le conflit entre le gouvernement et les goules des différents districts de la ville menace de s’embraser.

 

Photo Tokyo Ghoul logoTOKYO GHOUL [ZAKKI] © 2014 by Sui Ishida / SHUEISHA Inc.

 

Si l’œuvre de Sui Ishida retient autant l’attention, c’est que, dès le départ, elle transgresse quelques règles d’usage. En bon manga Seinen (destiné aux jeunes adultes), Tokyo Ghoul utilise en effet d’emblée un cadre contemporain, Tokyo, et ne s’embarrasse pas de détours pour nous en montrer le versant caché. Une autre société existe en parallèle, invisible, et elle s’étend sur une trainée de sang. En refusant tout de go la distinction manichéenne entre le Bien et le Mal, Tokyo Ghoul évite le principal écueil que l’on pouvait craindre : le côté moral de son histoire. À partir du moment où Ken devient une Goule, c’est en effet la question centrale du récit qui est posée : est-il pour autant devenu un monstre alors que son esprit reste profondément humain ?

En ce sens, le manga se transforme en une passionnante étude de l’âme humaine tout autant qu’une réflexion philosophique de fond sur notre rapport aux autres et à nous-mêmes. Reprenant la bonne vieille opposition de la Nature contre la Culture, Tokyo Ghoul nous invite donc à réfléchir sur la complexité de l’humain, tiraillé entre sa lumière et son ombre, toujours en équilibre fragile entre ces deux pôles, que le moindre évènement peut faire vaciller d’un côté ou de l’autre.

Doit-on succomber à notre part monstrueuse parce qu’elle joue sur notre pulsionnel et notre frustration ? La conscience, dans son impératif moral, est-elle toujours la meilleure solution ? Et nos repères ne sont-ils pas destinés à bouger face à des évènements terribles et qui nous dépassent, au point de révéler une nature profonde que l’on s’efforçait de refouler jusqu’ici ? On le voit, sous couvert d’une série un brin gore, à la mode et bardée de pouvoirs et de techniques typiques des mangas, Tokyo Ghoul est bien plus qu’un simple divertissement pour passionnés de fantastique et d’horreur, il remet en question notre rapport à la réalité et aux apparences vendues dès le départ comme la norme établie.

 

Photo Tokyo Ghoul logoTOKYO GHOUL [ZAKKI] © 2014 by Sui Ishida / SHUEISHA Inc.

 

UNITED COLORS OF BANDE DE GOULES

Et c’est bien là l’aspect le plus intéressant du manga. S’il ne se bornait qu’à jouer sur le mode introspectif de l’exploration de la bête-en-nous, Tokyo Ghoul s’essoufflerait rapidement. Heureusement, il n’oublie pas la composante essentielle au bon fonctionnement de son récit : l’ouverture sur l’autre. S’il s’agit d’identifier et de dominer (ou non) son pulsionnel, le manga propose une autre piste de réflexion intéressante : la vie en communauté. Qu’est-ce qui, au fond, différencie les Goules des humains ? Ne sont-ils pas similaires dans leurs envies et leurs actions ? Plutôt que d’aller dans une confrontation sanglante et sans fin, ne serait-il pas plus intelligent d’arriver à un statu quo qui nous permettrait de vivre tous ensemble ?

 

Photo Tokyo Ghoul logoTOKYO GHOUL [ZAKKI] © 2014 by Sui Ishida / SHUEISHA Inc.

 

Et c’est la grande idée de Sui Ishida que de nous présenter des Goules soumises aux mêmes contingences que les humains. Certaines se complaisent dans une vie marginale tandis que d’autres vont plutôt chercher à s’intégrer, cibler leurs proies en fonction de leur statut social (en gros, les criminels), ne pensant qu’à l’intégration dans la société globale pour couler des jours heureux et, mieux encore, apporter quelque chose à la communauté.

Malheureusement, comme bien souvent, la différence et l’autre font peur, et il est plus facile de se cantonner à un jugement égocentrique plutôt que de prendre en considération l’humanité de son prochain et de trouver un terrain d’entente, même s’il faut pour cela composer avec sa part monstrueuse, et la sienne. Et, dans ce sens, le héros Ken Kaneki est peut-être le lien nécessaire entre les deux mondes, à moins qu’il n’embrasse sa nouvelle nature sanguinaire qui n’a, au fond, que révélé un potentiel préexistant qui ne demandait qu’à s’exprimer. Toujours et encore cette idée d’équilibre intérieur pour arriver à une paix extérieure.

L'autre coup de génie de Sui Ishida est de brouiller les cartes inhérentes au genre dès le départ. Alors que l'utilisation du terme Goule nous prédispose à une histoire de vampires, qu'elle n'est pas notre surprise de découvrir au bout de quelques pages que les monstres sont moins des princes de la nuit que des cannibales sauvages. Point de gousses d'ail ou de crucifix ici, la créature est, comme son récit et son héros, à la croisée des mondes, coincée entre deux univers et tentant d'exister, et cela fait un bien fou.

Cette originalité, plus importante qu'il n'y parait de prime abord, enveloppe Tokyo Ghoul d'une aura de mystère qui nous rend la lecture du manga passionnante. En bousculant nos codes et nos préjugés, l'auteur nous ouvre une porte sur un monde vaste et aux multiples secrets que nous brûlons d'impatience d'explorer de tome en tome. Et ça ne manque pas d'ailleurs : à peine la lecture débutée, impossible de lâcher la série jusqu'à sa conclusion.

 

Photo Tokyo Ghoul logoTOKYO GHOUL [ZAKKI] © 2014 by Sui Ishida / SHUEISHA Inc.

 

Enfin, Tokyo Ghoul est aussi une éclatante métaphore de nos sociétés ultralibérales, qui n’hésitent pas à dévorer symboliquement les êtres qui les composent dans un but fichtrement narcissique et destructeur pour l’ensemble. Mais, qu’on ne s’y trompe pas, Tokyo Ghoul n’est pas un vulgaire pensum psycho-intello-philosophique qui nous assomme avec son propos. Il reste un manga hyperdynamique, au trait fin et précis, rempli ras-la-gueule de personnages passionnants et de retournements de situation inattendus, qui nous tient en haleine tout au long de ses 14 volumes.

Et il semblerait que l'auteur ait d'ailleurs trouvé la formule magique de son succès puisqu'outre la série principale, Tokyo Ghoul s'est également enrichi d'une suite :Tokyo Ghoul : RE, qui adopte cette fois le point de vue des humains chasseurs de Goules, le CCG et ses sujets expérimentaux, les Quinckies.

En bref, si vous cherchez actuellement un manga fun, gavé d’action, de pouvoirs et de suspense, tout en souhaitant un fond plus évolué que la moyenne, Tokyo Ghoul est ce qu’il vous faut. Passionnant de bout en bout, intelligent et profond, il fait incontestablement partie de ces œuvres à priori discrètes, mais qui nous accompagneront pendant de longues années. Ce genre d’œuvres qui grandiront en même temps que nous et vers lesquelles nous reviendrons à l’avenir pour en découvrir toutes les subtilités cachées. Et ça, c’est plutôt goule.

 

Photo Tokyo Ghoul

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commentaires
Birdy en noir
08/05/2021 à 13:13

Vous pouvez foncer sur l'animé de Netflix, c'est une bombe aussi. La fin de la saison 1 est vertigineuse.

Littlebigdiablo
08/05/2021 à 12:15

Et que pensez vous de la suite RE? Je me souviens que les premiers tomes de cette nouvelle série m’avaient plutôt déçu.

Nico
08/05/2021 à 11:39

Une vrai réussite que ce manga !

@Anime post
Et en français ça donne quoi?

Anime post
31/05/2018 à 06:25

Les manga Tokyo ghoul son bien
Mes alors que Tokyo ghou re il a une page que etrange

Annonimous
25/02/2017 à 12:49

La saison 3 est deja sortie mais elle est sortie que sur des site de streaming payant example NetFlix je ne les pas et sa me fou un peu les mort de laisser le manga a une fin comme celle ci

JOW
25/02/2017 à 08:52

Pour moi c'est un excellent manga. J'aime beaucoup one piece, naruto mais je préfère tokyo ghoul. Pour ceux qui chercher des informations sur une saison 3 je pense pas qui en aura. Puis la saison 2 est un hors sujet. Je spoil pas mais la saison 1 ne fini pas vraiment comme le manga déjà. Et Ken ne rejoint jamais aogiri. Et pour vous situer la fin de la saison 1 de l'animé c'est le tome 7 du manga donc il y a pas mal de choses à voir après. Sans compter sur Tokyo ghoul re qui commence vraiment à devenir intéressant. Voilà si sa peu aidé certain.

Greg
25/02/2017 à 03:19

Cool ! Ça donne envie !

krys
24/02/2017 à 20:56

La seule info que j'ai cherché dans cette news cest à quand la prochaine saison de ce manga?

Mioc
24/02/2017 à 19:17

Ce n'est vraiment pas le même genre et perso j'ai vraiment apprécié. Plus fouillé et réfléchi que beaucoup d'autres

HAYATO92
24/02/2017 à 16:00

INCOMPARABLE AVEC DB/DBZ ET AUTRES PÉPITES COMME NARUTO ET ONE PIECE LES COPAINS..C'EST PAS L'MÊME REGISTRE..TOKYO GHOUL SUPER SYMPA AVEC BEAUCOUP D'ORIGINALITÉ MAIS UNE FOIS PLUS RIEN A VOIR..

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