Gaspar Noé réagit à l'interdiction délirante de Love et au retour de la censure

Sophie Sthul | 4 août 2015
Sophie Sthul | 4 août 2015

Quelques heures après que le Tribunal Administratif de Paris ait retiré son visa d’exploitation à Love, suite aux démarches de l’association « judéo-chrétienne » Promouvoir et de son avocat Patrice André, le réalisateur Gaspar Noé s’est exprimé.

Dans les colonnes de Libération, il fait part de son incompréhension et de son inquiétude face à un phénomène qui fait craindre un retour en puissance de la censure.

« On est face à un anachronisme absolu. Cet anachronisme, c’est celui des réacs, mais aussi, dans d’autres contextes, celui de l’Etat Islamique. Ce qui est choquant, ce n’est pas que cela existe, mais que la France donne raison à cet anachronisme, qu’elle l’écoute. »

En l’occurrence, il ne s’agit pas tant de l’écouter, que de se retrouver relativement impuissant face à l’utilisation intelligente de failles législatives. Mais comme l’explique le réalisateur, le risque n’est pas tant de voir Love disparaître, que cette nouvelle interdiction créer un précédent dans l’industrie.

« Ce qui m’angoisse, c’est que, à cause de ce genre de choses, des réalisateurs ou producteurs peuvent se mettre à avoir peur. Il y un risque que les cinéastes ou scénaristes s’autocensurent. »

Risque d’autant plus évident que l’association et son avocat Patrice André (ancien militant d’extrême droite proche de Bruno Mégret), ont désormais l’intention de s’attaquer à Mad Max : Fury Road. L’idée n’étant pas de protéger les mineurs d’un quelconque danger, auquel cas l’association Promouvoir s’inquièterait sans doute de l’accessibilité massive et gratuite de contenus à caractère violent et sexuel sur le web, mais bien de mettre la production artistique au pas.

Or, il ne fait aucun doute que si producteurs, distributeurs et exploitants doivent travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ils prendront plus le risque d’amener sur les écrans des œuvres « différentes ».

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commentaires
Anthony
05/08/2015 à 16:09

Elle est mieux acceptée parce qu'elle est fausse au cinéma. Le sexe, lui, est réel. C'est pour ça que la comparaison m'a toujours semblé maladroite.
En revanche, ce qui m'a toujours fait marrer, c'est que l'âge sexuel légal est de 15 ans en France. Donc en France, on a le droit de pratiquer à 15 ans, mais il faut en avoir 18 pour voir.

Alix
05/08/2015 à 11:44

@ Grift
Merci également pour cet échange très intéressant et enrichissant.
Je ne suis pas convaincu que la dimension cartoonesque appliquée à un film comportant des scènes explicitement sexuelles puisse contribuer à en désamorcer la charge... ou la décharge...
Je n'ai jamais affirmé que le sexe était mal. Je n'ai jamais dit non plus qu'il fallait le bannir des écrans.
Je dis juste qu'il ne faut pas tout exposer à n'importe qui.
Quant à la violence, elle est en effet mieux acceptée que le sexe dans le cinéma.
Pourquoi? vaste débat...

Anthony
05/08/2015 à 10:27

Voilà, sans adulte majeur, le mineur de 16 ans entre quand même dans la salle. De toute façon, cette notion d'accompagnement par un adulte est un peu ridicule dans la mesure où le mineur peut venir avec un de ses potes de 18 ans.

Fil
05/08/2015 à 09:26

- 16 ans avec un adulte n'existe pas à proprement parler, ce qui existe c'est "16 ans avec avertissement".
- Il est entendu et appliqué qu'il s'agit d'une règle entre 2, qui nécessite l'accompagnement d'un spectateur plus âgé.

Syarus
05/08/2015 à 07:42

Moi ce qui me choque également dans un autre registre, c'est que la vie d'adele n'a même pas une petite interdiction de moins de 12 ans alors qu'elle a une scène très longue et explicite de sexe qui par son traitement m'a mise mal à l'aise (pas de musique, bruitage et longueur de scène excessive) et que Love en comparaison passe très bien. Je l'ai et beaucoup apprécié. C'est triste pour le Visa d'exploitation mais cela n'est pas étonnant dans un pays comme le notre qui régresse à une vitesse grand V.

Lolo Pécho
04/08/2015 à 23:09

Simon Riaux était sur BFM tv pour parler du film.

Anthony
04/08/2015 à 20:44

"Love n'a JAMAIS été mis à la disposition d'enfants, mais de mineurs de PLUS de 16 ans, si accompagné d'un adulte."
Euh... Ça existe, cette classification (+16 ans accompagné d'un adulte) ?

Anthony
04/08/2015 à 20:43

L'interdiction aux moins de 18 ans (qui n'a rien à voir avec le classement X qui frappe - tout à fait injustement d'ailleurs - les films pornographiques, rappelons le) ne me choque pas spécialement. Ce classement existe, utilisons-le lorsque c'est nécessaire, comme c'était encore le cas il y a une vingtaine d'années. Le problème reste surtout que ce classement est mal accepté par les salles de cinéma (qui refusent de diffuser ces films) et pas du tout reconnu par les chaines de télévision. C'est ça qu'il faut changer surtout.

dark locutus
04/08/2015 à 19:31

merci pour ce débat très intéressant !
je tape assez souvent sur la redac de ce site pour signaler haut et fort que cette fois je suis à fond dans leur camp !
merci d'avoir énuméré point par point la problématique juridique de cette affaire. et je souhaiterai vraiment qu'écran large ( ainsi que les autres sites de cinéma ) s'empare de cette affaire parce que ce qui se passe est tout simplement GRAVE et SERIEUX ! et surtout je voudrais relayer un point précis lorsque vous développez le point 3 de votre liste : en effet le comité de classification est sans doute critiquable, mais en quoi le tribunal administratif de Paris s'estime compétent et pourquoi ne s'est il pas dé-saisi de cette affaire ?
Et surtout, que fait la ministre concernée ?
Sur le fond, vos arguments étant très pertinents, je n'ajouterai rien si ce n'est qu'en tant qu'intégriste athée, j'ai largement choisi mon camp ! censure = merde !
laissons les gens s'auto responsabiliser ! s'ils n'en sont pas capables, tant pis pour eux.

Grift
04/08/2015 à 18:00

@Alix : Encore une fois merci d'avoir répondu. Toujours sympa et enrichissant de discuter avec des personnes qui ont sincèrement un avis different.

Tout banaliser est une dérive. Certes encore une fois d'après ma sensibilité, banaliser le sexe n'est pas un problème. Le sexe est quelque chose de banal d'après moi. La violence non. D'ou mon interrogation sur ce point en particulier. Apres libre a chacun d'avoir un rapport a la sexualité et la pudeur qu'il souhaite. Mais le sexe n'est pas "mal" moralement alors que la violence, le meutre, etc... si... (selon ma sensibilité encore une fois). Une fois dit cela, vous comprendrez qu'il est étrange pour moi (et pour beaucoup je pense) que le sexe soit si mal accepter a l'ecran alors que la violence est partout.

Concernant votre remarque sur le caractere cartoonesque, il me semble qu'on pourrait avoir la même approche pour le sexe. Cela changerait-il quelque chose ? Des scenes de sexe encore plus gore (pour faire le // avec la violence gore) désamorceraient-elles "le probleme" ? Je ne crois pas.

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