Sheldon Lettich : Van Damme peut lui dire merci

Allan Blanvillain | 29 novembre 2012
Allan Blanvillain | 29 novembre 2012

Après vous avoir proposé une interview d'Albert Puyn, on continue de donner la parole à des réalisateurs qui ont mis en scène Jean-Claude Van Damme. Cette fois-ci, c'est au tour de Sheldon Lettich, qui après avoir coécrit le scénario du film qui lança la carrière du karatéka belge (Bloodsport), lui donna l'occasion de donner quelques uns de ses plus beaux coups de tatane au cinéma avec Full Contact et Double Impact

 

Comment votre expérience de la guerre du Vietnam vous a aidé à devenir un réalisateur complètement à l'aise avec les films d'action ?

J'ai écrit un scénario d'action sur le Vietnam, appelé Firebase, qui est basé en partie sur mon expérience au Vietnam, mais surtout sur celles des autres vétérans que je connaissais. Ce scénario m'a ouvert pas mal de portes à Hollywood. J'ai d'abord été approché par le réalisateur Walter Hill (48H) et le producteur Joel Silver (L'Arme Fatale) qui cherchaient à faire un long-métrage. Puis j'ai été approché par Sylvester Stallone qui m'a engagé pour coécrire Rambo 3 avec lui après qu'il ait lu mon scénario.

Parlez-nous de vos débuts comme scénariste et réalisateur de seconde équipe de série B (voire Z) comme Thou shalt not kill...except (Stryker's war) et votre association avec des cinéastes comme Sam Raimi, Josh Becker, Bruce Campbell et Scott Spiegel (les quatre amis retravailleront ensemble pour Evil Dead 2).


j'ai rencontré Josh Becker, le scénariste et réalisateur de Thou shalt not kill...except quand il vivait à Los Angeles vers le milieu des années 1970. Josh m'a finalement présenté à certains de ses amis ayant travaillé avec lui sur d'anciens films à Detroit : Sam Raimi, Rob Tapert, Bruce Campbell et Scott Spiegel. Josh et moi avons coécrit un scénario d'horreur appelé Bloodbath qui est devenu la base de son film en 16mm Stryker's war qui deviendra plus tard Thou shalt not kill...except dans sa version longue. Je n'étais pas vraiment le réalisateur de la seconde équipe même si j'ai eu ce crédit... sur ce film. J'avais tourné un court en 16mm sur le Vietnam appelé Firefight où il y avait beaucoup de scènes d'action avec des petites explosions, des hélicoptères qui volent, des soldats qui courent, etc. Même s'il n'a pas été tourné en Asie du Sud pendant la guerre, mais sur la base du corps des Marines au camp Pendleton en Californie dans les années 80, Josh Spiegel a aimé ce qu'il avait vu et m'a demandé d'utiliser tout ça dans Thou shalt not kill...except. Je l'ai laissé éditer les scènes dans son film et quand le moment était venu de mettre les crédits, nous ne pouvions pas penser à plus approprié pour lui de me donner en échange ce titre de « réalisateur de la seconde équipe »


Dans les années 80, période pré Glasnost/Prestroika, les Russes étaient les « grands méchants » pour beaucoup de monde en Occident. C'est pendant cette période que vous avez coécrit Russkies, un film sur un russe qui est un personnage bon, quelque chose de nouveau, autant que c'était possible dans ces temps très conservateurs. De votre point de vue, comment le produit final a différé de votre scénario original ?

Le scénario original était beaucoup plus grand, plus drôle et beaucoup plus proche de l'univers Spielberg. Il y avait une ambiance plus dans le ton des Goonies et E.T. En fait, il était très similaire au récent Super 8, à certains égards, en ce sens qu'il s'agissait d'un groupe d'enfants découvrant un secret beaucoup trop difficile pour eux à gérer.


Beaucoup a été dit sur Frank Dux (un ancien combattant clandestin qui aurait plus de 300 victoires à son actif), plusieurs questions restent en suspens quant à la véracité de ses prouesses, certains doutent qu'il ait vraiment combattu dans le tournoi, appelé The Kumite, et d'autres doutent même de l'existence de ce tournoi. Étant l'un des scénaristes de Bloodsport, le film qui a fait connaître Van Damme, qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ? Quels types de recherches avez-vous faites sur lui ?

J'ai connu Frank Dux plusieurs mois avant que me soit venue l'idée de Bloodsport. Frank m'a raconté beaucoup de contes à dormir debout, dont la plupart se sont révélés être des conneries. Mais son histoire de participation à ce soi-disant événement « Kumite » sonnait comme une bonne idée de film. Il y avait un gars qui m'avait été présenté, un dénommé Richard Bender, qui affirmait y avoir vraiment été et qui jurait que ce que Frank disait était vrai. Quelques années plus tard, ce type s'est embrouillé avec Frank et m'a avoué que tout ce qu'il m'avait dit sur le Kumite était faux, c'était Frank qui lui avait dit quoi dire. Frank avait également l'habitude de dire à, à peu près tout le monde, qu'il avait participé a des missions secrètes de la CIA et de l'armée américaine et qu'il avait remporté la médaille d'honneur pour son héroïsme. Il m'a même montré la médaille qu'il est censé avoir reçu de la main du Président. Des années après, quand plusieurs personnes ont commencé à se poser des questions, il a cessé de prétendre qu'il avait gagné cette médaille et il a même essayé de me convaincre qu'il ne m'avait jamais parlé de ça et qu'il ne me l'avait jamais montré, mais son château de cartes s'est effondré et presque tout le monde savait qu'il était juste un rêveur plein d'illusions et un grand baratineur.

Parlez-nous de votre travail avec Sylvester Stallone dans Rambo 3 ?

Basiquement, j'ai écrit un aperçu après avoir travaillé sur une histoire avec Stallone, et ensuite j'ai écrit une première ébauche de scénario. Sly a réécrit mon scénario plusieurs fois et il m'a demandé de revenir et réécrire sur sa version. La version finale possède beaucoup de choses écrites par Sly alors qu'ils filmaient en Israël et en Arizona.


Comment êtes-vous passé de scénariste à réalisateur pour  Full Contact ?

Jean-Claude Van Damme et moi, nous nous sommes rencontrés quand il est retourné à Los Angeles après le tournage de Bloodsport à Hong Kong. Nous sommes devenus des amis proches presque immédiatement après. Il a vu le court que j'avais dirigé, Firefight, et il a tout de suite senti que je pouvais diriger un long-métrage. Mais surtout, il savait que je croyais en lui et que je pensais qu'il pouvait être tellement plus qu'une star de karaté qui ne ferait rien d'autre que des films d'arts martiaux à petit budget pour le reste de sa carrière. C'est pourquoi il a persuadé Sunil R. Shah (producteur) de me donner ma chance sur Full Contact.

Parmi l'équipe de production de Double Impact, il y avait la super star Michael Douglas et Paul Michael Glaser. Est-ce qu'ils ont gardé la main mise sur le film ou vous ont-ils laissé travailler relativement seul ?

Je n'ai jamais rencontré Michael Douglas et Paul Michael Glaser lorsque je travaillais sur Double Impact. À ce jour, je ne les ai encore jamais vus.

 

Comment s'est passée votre collaboration avec Richard H. Kline sur Double Impact ?

Richard Kline était une de mes idoles cinématographiques à l'époque, j'ai surtout aimé son travail sur Camelot. Je me sentais incroyablement chanceux quand on m'a dit qu'il allait être notre directeur de la photographie sur Double Impact. Une des choses que j'ai aimé en travaillant avec Richard c'est qu'il arrivait à donner suite à nos idées dont nous discutions auparavant. Pendant la préproduction, nous avions parlé de travailler avec un mélange de sources lumineuses, et de mettre de la peinture colorée dessus pour obtenir des effets dramatiques avec des températures de couleurs différentes. Vous remarquez qu'il y a beaucoup de ça dans le film.


Parlez-nous de votre introduction à la Capoeira (NDLR/ art martial brésilien) que vous avez utilisé dans votre film, Only the strong

La première fois que j'ai vu ou entendu de la Capoeira c'était un événement appelé « Budo-Fest » à Paris, à laquelle j'ai assisté avec Van Damme. Le producteur Samuel Hadida était là aussi, il avait distribué Full Contact et Double Impact en France et c'est lui qui m'a embauché l'année suivante pour développer un film d'action autour de la Capoeira.

Difficile de diriger l'icône Charlton Heston dans The Order ?

Heston était un pro total. Il apparaissait lors des week-ends de répétition en costume cravate avec son texte dans la main et son dialogue surligné, comme un acteur faisant son premier gros film et voulant impressionner le réalisateur et les autres membres du casting. En fait, c'était moi qui étais impressionné par lui. Tourné un film en Israël avec la star des Dix Commandements et Ben Hur a été l'un des meilleurs moments de ma carrière.


Et comment s'est déroulé votre travail avec Pino Donaggio (compositeur notamment de nombreux films de Brian De Palma) dans The Order ?

Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de travailler avec Donaggio autant que j'aurai aimé. Après notre séance de repérage initial, il est retourné dans son studio maison à Venise en Italie pour composer la musique et enregistrer certaines de ses idées sur des pistes temporaires crées par synthétiseur. J'étais supposé aller à son studio entendre ces pistes et travailler avec lui pour les améliorer, mais les producteurs ont refusé de me payer mon billet d'avion pour l'Italie. Avec le recul j'aurai dû payer le billet de ma poche. Le thème central qu'il a écrit est l'un des meilleurs morceaux jamais écrits pour l'un de ses films... tout simplement magnifique, mais j'ai le sentiment que plusieurs autres morceaux durant le film auraient mérité d'être affinés au même niveau.

Doug Milsome (directeur de la photographie sur Full Metal Jacket) avait déjà photographié Légionnaire que vous avez coécrit. Quelles ont été vos relations sur The Hard Corps, que vous avez réalisé ?

À certains égards, Doug Milsome était comme Richard H. Kline. Les deux étaient respectés comme les « aînés » dans le milieu du cinéma. Ils avaient collaboré avec un bon nombre de réalisateurs renommés et de stars au fil des ans. Mais sur d'autres points, ils étaient très différents. Kline discutait avec moi pour savoir ce que je voulais sur une scène et s'y préparer puis il faisait de son mieux pour obtenir ce regard sur le film avec son éclairage. Doug savait aussi écouter ce que je voulais, mais parfois, le jour de la prise de vue, il éclairait la scène en fonction de son caprice du moment, parfois il optait pour la solution la plus paresseuse. En général, il n'y avait plus le temps de lui faire faire des ajustements majeurs, donc je devais me débrouiller avec ce qu'il me donnait. C'est pour ça que l'éclairage est toujours idéal sur Double Impact, mais en dents de scie sur The Hard Corps.




Propos recueillis par Marco A.S. Freitas

 

 

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