Spike Lee en conférence de presse

Julien Welter | 22 octobre 2004
Julien Welter | 22 octobre 2004

Ce 12 octobre, à l'hôtel Crillon, nous avons rencontré Spike Lee à l'occasion de la conférence de presse de son nouveau film. Le réalisateur était censé défendre She hate me, sa dernière œuvre. Peu locace et affable, il s'est prêté à l'exercice sans grande conviction, réduisant cette conférence à un simple jeu de questions-réponses.

Comment votre mise en scène est-elle déterminée ?
Par le scénario. Sinon, j'aime faire des films que j'ai envie de voir. De façon plus technique, l'homogénéité des deux histoires a été un de nos soucis principaux. On y a pensé dès le scénario, et encore au montage pour travailler la cohésion du propos. La salle de montage, c'est comme être face à une sculpture : au fur et à mesure, on taille pour arriver à la bonne forme.

Le film est-il une attaque contre l'administration Bush, comme a pu l'être le documentaire de Michael Moore ?
Tous les films ne sont pas réalisés pour avoir un impact immédiat comme Fahrenheit 9/11. L'art a de multiples utilisations. Mon film n'a pas été tourné pour éjecter Georges W. Bush Jr. de la Maison-Blanche, bien qu'en tant qu'artiste et plus simplement en tant qu'humain cette élection est importante, puisque la situation pour les afro-Américains est actuellement pire qu'il y a huit ans, durant l'administration Clinton.
L'idée du film m'est plutôt venue en lisant les journaux à l'époque du scandale financier d'Enron. La scène au Sénat n'est pas une référence à Mr. Smith au Sénat, mais est un lien indispensable avec le Watergate. Le parallèle avec Franck Wills permet de rappeler que les gens impliqués dans ce scandale ont tous eu de très belles carrières, contrairement à ce gardien qui a dû démissionner et qui n'a jamais plus retrouvé de travail alors même qu'il avait bien agi. C'est ce type d'injustice que je voulais montrer.

Donnez-vous, à travers She hate me, une vision de ce que sera la famille dans quelques années ?
Je ne sais pas si l'image que je donne ici de la famille est annonciatrice de celle du futur, mais il est certain que, dès à présent, il est nécessaire d'élargir la conception que l'on a de celle-ci. En terminant sur ce trio parental, je ne dis d'ailleurs pas qu'une famille avec seulement deux femmes est moins efficace, mais simplement qu'une personne de plus ne peut pas faire de mal. Sur la question spécifique de l'adoption par des couples homosexuels, je dois d'ailleurs dire qu'en l'absence de preuves scientifiques, je suis pour.

Comment s'est faite la rencontre avec Jamel Debbouze ?
Avec du bruit. Plus sérieusement, je pense que c'est un grand comédien. Je l'avais déjà rencontré quelquefois à Paris, et à chaque fois on avait discuté l'idée de travailler ensemble. Quand j'ai proposé mon projet à Pathé et que je leur ai parlé de lui, ils ont été ravis. On avait un problème de compréhension car mon français est moins bon que son anglais, mais on est arrivés à travailler comme cela.

Avez-vous le désir de faire un film en Afrique ?
J'avais déjà tourné des scènes de Malcolm X en Afrique, mais il est certain que je souhaite réaliser un film qui se situerait entièrement sur ce continent. Vous savez, la science est formidable. Avec la découverte de l'ADN, on peut maintenant effectuer des tests très simples pour savoir d'où l'on vient. J'ai fait ce test avec ma femme, et je sais aujourd'hui que les ancêtres de ma mère viennent de Sierra Leone et ceux de mon père, du Cameroun. On savait où étaient nos grands-parents mais pas nos aïeux. À présent, je ne suis plus jaloux de mes amis italiens ou portoricains qui pouvaient rentrer dans leur pays d'origine. La science nous a rendus nos ancêtres.

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