Skull Island : retour sur la mythologie King Kong

Jacques-Henry Poucave | 10 mars 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jacques-Henry Poucave | 10 mars 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avec la sortie de Kong : Skull Island, c’est tout un pan de la mythologie propre au Septième Art qui est réactivée. L’occasion de revenir sur les composantes de cet univers où les humains cohabitent avec de formidables créatures toutes de crocs, d’écailles et de poils.

 

 

 

KING DEPRESSION

On l’oublie souvent, mais King Kong est une créature issue de la misère et de l’horreur de temps troublés. En 1933, quand sort le premier film réalisé par Shoedsack et Cooper, la grande Dépression fait rage. D’ailleurs dans la version américaine du film, sensiblement différente de celle exploitée en France lors de la sortie du métrage, le récit s’ouvre sur les ravages de la crise économique américaine, dévoilant un pays plongé dans la misère.

 

 

Il n’est d’ailleurs pas anodin que ce récit mythologique s’achève sur l’avènement d’un monstre sauvage en plein New-York, incarnation de la violence arbitraire qui a ravagé les U.S.A, lequel sera défait simultanément par l’innovation technologique (les avions) et l’humanité en tant qu’essence (l’amour). Autant d’éléments qui seront repris et travaillés en profondeur par la version de Peter Jackson sortie en 2005. Quant à John Guillermin, il réinvestira cette thématique via le prisme de la crise pétrolière de 1973.

 

 

MASTER KONG

King Kong, c’est aussi un défi technologique sans cesse relevé. Ainsi le film de 1933 est un panachage de toutes les techniques de pointes, alors balbutiantes, transcendées pour créer le premier monstre « virtuel » du cinéma. Il n’est pas anodin de se rappeler que lors de la sortie du premier film, de nombreux spectateurs refusèrent de croire que Kong n’était pas un homme en costume, tant la performance consistant à créer des monstres de toutes pièces semblait inatteignable.

 

action monstre

 

C’est un défi similaire que tentera de relever John Guillermin en 1976 avec son remake. Si les méthodes employées, l’arrivée de la couleur dans le mythe et le look général du film l’ont considérablement fait vieillir et recouvert d’une patine kitsch, la débauche de moyens physiques employés pour fabriquer un monstrueux Kong grandeur nature apparait toujours comme un tour de force invraisemblablement ambitieux.

Enfin, c’est peut-être Peter Jackson qui aura proposé le tour de force technologique le plus démentiel. Avec sa version de 2005, il rappelle que les effets numériques valent bien les trucages physiques, quand ils sont appréhendés pour ce qu’ils sont, maîtrisés, et poussés dans leurs derniers retranchements. Grâce à un mélange de savoir-faire exceptionnels et un sens de l’emphase remarquables, il nous offre via ce Kong virtuel l’incarnation la plus « présente » du personnage.

 

action monstre

 

GIRL VS WILD

Dans le fond, King Kong, c’est aussi une petite pépée qui fait craquer un gros poilu. La Belle et la Bête, mais sans l’épiphanie zoophile. Voire un pré-manifeste anti-spéciste. Plus sérieusement, la saga aura régulièrement reflété différentes visions de la femme, et de son iconisation.

Blonde en détresse en 1933, fantasme sur pattes en 1976, et fusion sage de ces deux entités chez Jackson, l’héroïne de King Kong symbolise finalement deux idées à priori contradictoires. D’un côté une sorte d’objet qu’on n’appelle pas encore scream queen, concept plastique plus qu’humain, et de l’autre une incarnation des sentiments les plus nobles et purs qui soient. En provoquant chez le singe géant un sentiment inconnu, qui deviendra son unique talon d’Achille, elle représente évidemment le sentiment amoureux, mais plus généralement l’essence de l’humanité, ce qui nous relie par essence à Kong, ce qui fait de lui plus qu’un gorille barbare et de nous autre chose que de conquérants macaques.

 

Photo Brie Larson

 

KONG EST GRAND JE SUIS TOUT PETIT

L’autre permanence à Skull Island, c’est le vertige ressenti par les hommes en découvrant que la nature est plus forte, grandiose et puissante qu’eux et leurs artefacts technologiques. Toujours, les explorateurs qui mettent le pied sur Skull Island s’y figurent un paradis vierge à coloniser, un refuse de bons sauvages n’attendant que leur domination, leur sourire ultra-bright et leur arsenal technique.

Sauf que non. Skull Island les projette dans un passé révolu et fantasmatique, celui où l’humain n’était qu’un vermisseau tout juste bon à se faire piétiner par d’antiques bébêtes affamées. À ce titre, ce n’est évidemment pas un hasard si l’île regorge de dinosaures, sorte de dragons du réels, entités mythiques en prise direct avec notre monde.

 

Photo Tom Hiddleston, Brie Larson

 

Le premier plaisir ressenti dans le visionnage d’un King Kong, c’est celui de se retrouver, minuscule fourmi, confrontée à des monstres massifs, de quasi-divinités capables de nous broyer d’une pichenette.

 

PULP FRICTION

Il ne s’agit pas exactement du premier ravissement connecté à l’univers de Kong, mais il en est devenu un satellite important au fil des décennies. En effet, si la saga compte quelques films, tous majeurs et notables à leur manière, elle a aussi engendré des bâtards de qualité bien moindres, mais qui sont allés nourrir l’imaginaire collectif. Grâce à leurs faiblesses, leurs outrances, leur dimension what the fuck, ils ont fait grossir la dimension pulp de King Kong.

 

poster

 

Après le succès du film original, Ernest B. Schoedsack repart la même année à l’aventure, sans son complice Cooper, pour nous balancer Son of Kong, une suite opportuniste, au budget et effets spéciaux réduits. La porte est ouverte aux redites, amoindrissements et autres séries B sans vergogne, qui contribueront néanmoins à faire de la constellation Kong un élément important de l’inconscient collectif cinéphile.

King Kong est délaissé dans les années 60 ? Pas de souci, les Japonais l’importent pour le faire se battre avec Godzilla et moult bébêtes dans une série de séries plutôt Z franchement hilarantes, les plus notables étant probablement King Kong Escapes et King Kong contre Godzilla. Mais le plus grand festival de n’importe quoi, dont nous vous parlerons prochainement est sans doute King Kong 2 (il revient et il n’est pas content), dont nous vous parlerons très prochainement.

Voilà pour l’essentiel les éléments, plus ou moins savoureux dont hérite Kong : Skull Island et qui font le sel de sa recette.

 

poster

Tout savoir sur Kong : Skull Island

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