Martin Scorsese : le meilleur du "pire" du cinéaste culte

La Rédaction | 9 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 9 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

A l'occasion de la sortie de Silence, retour sur quelques films moins aimés de Martin Scorsese.

La sortie de Snowden avait été l'occasion de revenir sur le meilleur des pires films d'Oliver Stone, de Nixon à U-Turn en passant par World Trade Center. L'exercice est plus périlleux avec la superstar Martin Scorsese, qui jouit d'une admiration quasi-constante, mais peu importe : Ecran Large s'y frotte.

Oscar du meilleur réalisateur en 2007 pour Les Infiltrés, après cinq nominations et une somme étourdissante de classiques du cinéma contemporain, le cinéaste de 74 ans est de retour avec Silence, film romanesque et projet de longue date dont il rêvait depuis une décennie ou deux.

Cette évocation a priori plus classique et moins tape-à-l'oeil d'une page obscure de l'histoire du Japon, qui devrait laisser une partie du public perplexe, est ainsi l'occasion idéale pour revenir sur quelques oeuvres oubliées ou moins bien considérées de Scorsese.

 

Photo Andrew Garfield, Martin Scorsese

 

LA VALSE DES PANTINS

Sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 1983, La Valse des pantins est un des plus gros échecs commercial de la carrière de Martin Scorsese : 2,5 millions de dollars de recettes pour un budget de 20 millions de dollars. Cette cinquième collaboration du duo de génie Scorsese-De Niro est pourtant une perle comico-dramatique, visionnaire et parfaitement ancrée dans la filmographie du cinéaste américain.

C'est une féroce satire de la société du spectacle et du showbusiness qui reste encore aujourd'hui (voire plus que jamais) d'actualité, entre ce désir immense de célébrité et ces nombreuses télé-réalité présentes sur nos écrans. Mais La Valse des pantins est également un puissant drame sur la marginalité. Par cet aspect, le long-métrage est un complément évident à Taxi Driver : des similitudes du personnage de Rupert Pupkin et Travis Bickle (solitude, paranoïa, évolution extrémiste..) à son final aux multiples possibilités. Rêve réalisé ou réalité fantasmée, chacun reste maître d'interpréter cette oeuvre plus sombre et complexe qu'il n'y parait.

 

Photo Robert De Niro



GANGS OF NEW YORK

S’il n’a pas été nécessairement pulvérisé par la critique, Gangs of New York a été reçu fraîchement, par la presse comme par le public. Il faut dire que cette fresque portant sur un détail de l’histoire américaine, particulièrement longue et dense, n’est pas des plus faciles à appréhender.

Son récit est complexe, ses acteurs nombreux, son rythme inégal et ses thématiques intrinsèquement liées à une histoire de l’Amérique que cette dernière n’a pas toujours envie de regarder en face. Ajoutons à cela une production houleuse, les Weinstein ayant poussé Scorsese à abandonner une heure de métrage sur le banc de montage, et nous obtenons un film mutilé, malade mais fascinant.

Fascinant car le maître y déploie une épopée à l’ampleur sidérante, à la direction artistique d’une richesse stupéfiante, portée par des personnages hauts en couleurs. Malgré ses lenteurs, ses retournements et ses tunnels de dialogues, Gangs of New York hypnotise souvent, par la beauté de ses expérimentations plastiques (la confrontation finale, tétanisante), et sa dimension romanesque. À ce titre, la performance de Daniel Day-Lewis dans le rôle de Bill le Boucher constitue une création inoubliable. Aujourd’hui encore il demeure parmi les plus beaux monstres du cinéma, passeur de témoin d’un monde englouti, instrument de sa propre disparition. Un ogre moderne. 

 

Photo Leonardo DiCaprio

 


NEW YORK, NEW YORK

Le film post-Taxi Driver qui aurait pu tuer Scorsese - au sens propre comme au figuré. Il a alors 35 ans, une Palme d'or, une nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur, et un boulevard face à lui. Il a aussi une sérieuse addiction à la cocaïne, et une tendance à l'autodestruction qui le mènera droit dans le mur avec cette comédie musicale ambitieuse.

Scorsese veut rendre hommage aux grandes comédies musicales hollywoodiennes. Il caste ainsi Liza Minnelli, fille de Judy Garland, pour incarner une chanteuse de jazz qui vit une histoire d'amour passionnelle et amère avec un saxophoniste (Robert De Niro), dans l'Amérique glorieuse de la post-Seconde Guerre mondiale. Il souhaite aussi improviser et laisser une énorme place à l'imprévu, quitte à doubler le budget qui atteint les 12 ou 14 millions. Il tombe au passage amoureux de Minnelli, avec laquelle il a une aventure alors que sa femme est enceinte. Le chaos est donc total.

Après un tournage et une post-production difficiles, Scorsese est au fond du trou. New York, New York est un échec en salles, et même la critique se détourne de lui. Au bord de la dépression, le réalisateur s'écroule : après une attaque sévère, il termine à l'hôpital en 1978, dans un état critique. Il avait tout perdu, sauf De Niro, qui lui amène le scénario d'un film qu'il veut faire : Raging Bull. Le film qui le sauvera.

 

Photo Robert De Niro, Liza Minnelli

 

LES NERFS A VIF

Un Scorsese mineur pour beaucoup, d'autant plus que c'est un remake, qu'il arrive après Les Affranchis et que c'est un projet récupéré après Steven Spielberg, qui convainc son ami de le réaliser. Peu importe, le cinéaste y va à fond : entre ses mains, cette histoire de vengeance, où un détraqué sorti de prison décide de détruire la vie d'un avocat qu'il juge responsable, se transforme en thriller jouissif.

A l'image de De Niro, métamorphosé dans un corps terrifiant et habité par une folie furieuse, Les Nerfs à vif est un exercice de style d'une efficacité redoutable. Scorsese utilise le terrain confortable de son scénario carré pour libérer les foudres de sa mise en scène, et créer des morceaux de cinéma mémorables - de la fameuse scène entre De Niro et Juliette Lewis au final apocalyptique. C'est grotesque, c'est grandiose, c'est drôle, c'est féroce : c'est un peu culte.

 

Photo Robert De Niro

 

A TOMBEAU OUVERT

On est en 1999. La fin du millénaire et bientôt, peut-être, la fin du monde. Bug de l’an 2000, Station Mir, les candidats à l’apocalypse sont nombreux. Parmi eux, Nicolas Cage, alors superstar toute puissante, qui joue sa carrière dans ce film frappadingue.

Au cœur des ruelles new-yorkaises en pleine déréliction, un infirmier de nuit cramé jusqu’aux oreilles tente de survivre, entre descentes carabinées et montées d’adrénaline. Chaque nuit, c’est la mort, l’enfer, ou la résurrection qui l’attendent au détour d’un coin de rue. Martin Scorsese film cette spirale entre salvation et damnation avec une jubilation certaine : on retrouve ici des gimmicks visuels expérimentés du côté des Nerfs à vifs, et une caméra qu’on n’avait pas connue aussi libre depuis Mean Streets.

Considéré à tort comme un film mineur, À tombeau ouvert est le dernier Scorsese totalement radical, expérimental, et peut-être le plus empreint de mystique chrétienne depuis Taxi Driver. Une pépite maudite et aveuglante.

 

Photo Patricia Arquette, Nicolas Cage

 

 

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commentaires
Luludo
08/01/2018 à 21:48

Que de putains de films... des bombes dès le premier visionnage... puis ils restent en tete et on se rend compte que la filmo du maitre est bien plus profonde , réfléchie, intelligente que l on pourrais penser

Movieboy
14/02/2017 à 14:38

Cher Ecran Large,

Il aurait fallu profiter de l'occasion pour réhabiliter un peu Boxcar Bertha ! Ce film, c'est le dernier brouillon d'essai de Scorsese avant Mean Streets, une commande qu'il plie discrètement à ses obsessions. Et c'est peu connu…

tyler29300
13/02/2017 à 20:10

A Tombeau Ouvert me hante encore ...
je me souviens d'une critique qui disait " porté par une bande son qui vous transporte corps et âmes ", bien vu
Un film radical et phénoménal

Geoffrey Crété - Rédaction
10/02/2017 à 21:36

@Dirty Harry

On a évoqué After Hours, mais il est tellement respecté, cité et aimé, et bénéficie d'un tel statut, qu'il n'avait pas sa place selon nous dans ses films un peu oubliés ou sous-estimés.
Très bon Scorsese effectivement.

Dirty Harry
10/02/2017 à 18:24

Pour moi un petit Scorsese qui est indispensable c'est After Hours : film caustique sur les branchés de Greenwich, sur les désirs nocturnes aliénants, et sur la malchance. Super drôle, bien écrit et filmé avec maestria et inventivité.

corleone
10/02/2017 à 16:47

Article pertinent, mais contrairement à d'autres tous ses films finissent par devenir des putains de chefs-d'œuvre . Les Nerfs à Vif par ex figure dans mon top pourtant j'ai jamais su qu'il avait été mal accueilli à sa sortie...
Non y'a pas de mauvais Scorsese, juste de mauvais spectateurs de Scorsese.

NICK
09/02/2017 à 18:25

A Tombeau Ouvert, quel putain de film