11 films oubliés ou trop passés inaperçus en 2016

La Rédaction | 24 décembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 24 décembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avant les tops et les flops, il y a les films un peu oubliés et mésestimés de l'année 2016.

Le moment est venu de se retourner vers 2016 pour rattraper ses erreurs et corriger ses faiblesses.

Parce que chaque mercredi ou presque ressemble désormais à un embouteillage de films, avec quelques poids lourds calibrés pour aveugler et monopoliser l'attention, la rédaction d'Ecran Large revient sur quelques coups de coeurs de l'année 2016. Sortis en salles ou en VOD, qui n'ont pas le succès mérité ou de succès tout court.

 

Photo Blake Jenner, Ryan Guzman, Temple Baker

 

BONE TOMAHAWK de S. Craig Zahler

Honteusement sorti uniquement en vidéo chez nous en mai dernier, Bone Tomahawk vaut beaucoup mieux que de fleurir les bacs à DVD du Leclerc du coin. Premier film écrit et réalisé par S. Craig Zahler, il convoque aussi bien le western dans tout ce qu'il a de plus brut, le survival et le film de monstres.

Un principe simple (des indiens enlèvent une femme, un shérif et quelques hommes vont la chercher), une mise en scène inspirée, des acteurs exceptionnels (Kurt Russell et Patrick Wilson, excusez du peu), le tout au service d'une histoire macabre, terrifiante par moments et qui propose les indiens les plus flippants qu'on ait vu depuis un long moment au cinéma. Intransigeant, cruel et crépusculaire, ce western horrifique exige qu'on le découvre de toute urgence, ne serait-ce que pour partager l'avis du dernier jury du Festival de Gerardmer, qui lui a donné le Grand Prix. Rien que ça...

 

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WILLY 1er de Ludovic Boukherma , Zoran Boukherma , Marielle Gautier et Hugo P. Thomas

Première création made in L’Ecole de la Cité, Willy 1er est sans conteste l’une des plus grandes réussites de l’année 2016. Racontant l’histoire de Willy, un homme handicapé de 50 ans qui vient de perdre son frère jumeau et décide de prendre son indépendance, Willy 1er nous bouleverse autant qu’il nous fait rire.

Politiquement très incorrect, le film a l’intelligence de ne jamais réduire Willy à une seule de ses facettes. Tour à tour drôle, émouvant, tendre, intolérant, obtus ou perspicace, Willy, interprété par le formidable Danniel Vannet, nous entraîne de surprise en surprise, sans que l’on sache jamais si la séquence d’après nous fera rire ou pleurer. Porté par une bande son électro qui fait d’une chevauchée en scooter une croisade épique, Willy 1er brille par ses trouvailles formelles, son inventivité, et son humour décalé. A noter que les seconds rôles, comme Noémie Lvovsky en travailleuse sociale empathique et Romain Léger en employé de supermarché, sont d’une densité rarement vue au cinéma.

 

Photo Daniel Vannet

 

EVERYBODY WANTS SOME !! de Richard Linklater

Boyhood a sans aucun doute provoqué une overdose de buzz en 2014, mais Richard Linklater est repassé sous les radars dès le film d'après. De retour sur le terrain du film indé normal avec cette suite spirituelle de son culte Dazed and confused, il raconte les derniers moments de l'été d'un groupe de joueurs de baseball, réunis dans une maison sur un campus du Texas, dans les années 80.

Linklater est un pur génie lorsqu'il s'agit d'assembler des acteurs fabuleux, et le rappelle avec un casting incroyable (dont Wyatt Russell, fils de Kurt Russell vu depuis dans la saison 3 de Black Mirror). Everybody Wants Some !! n'a a priori rien de bien extraordinaire, avec une suite de scènes, décors et thématiques simples et habituelles. C'est pourtant une petite pépite, mue par une énergie fantastique, et un goût certain pour l'absurdité et la mélancolie.

 

Photo

 

STEVE JOBS de Danny Boyle

Un scénario passionnant d'Aaron Sorkin, où la précision chirurgicale et la virtuosité stylistique se combinent au point de pousser Danny Boyle, arrivé sur le projet pour le sauver, à une économie de moyens qu'on ne lui connaissait pas. Incarné par un Michael Fassbender au magnétisme stupefiant, Steve Jobs se mue en un handicapé social dont le talent consistera à transformer sa pathologie en un artefact technologique désirable par tout un chacun. Le résultat est abrasif, douloureux, spectaculaire d'intelligence.

 

Photo Kate Winslet, Michael Fassbender

 

ANOMALISA de Charlie Kaufman

Anomalisa est l’un des objets cinématographiques les plus déroutants de l’année écoulée. Déjà, parce qu’on n’attendait pas franchement Charlie Kaufman, le scénariste de Dans la peau John Malkovich et d’Adaptation, aux manettes d’un film d’animation. Ensuite, parce que le concept en lui-même, d’une sophistication vertigineuse, a de quoi retourner le cerveau. Michael Stone, cinquantaine rangée et vie poivre et sel, donne des conférences dans le monde entier sur un sujet qui déplace des foules de commerciaux admiratifs : le service clientèle en entreprise. A la veille de l’une d’entre elles, à l’Hôtel Fregoli de Cincinnati, Michael fait la connaissance de la timide et émouvante Lisa, qui créé une faille dans son quotidien normé…

Anomalisa est une petite révolution dans le cinéma d’animation. L’hyperréalisme de certains dialogues et de certaines situations est sans cesse contrebalancé par une mise en images qui fait le parti-pris du fantastique et de l’onirisme. Pour seul exemple, les personnages qui entourent Michael portent tous le même visage d’humain moyen et s’expriment avec la même voix atone. La magie du film tient au subtile mélange des genres, à l’image d’une scène de sexe aussi poétique que crue, qui met le spectateur d’autant plus mal à l’aise qu’elle est performée par des marionnettes…

Satire d’un modèle capitaliste étouffant la singularité en chaque individu, mais aussi éloge de l’amour comme seul voie d’accès à la vérité de l’être, Anomalisa révolutionne les codes du genre dans lequel il s’inscrit. Anomalisa fait également partie de ces rares films qui, pardonnez du peu, font s’interroger sur le sens de la vie. Il a pourtant été un échec avec moins de 4 millions de recettes pour un budget de 8, et à peine 66 000 entrées en France. Kaufman est le premier à le regretter.

 

Charlie Kaufman

 

KUBO ET L'ARMURE MAGIQUE des studios Laika

Le studio derrière Coraline, L'Etrange Pouvoir de Norman et Les Boxtrolls défend une belle place sur le marché de l'animation. Grâce à une technique fabuleuse, des univers originaux et une imagination remarquable, au service d'aventures magiques truffées de références au cinéma de genre.

Kubo et l'armure magique raconte ainsi l'histoire d'un enfant qui part à la recherche d'une légendaire armure avec l'aide d'un sage singe et d'un soldat-scarabée, afin d'affronter un ennemi venu des cieux. Si Laika manque encore de folie et d'audace dans ses intrigues, forgées dans des territoires classiques, leur quatrième film offre des moments grandioses et visuellement ébouriffants. Un combat contre un squelettre gigantesque, un bateau d'une légèreté folle ou une plongée dans les abîmes de l'océan rappellent que Pixar, Disney ou Illumination (grands vainqueurs attendus du box-office côté animation) n'ont pas le monopole de la magie. Le film de Travis Knight n'a malheureusement pas conquis le public (à peine 70 millions au box-office pour un budget de 60, et 400 000 entrées en France), et c'est bien dommage. 

 

Photo

 

LA LOI DE LA JUNGLE d'Antonin Peretjatko

C'était l'un des objets (français) les plus étranges de l'année : la comédie dans la jungle du réalisateur de La Fille du 14 juillet avec Vincent Macaigne et Vimala Pons. Ou comment un vieux stagiaire du Ministère de la Norme est envoyé malgré lui en Guyane pour surveiller la construction de Guyaneige, la première piste de ski d'Amazonie censée relancer le tourisme.

Il y a du Kafka et du Blake Edwards dans cette comédie absurde, et du Pierre Richard dans le corps et la gueule ahurie de Macaigne, emporté dans une aventure rocambolesque avec l'irrésistible Vimala Pons. Antonin Peretjatko s'amuse à tordre les clichés, les codes et les outils du cinéma pour assembler un joyeux bordel rempli de détails croustillants, dans le fond comme dans la forme. La Loi de la jungle a donc des mygales qui traînent dans tous les coins, des parcmètres en pleine nature, vend plusieurs fins factices, et tourne en dérision les grandes choses de notre époque (le racisme, la mondialisation). Rendez-vous raté : moins de 100 000 entrées pour ce film qui prouve que le cinéma français n'est pas que ce cliché de comédie terne et de film d'auteur stéréotypé que tout le monde exècre.

 

La loi de la jungle

 

MISTRESS AMERICA de Noah Baumbach

Si Frances Ha a été un peu (beaucoup) surcoté, Mistress America, retrouvailles entre Greta Gerwig et Noah Baumbach, a été un peu vite oublié. Prototype du film indé désormais devenu une horreur pour beaucoup, cette histoire d'amitié entre une étudiante un peu ennuyeuse et une sociolite un peu ridicule fonctionne en grande partie grâce à l'énergie de Lola Kirke et Greta Gerwig. La première, révélée dans la série Mozart in the Jungle sur Amazon, est d'une tendresse irrésistible. La deuxième, à nouveau co-scénariste de Baumbach après Frances Ha, est une tornade, capable de rendre profondément touchante cette version new-yorkaise de la pouffe.

Et si le film perd de son énergie dans la deuxième partie, le début est assez magique. D'autant que Mistress America a eu le privilège d'une sortie en France, contraitement par exemple au beau Margot va au mariage du même réalisateur, avec Nicole Kidman, Jennifer Jason Leigh et Jack Black - alors que le très moyen While We're Young avec Ben Stiller et Naomi Watts est sorti, lui.

 

Photo Greta Gerwig, Lola Kirke

 

NOCTURAMA de Bertrand Bonello

Un peu plus de 55 000 entrées : très loin de Saint-Laurent et L'Apollonide, les précédents films très médiatisés de Bertrand Bonello. Ce portrait d'un groupe de terroristes paumés est pourtant une oeuvre étonnante, mystérieuse et provoquante, peuplée d'images saisissantes et de moments insaisissables. 

Aux questions profondes et sulfureuses soulevées par l'histoire, qui passe du thriller muet à la chronique désenchantée, le cinéaste répond par un dessin presque abstrait d'une génération dont l'identité se dilue dans tout et rien. C'est beau, terrible, osé et incapable de faire le consensus. Incontournable donc.

 

Photo

 

THESE FINAL HOURS de Zak Hilditch

Sorti en VOD en janvier après un passage à Cannes et Gérardmer, c'est la révélation d'un cinéaste à suivre. Dans le cadre très formaté de l'apocalypse (qu'il réduit aux dernières heures avant que l'Australie ne soit carbonisée comme le reste de la planète) et d'un cliché ambulant (un homme se retrouve malgré lui avec une petite fille sur les bras), Zak Hilditch parvient à installer une ambiance prenante et des personnages solides, avec quelques images mémorables. 

Ce n'est peut-être pas aussi fou et fort que Bellflower, avec lequel il partage quelques motifs, mais c'est l'assurance claire et nette qu'il ne faudra pas oublier ce nom, ni celui de ses acteurs. La preuve : il a depuis tourné un long aux Etats-Unis, et la jeune Angourie Rice était cette année à l'affiche du génial The Nice Guys, où elle interprète merveilleusemment la fille de Ryan Gosling.

 

Photo Nathan Phillips

 

IRREPROCHABLE de Sebastien Marnier

Une histoire de vengeance ordinaire, centrée sur une femme instable et inquiétante (Marina Foïs, capable d'être parfaitement et absolument glauque) qui retourne après avoir tout perdu dans sa petite ville natale. Son vif désir de récupérer son travail la plonge dans une psychose aux conséquences certes attendues, mais parfaitement orchestrées. Plus que le fond, c'est la forme qui impressionne : pour son premier film de fiction, Sébastien Marnier démontre un talent certain pour l'image et un goût plaisant pour la musique (voir le générique de fin). Un réalisateur à suivre.

 

Photo Marina Foïs

 

Bonus : THE INVITATION de Karyn Kusama

C'est de la triche, puisque ça fait 12. Mais le film aurait amplement mérité une exploitation en France en salles (et pas uniquement Netflix). En retrouvant les scénaristes du désastreux Aeon Flux, Karyn Kusama renvoie au placard le nanar avec Charlize Theron et se paye une renaissance : The Invitation est un thriller diabolique, d'une efficacité redoutable et d'une maîtrise impressionnante.

Ce qui commence comme un simple dîner entre ami dans les hauteurs de Los Angeles, sur fond de retrouvailles autour d'un ex-couple déchiré par un drame, glisse peu à peu vers une horreur insondable et insaisissable. Logan Marshall-Green (Prometheus) y révèle un talent fou, qui coïncide avec sa série Quarry diffusée cette année. Welcome back Karyn Kusama.

 

Photo Logan Marshall-Green

 

Bonus TV : LOVE la série de Judd Apatow

Judd Apatow était de retour dans les salles fin 2015 avec Crazy Amy, la comédie co-écrite et portée par Amy Schumer, mais c'est sur Netflix en février 2016 qu'il méritait l'attention. Après avoir soutenu Lena Dunham pour Girls, le producteur exécutif de Freaks & Geeks revenait vers le format série pour raconter une histoire presque ordinaire entre un nerd un peu gauche et une fille cynique et instable. Sur le papier, rien de remarquable. A l'écran, c'est assez fantastique : drôle, tendre, absurde, Love est une variation douce et surtout amère de la comédie romantique, qui ne se perd jamais dans la course au bon mot au détriment de ses personnages. Face à Paul Rust, héros et co-créateur, Gillian Jacobs (Community) est tout simplement renversante.

 

Photo Gillian Jacobs

 

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commentaires
Patdu
01/01/2017 à 18:30

Willy 1er n'a pas dit son dernier mot!
Belle réussite qu'on retrouvera bientôt, c'est sûr

sylvinception
29/12/2016 à 13:58

"pas de bol j'ai raté les scènes de démembrement."

T'as rien raté, y en a qu'une en fait.

sylvinception
29/12/2016 à 13:57

"Putain que c'est long et lent, Il y a facilement une demi-heure en trop !"

Une bonne heure et demie plutôt, quelle purge ce Bone Tomahawk.

Satan Labite
26/12/2016 à 10:54

La Loi de la Jungle: quels sont les spectateurs qui ont compris les références musicales du film ?? Goldorak, bordel !! Aux première notes j'ai sauté comme un fou sur mon siège et Peretjatko m'avait immédiatement embarqué dans son aventure loufoque.

corleone
26/12/2016 à 06:42

Oh mais le meilleur cinéphile de tous les temps est de sortie pour lechage officiel de son camarade Mystecon !!! J'espere que vous avez conscience à quel point votre démarche est vaine face aux changements qui se feront fans le monde pour les jours qui suivent!!! Rêvez toujours c'est déjà ça !!!

Kiddo
26/12/2016 à 05:54

@Mysterek
Très bonne analyse de ce bijou qui est Green room.
Son premier film, le réussi et tendu Blue ruin avait déjà toutes les qualités de son auteur, sur le fond comme la forme.

Chris
25/12/2016 à 16:15

Bone Tomahawk ne vaut pas le coup, lent, très lent, TROP lent. Il ne se passe rien pendant les 3/4 du film et j'ai arreté après 1h15, pas de bol j'ai raté les scènes de démembrement.

Gueule De Bois
25/12/2016 à 15:45

Ou suis je ? Comment je m'appelle ? Joyeux Noël A tous bande de crétins.


corleone

Louig
25/12/2016 à 14:15

Entièrement d'accord pour bone tomahawk, peut être que j'en attendais beaucoup, le mélange étant particulièrement savoureux, mais au final on est déçu.
Beaucoup trop d'incohérences au point que ça devient gênant (les prisons et l'autre avec sa jambe). Peut être qu'il manque la musique qui va bien pour cacher la misère ou des combats contre les "indiens" un peu plus savoureux.

J'adore Kurt et sa moustache de chez Tarentino (dans le genre chiant on est bien là aussi) qui fait du profit mais bon c'est pas foufou. Après avoir enchaîné bone tomahawk, les 8 salopards et Jeremiah Jonshon je ne peux me fendre que d'un "c'était mieux avant".
Et joyeux noël braves gens

MystereK
25/12/2016 à 11:02

Gonzo, chacun ses goûts, mais au moins il faut argumenter. Dire de Green Room qu'il n'est pas effrayait n'a rien de faux, puisque ce n'est pas un film dont le but était d'être effrayant, par contre il s'agit bien d'un survival viscéral qui a obtenu non seulement de nombreux prix critiques, mais également public dans beaucoup de festival. La Réalisation est magistrale, qui a su jouer avec des lieux restreints, un montage nerveux, réaliste, très bien joué. Dire qu'il n'est pas stressant alors que j'ai vu une salle qui retenait son souffle, mon voisin qui se rongeait les ongles... A la remise du prix du public, ils ont bien souligné ce côté stressant et oppressant à côté duquel vous êtes passé. Avez-vous même essayé de le voir en salle, parce que ce genre de film, téléchargé sur son smatphone ou sur l'écran d'un ordinateur, ce n'est pas pareil. Après, on a bien le droit de pas aimer.

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