Rogue One, World War Z, Les 4 fantastiques, Suicide Squad : quand les productions hollywoodiennes virent au cauchemar (voire au désastre)

Geoffrey Crété | 11 décembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 11 décembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

La sortie de Rogue One : A Star Wars Story, entouré de rumeurs persistantes, relance la grande question des reshoots au sein de l'industrie hollywoodienne.

Les reshoots : ces jours de tournage additionnels, qui permettent au cours de la post-production de filmer de nouveaux plans ou scènes. Une pratique courante dans l'industrie du blockbuster, qui passionne de plus en plus les fans et les médias alors que la place réelle des réalisateurs au sein de l'industrie hollywoodienne est sans cesse questionnée - et notamment avec l'ère Marvel et consorts.

Incapacité des studios à contrôler l'information ou utilisation cynique pour occuper l'espace médiatique, moyen honnête de rectifier le tir ou manoeuvre minable pour éjecter un réalisateur et lisser une production : les reshoots sont une source intarrissable de buzz, positif ou négatif.

 

Photo Gareth EdwardsGareth Edwards sur le tournage de Rogue One 

 

A RESHOOT STORY

Rogue One : A Star Wars Story en est le dernier exemple. Surveillé de près, le premier spin-off de la saga est retourné sur les plateaux en juin, après une fin de tournage officielle en février. The Hollywood Reporter affirmait en août que le réalisateur Gareth Edwards perdait le contrôle de son film, le studio ayant fait appel à Tony Gilroy (réalisateur et scénariste nommé aux Oscars pour Michael Clayton, surtout connu pour avoir écrit la trilogie Jason Bourne et dirigé L'héritage avec Jeremy Renner) pour rectifier le tir. D'abord pour repenser la fin, puis pour retravailler l'histoire et superviser le montage.

Bilan : des rumeurs inquiétantes, notamment celle qui parle de 5 semaines de reshoot et 1/3 du film refaçonné. La dernière en date : un cachet impressionnant de 5 millions pour Gilroy, qui serait le grand sauveur. En promo, Gareth Edwards maîtrise sans surprise le sujet et assure qu'il n'y a eu aucun problème en post-production. Que Disney a soutenu le film.

La question sera inévitablement au coeur des critiques du blockbuster avec Felicity Jones et Diego Luna. Pour expliquer, comprendre ou excuser les éventuels ratés du film (qui s'est révélé être assez réussi en réalité). Pour fusiller le studio Disney, devenu l'incarnation du diable hollywoodien. Pour décortiquer la machine à rêves du cinéma à grand spectacle.

Si la réponse ne viendra pas avant le 14 décembre (ou le 12 pour les journalistes), l'histoire du cinéma hollywoodien ne manque pas d'exemples de reshoots. Très médiatisés ou moins connus, absolument désastreux ou bien pensés. Mais qu'en est-il vraiment des reshoots ? Sont-ils forcément extraordinaires et synonymes de catastrophes en devenir ?

 

photo, George Miller George Miller et Charlize Theron sur le tournage de Mad Max : Fury Road

 

RE(LLY)SHOOT

La pratique des reshoots n'est ni nouvelle, ni nécessairement de mauvaise augure. La place qu'occupent désormais les superproductions et les médias, et la dynamique promo maîtrisée des deux côtés, a surtout permis à la chose d'arriver aux spectateurs, friands d'histoires de coulisses.

D'Eric Stolz remplacé par Michael J. Fox dans Retour vers le futur après plusieurs semaines de tournage à l'antagoniste du film Les Simpson modifié en fin de post-production, en passant par Tron : L'héritage qui a pu gagner six minutes de scènes d'exposition, les exemples de reshoots "normaux" sont nombreux.

Récemment, Star Wars : Le Réveil de la Force y est passé, tout comme Star Trek Sans limites qui a rajouté le personnage de Shohreh Aghdashloo, chef de la station Yorktown. La trilogie du Seigneur des anneaux est repartie en tournage six semaines pendant trois ans pour se construire.

C'est parfois plus subtile : Cameron Diaz a été rappelée pour réenregistrer tous ses dialogues dans Cartel, après avoir joué le rôle avec un accent barbadien (décrit comme "à la Rihanna") que le studio n'a pas apprécié. Joss Whedon, lui, a rappelé les Avengers pour une scène post-générique de shawarma délicieusement absurde. Lorsque le film est une réussite, ou du moins pas une catastrophe synonyme de profond chaos, il n'y a plus de sujet sulfureux.

 

Star Wars J.J. Abrams et Daisy Ridley sur le tournage du Réveil de la Force

 

La télévision n'y échappe pas : le stade des pilotes permet aux chaînes de corriger d'éventuelles erreurs, notamment du côté des acteurs. Willow de Buffy contre les vampires était à l'origine incarnée par Riff Regan, avant que toutes ses scènes ne soient retournées avec Alyson Hannigan. Même chose pour le personnage de Tara dans True Blood.

Le pilote original de Game of Thrones est un parfait exemple des bénéfices des reshoot : parce que HBO était prête à enterrer le projet de série, David Benioff et D.B. Weiss ont décidé de retourner environ 90% du premier pilote, avec un nouveau réalisateur et cinq rôles recastés (notamment Daenerys et Catelyn Stark). L'apparition de George R.R. Martin a au final été coupée tandis que l'épisode a été métamorphosé en profondeur pour mieux introduire l'univers et les protagonistes. Une sage décision vu le succès monstre de la série.

 

Photo Emilia Clarke

 

PAS DE BUG DANS LA MATRICE

L'exemple de Mad Max : Fury Road est lui aussi significatif. Un an après la fin du tournage, George Miller retrouvait Tom Hardy et l'équipe pour trois semaines de reshoots : des sources disaient que le film n'était pas totalement terminé (la Warner avait débarqué en Afrique pour tenter d'encadrer un tournage qui prenait trop de retard), d'autres affirmaient que le studio surexcité avait offert une rallonge au cinéaste pour qu'il aille encore plus loin. 

A mesure que le mot reshoot est devenu une alarme et une source de bad buzz, les studios ont chanté un autre refrain : "additional photography". Traduction : des jours de tournage supplémentaires. Bonnet blanc, blanc bonnet. Marvel en a notamment fait une habitude, de Thor : Le Monde des ténèbres aux Gardiens de la galaxie (le premier, et le deuxième). Pour Kevin Feige, le grand maître du MCU, c'est une pratique incontournable, qui permet de corriger, peaufiner, et parfois recoller les morceaux quand un film a été raccourci au montage et qu'il manque des scènes pour le fonctionnement de l'intrigue. Le boss de Marvel assure que deux semaines de reshoots sont prévues dans tous leurs budgets.

Même son de cloche chez Pixar, qui a pris l'habitude de réécrire et refaçonner leurs films tant aimés, qui sont créés sur plusieurs années. Andrew Stanton déclarait à Slashfilm en 2011 : "Pourquoi nos films sont bons ? Pas parce qu'on est plus malins, ou meilleurs, mais parce qu'on peut refaire, encore et encore, et essayer de nouvelles choses jusqu'à ce qu'on y arrive".

Les reshoots de Fog de John Carpenter ont été décidés par le cinéaste lui-même, face à une première version qu'il trouvait affreuse. Il filmera un prologue et de nombreux moments axés sur l'horreur, et mettra les fantômes quasi invisibles à l'écran pour satisfaire les amateurs de genre. Le budget passe de 900 000 à 1,1 million, mais le film (terminé un mois avant la sortie) sera un succès avec plus de 20 millions de recettes.

James Gunn l'assure :"J'ai retourné des scènes dans tous les films que j'ai fait, tout comme Marvel le fait aussi dans toutes ses productions". Et beaucoup de réalisateurs affirment que les reshoots sont une bénédiction, qui pourrait aider n'importe quel film, mais ne se produit que lorsqu'il y a un budget pour. D'où l'omniprésence de cette pratique dans le monde des blockbusters.

 

Les Gardiens de la GalaxieJames Gunn sur le tournage des Gardiens de la galaxie 

 

LE MOT DE LA FIN

Au-delà des décisions en interne, il y a les projections test, où une première version du film est montrée à des spectateurs pour qu'ils remplissent un formulaire de satisfaction très scolaire. Ce n'est ainsi pas un hasard si de nombreuses fins ont été modifiées suites à ces résultats, pour se caler sur les attentes du public.

Le tueur de Lovely Bones devait lourdement mourir à l'écran, et pas hors champ. Scott Pilgrim devait finir avec Knives, pas avec Ramona. Spielberg a décidé de sauver E.T. qui devait à l'origine mourir, et Stallone a tourné une fin moins sombre pour Rocky et Adrienne. Glenn Close devait se suicider et faire accuser Michael Douglas de son meurtre dans Liaison fatale, mais il fallait qu'elle soit punie sans détour. Même chose pour Peur bleue : le personnage de Saffron Burrows, jugée trop dure et antipathique, devait mourir. Le public américain aura droit à une "happy end " pour The Descent là où la fin originale (gardée notamment en France) montrait que l'héroïne était toujours dans les grottes de sa folie.

C'est le plus souvent pour offrir une conclusion plus morale et permettre au spectateur de quitter la salle l'esprit léger. Certains cas, comme celui de La Mort vous va si bien de Zemeckis, ont servi le film : la fin originale était trop niaise, et le public demandait quelque chose de plus cynique, à l'image du film. D'autres, comme Je suis une légende, sont regrettables : la fin originale, où l'humanité des créatures évoquée dans les dialogues était explorée, a été remplacée par le sacrifice héroïque de Will Smith.

 

Photo Felicity Jones

 

Alors pourquoi les reshoots sont-ils si souvent associés à des catastrophes en coulisses et bricolages de l'extrême en post-production ? Parce qu'il existe quelques exemples très parlants, dont le spectre plane sur Hollywood. Retour sur six cas d'école, parmi de trop nombreux exemples.

 

SUPERMAN II : Richard Donner vs Pierre Spengler

A l'origine, deux films Superman devaient être filmés coup sur coup en 1977 sous la direction de Richard Donner. Mais les relations entre le réalisateur et les producteurs (Pierre Spengler, et Alexander et Ilya Salkind) sont houleuses. Après quelques mois, le deuxième film est mis de côté et le réalisateur Richard Lester est engagé pour servir de tampon entre Donner et Spengler.

Lorsque vient le temps de terminer la suite en 1979, c'est Lester qui s'en charge. Deux versions des événements : Spengler affirme que Donner a refusé de revenir tant qu'il serait producteur, et Donner assure qu'il n'a pas été rappelé. Le futur réalisateur des Goonies et L'Arme fatale estimait avoir filmé les 3/4 du deuxième film lorsqu'il était encore en charge des deux épisodes.

Richard Lester retourne de nombreuses scènes afin d'avoir dirigé au moins la moitié du film, et ainsi obtenir le crédit de réalisateur. Le scénario est lourdement réécrit pour s'adapter à sa vision. Donner affirme qu'il est le réalisateur d'1/4 de la version de Superman 2 sortie en salles, et notamment toutes les scènes avec Gene Hackman - qui a refusé de retourner ses scènes en soutien à son réalisateur, et a été remplacé par une doublure. Suite à des histoires de gros sous, Marlon Brando, qui avait pourtant tourné ses scènes pour la suite, est coupé. Les fans, eux, remarqueront des différences entre les scènes tournées en 77 et 79 au niveau du physique des acteurs (les muscles de Christopher Reeve, les cheveux de Margot Kidder).

En 2006, après que Bryan Singer ait récupéré des images de Brandon pour Superman ReturnsSuperman II : The Richard Donner cut est offert aux fans, qui n'ont cessé de la demander (il aura fallu que Richard Donner accepte de s'y replonger, et que les problèmes de droits soient réglés). Avec les scènes de Brando, un nouveau prologue et une autre fin, et de nombreux morceaux jamais tournés enfin révélés.

 

Photo Christopher Reeve, Margot Kidder

 

INVASION : Oliver Hirschbiegel vs la Warner (et les Wachowski)

Pourquoi adapter une quatrième fois le roman Graines de terreur de Jack Finney, qui a donné L'Invasion des profanateurs de sépulture de Don Siegel de 1956, L'Invasion des profanateurs de Philip Kaufman en 1979 et Body Snatchers d'Abel Ferrara en 1993 ? Pour de mauvaises raisons, de toute évidence.

Premier film en anglais de l'Allemand Oliver Hirschbiegel (L'Expérience, La Chute), avec Nicole Kidman et Daniel Craig : la formule donne envie. C'était sans compter sur la Warner. Mécontent de la version livrée début 2006, le studio engage les Wachowski, sortis de la trilogie Matrix, pour réécrire environ 30% du film en vue de reshoots. C'est leur protégé James McTeigue (V pour Vendetta) qui les réalisera. Aucun crédit officiel pour le trio. 

Kidman est rappelé plus d'un an après la fin du tournage pour 17 jours supplémentaires, censés apporter plus d'action au film et une fin plus spectaculaire. Zéro discrétion pour l'opération : l'actrice est victime d'un accident de voiture mineur sur le plateau.

Changement de titre (The Invasion est devenu The Visiting puis à nouveau The Invasion), date de sortie décalée d'un an, et bide absolu : le film de science-fiction a coûté 65 millions (a priori sans compter les reshoots), n'a rapporté qu'une quarantaine de millions, et a été descendu par la presse et les fans. Logique : ce qui était présenté à l'origine comme un thriller très politisé n'est au final qu'un vulgaire film de genre, sans frissons ni idées, et cruellement dénué de personnalité.

 

photo

 

WORLD WAR Z : Brad Pitt vs le bon sens

Une catastrophe d'une ampleur extraordinaire et largement médiatisée. Six mois avant la sortie prévue pour décembre 2012, le studio décide que cette adaptation à 125 millions du livre de Max Brooks, portée par Brad Pitt et réalisée par Marc Forster, ne fonctionne pas. Parmi les raisons probablement nombreuses : le réalisateur n'aurait pas été capable d'assurer le service, du moins selon les critères de la production (sa relation avec Brad Pitt, producteur via sa société Plan B, aurait été tumultueuse). Sept semaines de reshoots à Budapest sont programmées en septembre, et Damon Lindelof est engagé pour totalement réécrire le troisième acte.

Il expliquera quelques années plus tard que le tournage avait commencé sans scénario terminé, et que la débauche d'effets ne pouvait masquer les problèmes : "Ils m'ont montré les premières 70 minutes du film, et j'ai trouvé que c'était d'une ampleur incroyable (...). Mais le problème était inhérent à l'échelle d'un tel film : c'est tellement énorme que tout ce que ça peut être au final, c'est Brad Pitt qui fuit des zombies. Comment donner au héros un quelconque sens de victoire ? Peut-être qu'il faut réduire l'échelle. Peut-être que la fin doit être plus intime et personnelle."

Car dans la première version, World War Z se terminait ainsi avec un affrontement épique de 12 minutes entre l'armée russe et les zombies à Moscou, avec Brad Pitt en warrior. Occupé ailleurs, Lindelof laisse la main à son collègue de Lost Drew Goddard, qui écrit donc la partie après le crash d'avion, où le héros découvre un laboratoire, trouve un remède et filme une publicité pour un soda. 

Le soldat Goddard félicitera la Paramount et Brad Pitt d'avoir accepté de payer leur faute (le budget approche au final des 200 millions), en retournant une large portion du film plutôt que de se contenter d'un produit peu efficace. Autres raisons moins nobles invoquées : évacuer tout sous-texte politique pour ne pas froisser la Russie, de la même manière que la mention d'un patient zéro en Chine a été retirée pour ne pas vexer ce marché.

Que cette opération embarrassante ait finalement permis à World War Z d'être un succès incontestable (540 millions au box-office, une suite vite annoncée), laissera certainement les studios oublier encore longtemps qu'une superproduction lancée sans scénario terminé est une blague qui peut coûter cher.

 

Photo Brad Pitt

 

LES 4 FANTASTIQUES : Josh Trank vs lui-même/la Fox

"Il y a un an j'avais une version fantastique de ça. Et elle aurait reçu de super critiques. Vous ne la verrez probablement jamais. Mais c'est la réalité".

En août 2015, ce message posté par Josh Trank sur son compte Twitter, effacé après avoir été remarqué et repris, confirme que les rumeurs sont totalement vraies : la nouvelle version des 4 Fantastiques a échappé à son réalisateur au point qu'il s'en détache et préfère l'atomiser.

Alors que les premières images du film avec Miles Teller, Kate Mara, Jamie Bell et Michael B. Jordan promettaient un blockbuster de qualité emballé par le réalisateur de Chronicle, la superproduction a tourné au désastre. La Fox impose des reshoots à l'équipe en urgence (voir la perruque de Kate Mara) pour refaçonner le film, sans Josh Trank pour les superviser. La rumeur du comportement ingérable du réalisateur commence à naître, avec son départ du spin-off de Star Wars (qui deviendra le film sur Han Solo) en mai 2015 pour alimenter les débats sur ses compétences en matière de blockbuster. Officiellement, c'est le choix de Trank. Mais personne n'est dupe.

Depuis la sortie, le cas des 4 Fantastiques reste passionnant tant il est spectaculaire. Toby Kebell a depuis confirmé que le film a échappé au réalisateur : "Josh avait une version que vous ne verrez jamais. C'est dommage. Une version bien plus sombre".

 

photo, Kate Mara, Miles Teller

 

LE 13EME GUERRIER : John McTiernan vs Michael Crichton

Avec une soixantaine de millions de dollars de recettes pour un budget qui aurait dépassé les 160 millions, Le 13ème guerrier de John McTiernan est un échec de taille. Et la production a été à la hauteur de ce flop.

Tournée en 1997 sous le titre Eaters of the Dead, cette adaptation du livre de Michael Crichton est tuée lors des projections test où les retours du public sont très négatifs. Fin 97, McTiernan dirige quelques reshoots, filmés dans son ranch, puis d'autres début 98 à Los Angeles. Mais ce n'est pas assez : la production est relancée en juillet 98, avec cette fois Crichton lui-même pour les co-réaliser. Les deux hommes assurent la mise en scène à tour de rôle, jamais ensemble et parfois en totale contradiction pour des versions différentes des mêmes scènes.

Soutenu par le studio, l'écrivain reprend alors clairement les rênes du projet : une nouvelle fin est tournée, certains rôles sont recastés, le titre est changé, et le compositeur Graeme Revell (qui avait collaboré avec Lisa Gerrard) est remplacé par Jerry Goldsmith. Crichton avait le final cut et donc le dernier mot de l'histoire.

Le 13ème guerrier sortira finalement en 1999 pour être descendu par la critique et boudé par le public - aux USA, il est sorti en même temps que Sixième sens. Omar Sharif sera si exaspéré par l'expérience qu'il s'éloignera des plateaux : "Après ce petit rôle, je me suis dit, 'Arrêtons ces bêtises, ces films qu'on fait parce qu'ils payent bien'. Les mauvais films sont très humiliants. C'est terrifiant de devoir dire les dialogues d'un mauvais scénario, affronter un réalisateur qui ne sait pas ce qu'il fait, dans un film qui est si mauvais que ce n'est même pas la peine de l'explorer"

 

photo, Antonio Banderas

 

SUICIDE SQUAD : DC vs the world (ou presque)

A défaut d'avoir convaincu à l'unanimité, les super-héros DC chez Warner ont réussi une chose : déchaîner les passions et attiser les fueurs de leurs admirateurs et ennemis. Après Batman v Superman : L'aube de la justice a ainsi nourri de vifs débats autour de ses qualités et ratés. Et les reshoots ont été au coeur des discussions.

Tourné pendant l'été 2015, le film de David Ayer est reparti en tournage en mai 2016. Raison soupçonnée : après la bande-annonce sombre et sérieuse dévoilée au Comic Con 2015, alors que le film était encore en tournage, l'enthousiasme face au deuxième trailer (plus léger et pop, avec la musique de Queen) a incité le studio à corriger le tir. En somme : la Warner est accusée de vouloir miser sur l'humour et le divertissement cool sans premier degré. L'accueil réservé au sombre et sérieux Batman v Superman aurait conforté les producteurs dans leur décision. Ailleurs, on murmure que le climax nécessitait des réajustements.

 

Suicide Squad

 

Plusieurs dizaines de millions sont ainsi lâchés pour ces reshoots, alors que l'équipe tente de minimiser les dégâts dans la presse. Ayer affirme que la rumeur des "'reshoots pour l'humour' est idiote. Quand un studio adore votre film et vous demande plus vous y allez !'. Jai Courtney est plus timide : "Je ne dirais pas qu'on y retourne pour rendre ça plus drôle. Il y a plus d'action". En face, des insiders affirment haut et fort le contraire, citant des sources multiples et claires.

Parade promo pour couvrir des réajustements en coulisses ou simples rumeurs autour d'un des films les plus attendus de l'année : difficile à savoir. Mais une chose est certaine : comme trop d'autres blockbusters, la production de Suicide Squad a été lancée très vite, avec une date de sortie (et une tonne d'accords et partenariats financiers) programmée. Ayer aurait écrit le scénario en six semaines, avec peu voire pas de temps prévu pour peaufiner le produit en pré-production. D'où un marathon et un bilan en début de post-production pour constater les problèmes.

Avec un budget officiel de 175 millions (sans les reshoots), Suicide Squad récoltera plus de 745 millions au box-office. Moins que Batman v Superman, qui a coûté plus cher et reposait sur deux héros bien connus. Plus qu'Ant-Man, qui a coûté moins cher et semblait encore plus périlleux à vendre. 

Reste toutefois la très nette impression que l'aventure a été réellement tumultueuse, et ce au-delà de l'avis critique - l'impression que le film fini a été hâché, et souffre de problèmes de rythme et logique interne. Car si David Ayer (dont le prochain film, Bright, avec encore Will Smith, a été financé par Netflix après le refus de la Warner) a assuré en promo qu'il n'y avait qu'une seule version du film avec dix minutes maximum de scènes coupées, Jared Leto affirme qu'il a tourné suffisamment de scènes inédites pour monter un film sur le Jocker.

 

Photo

Tout savoir sur Rogue One : A Star Wars Story

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commentaires
raff8
12/12/2016 à 12:09

super article
Le souci j'ai l’impression c'est l'ingérence de plus en plus grande des studios, notamment pour les gros films, dictés uniquement par la peur de perdre de l'argent et de vouloir aller trop vite
A moins de retourner un autre film y a rien qui pouvait sauver suicide squad , en même temps 6 semaines pour un scénario ça peux marcher pour Transformers et encore
ils devraient se souvenir de l'exemple de Nolan pour Batman: 1 réalisateur qui prend son temps pour écrire SON film et qui prends son temps pour tourner: carton critique et public

Geoffrey Crété - Rédaction
12/12/2016 à 00:41

@Thom

Comme on le signale, il ne s'agit que de quelques exemples qu'on trouve très significatifs dans leur style, pas d'une liste exhaustive. Il y en a malheureusement d'autres, parfois réputés comme L'Exorciste ou Payback effectivement.

Thom1979
11/12/2016 à 22:43

Bon article.

Vous auriez aussi pu parler de l'exorciste le commencement. Réalisé au départ par Paul Shrader, viré par les producteurs qui trouvaient le film pas assez spectaculaire et remplacer par Renny Harlin.

StarLord
11/12/2016 à 21:29

Merci pour cet excellent article!

Mempak4
11/12/2016 à 15:03

Difficile de résumer des reshoots, une production cinématographique est toujours l'alliage d'une multitude d'éléments ou l'artistique et le commercial s'opposent en permanence. Entre la vision d'un producteur Vs. réalisateurs, les différents égos en action, la gestion des équipes, les ratés créatifs, les mauvais choix, c'est impossible d'être exhaustif. A ce titre, l'interview de Norrington dans le Mad de ce mois est passionnante. Mais, pour revenir au long-metrage de Gareth Edwards : a travers ses 2 grosses premières réalisations que sont Monster et Godzilla, le cinéaste a démontré un sens du spectacle et un vrai talent dans sa gestion des cadres! Reste une écriture des personnages, parfois hasardeuse, parfois brillante. J'attends ce film avec de bonnes onde, mais on peut toujours se tromper. Si le film marche, on se dira que c'était un mal pour un bien. A l'inverse, notre goût du sang cherchera un coupable...alors que ce sera forcément un échec collectif!