Le mal-aimé : Evil Dead, le parfait exemple du très bon remake

Les mal-aimés, c'est le rendez-vous d'Ecran Large avec des films injustement boudés par la critique, le public ou les deux à leur sortie. Place à Evil Dead version 2013, remake du film culte Evil Dead de Sam Raimi qui a donné une saga culte, une série Ash vs Evil Dead absolument folle, et refuse de crever avec Evil Dead Rise en 2023.

"Evil Dead cru 2013 parvient à piquer ses spectateurs au vif dès son entrée en matière" (L'Ecran fantastique) 

"Il manque encore à Alvarez un bon sens du suspense pour arriver à jouer vraiment avec la peur. Mais, question horreur, il a de l'appétit" (Télérama)

"Si ça n'avait pas été pas mon travail de voir le film, je serais probablement sorti de la salle bien avant le moment où un personnage se coupe le bras avec un couteau éléctrique" (New York Post)

RÉsumÉ express d'evil dead le remake

La drogue, c'est pas bien, et Mia aime la drogue. Son frère et ses amis l'emmènent donc pour un sevrage dans une cabane paumée dans les bois, où toute personne ayant vu un film d'horreur refuserait de dormir. 

Ils découvrent un vieux grimoire dans la cave, l'abruti à lunettes y voit un sujet de thèse et commence à le lire. Libéré et délibré, le Mal s'abat sur Mia, qui essaie de s'enfuir mais finit dans un marécage, avant d'être violée par une racine maléfique. Elle revient un peu possédée pour terrifier ses copains, désormais bloqués à cause de la montée des eaux.

Mia vomit sur Olivia, qui la jette dans la cave. Olivia improvise un cosplay du Joker, et attaque son petit ami Eric. Eric tue Olivia. Mia mord la main de la copine de David, qui se coupe le membre possédé. Elle attaque David et Eric avec un pistolet à clous, avant d'être abattue. Mia tue Eric. David enterre Mia vivante. Il la ressuscite. Eric tue David, qui fait exploser la maison.

Dépossédée, Mia déchante en voyant une pluie de sang s'abattre sur elle. L'exorciste sort du sol et la poursuit. Mia récupère une tronçonneuse : elle coupe les chevilles de la demoiselle des enfers, mais la bête se venge en lui écrasant la main sous la voiture. Mia en a assez : elle s'arrache la main et découpe cette folle en deux. Le soleil se lève, Mia sourit. Le livre, lui, est toujours là.

Jusque là, tout va bien

pourquoi un remake ?

Le remake d'Evil Dead n'est pas sorti de nulle part. Il est venu directement de Sam Raimi et Bruce Campbell, qui ont longtemps eu envie de moderniser leur film culte. Mais face aux réactions pas très heureuses des fans, parmi d'autres difficultés, le duo avait plus ou moins abandonné l'idée. En 2009, l'interprète du grandiose Ash disait chez Fangoria Radio : "Le retour des fans était négatif à 90%. Ca ne va nulle part."

Du moins jusqu'en 2011, où tout a été mis sur les rails pour de bon.

En 2012, le réalisateur de Darkman et Spider-Man expliquait chez Collider : "Je pense que personne ne considère qu'Evil Dead était une expérience de cinéma joliment produite. On l'a tourné en 16mm, tous les effets ont été faits avec deux balles, et j'ai toujours pensé que ça pouvait être fait avec les moyens d'un gros film de cinéma, avec des effets de grande qualité. Ca pouvait rester sale, mais en stéréo et pas en mono, en 35mm et pas en 16mm. Il y avait plein de moyens d'améliorer ça. Ca pouvait être bien mieux écrit que je l'ai fait à l'époque, en tant que gamin de 18 ans qui écrit un scénario. Et honnêtement, la mise en scène pouvait être bien meilleure, et la caractérisation des personnages aussi. J'étais très content du résultat, mais le film a été fait grossièrement, et j'ai toujours pensé qu'il méritait d'être réexploré."

Bon courage

Sam Raimi est lui-même allé proposer le remake au jeune réalisateur Fede Alvarez, remarqué avec son court-métrage Panic Attack en 2009. Il a accepté sans trop hésiter, et a co-écrit le scénario avec Rodo Sayagues (avec Diablo Cody qui leur a prêté main forte). Très vite, la question de la violence s'est posée, avec la peur d'un NC-17 (interdit aux moins de 17 ans) qui freinerait trop l'exploitation du film. Alvarez racontait à Collider pendant la promo :

"Les producteurs Robert Tapert et Sam Raimi sont un peu le good cop et le bad cop. C'est leur dynamique. Et c'était juste un rêve de travailler avec eux. Tapert était en gros le plus réaliste, et a aussitôt vu un film NC-17 dans l'écriture. Mais il y a des gens chez Sony qui ont regardé ça, et sont en lien avec le comité de classification, qui ont lu le scénario, et ont dit que c'était plutôt Rated R grâce à l'aspect surnaturel. Les américains sont fous, non ? Le système de classification est dingo. (...) Il n'y a pas de sein, ou de scène de sexe. Donc ça va, les mutilations et tout ça, ça passe avec les gamins. C'est super."

Plot twist : Fede Alvarez pense que ce Evil Dead est moins un simple remake qu'une continuation. "Il prend la suite du premier film. Les coïncidences entre les événements du premier film et le mien n'en sont pas. Il s'agit plus d'un destin tragique créé par le livre maudit. La voiture d'Ash est toujours en train de rouiller."

Ash qui revient d'ailleurs à la fin, dans une scène post-générique, pour un petit "Groovy".

Quand t'entends que tous les remakes sont nuls

LE BOX-OFFICE d'evil dead 2013

Avec un budget officiel de 17 millions, et plus de 97 millions au box-office mondial (dont 54 côté domestique), Evil Dead a été un succès. Surtout avec son Rated R.

Evidemment, ce n'est rien comparé aux films d'horreur plus mignons de l'époque : Conjuring (318 millions au box-office, 20 de budget), Mama (146 millions pour 15 de budget) ou même Insidious : Chapitre 2 (161 millions pour 5 de budget). Mais ils jouent dans une autre catégorie.

Quand Conjuring arrive

pourquoi evil dead le remake, c'est pas mal du tout

Il n'y a qu'à voir la concurrence à l'époque : Conjuring et Insidious : Chapitre 2 emballés par James Wan, Mama produit par Guillermo Del Toro, ou encore La Dame en noir et Sinister sortis l'année précédente. Dans ce flux de films d'horreur polis, le remake d'Evil Dead fait figure d'enfant turbulent et délicieusement méchant, qui se contrefiche d'être aimable.

C'est donc un festival sanglant de membres déchirés, de peau arrachée et de visages amochés, décorés par des litres d'hémoglobine, que Fede Alverez filme avec un plaisir et une générosité réjouissantes. Le réalisateur ne réinvente aucunement l'histoire ou le genre, mais s'affaire sur le ton, le style, et la dimension iconographique du film. 

Why so serious ?

En délaissant la peur pure pour plonger le spectateur dans un tunnel ensanglanté digne d'un torture porn, le cinéaste s'arme d'une radicalité et d'une énergie irrésistibles pour emballer une boucherie flamboyante. Marchant humblement dans les pas de Sam Raimi, en restant sagement dans le cadre des films cultes, Alverez emballe un train fantôme de 90 minutes d'une clarté sans équivoque.

Conscient des limites de l'exercice du remake, il s'en donne à coeur joie pour multiplier les séquences grand guignolesques, répondant aux plus bas instincts du spectateur avec une perversité complice. C'était probablement la seule et meilleure option avec un tel monument entre les mains.

Le réalisateur affirme dans les meilleurs moments un vrai talent de mise en scène, avec un montage et un découpage souvent adroits. Il parvient également à instaurer une belle ambiance en quelques plans, d'une vue aérienne inversée de la forêt à l'envers à ce vestige motorisé baigné dans une lumière iréelle. Et plutôt que de souffrir de l'exercice du remake, en baissant les yeux face au statut d'oeuvre culte du film de Sam Raimi, il s'arme d'une vivacité qui impose un certain respect, et qui est certainement le meilleur moyen de se placer en humble héritier.

Les beaux maquillages qu'on aime

LEs limites du remake

Evil Dead reste, en fin de ligne, un simple remake. Un remake de ce nouveau genre, qui oscille entre pure reproduction et suite à peine assumée, et fonctionne en miroir avec le film d'origine.

Peu de surprise donc, hormis au rayon boucherie. Fede Alverez délaisse l'humour pour foncer dans le premier degré extrême, avec une écriture qui malheureusement ne se montre pas aussi inventive et réjouissante que la partie gore.

Profondo rosso

Malgré l'intéressante idée du sevrage, le scénario se contente de recycler les stéréotypes du genre, au lieu de les remuer avec la même énergie que dans les scènes sanglantes. Résultat : une architecture trop classique, des personnages trop carrés, qui auraient mérités une relecture plus folle, plus brutale.

La pluie d'hémoglobine (évidemment réjouissante) ressemble donc à une manière de camoufler les coutures d'une production un brin limitée, qui crie et gesticule beaucoup pour masquer sa nature trop classique. Ce qui est finamement une amusante manière de s'en sortir, vu le contexte.