Le mal-aimé : Charlie et ses drôles de dames, gros plaisir avec Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu

Geoffrey Crété | 15 mars 2023 - MAJ : 16/03/2023 11:07
Geoffrey Crété | 15 mars 2023 - MAJ : 16/03/2023 11:07

Parce que le cinéma est un univers à géométrie variable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l'injustice, se pose en sauveur de la cinéphilie avec un nouveau rendez-vous. Le but : sauver des abîmes un film oublié, mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie. 

Pour ce dossier, on revient sur le génial Charlie et ses drôles de dames, avec Cameron Diaz, Lucy Liu et Drew Barrymore.

 

Affiche fr

"Un fiasco complet" (San Fransisco Chronicle) 

"Ce n'est pas du cinéma, dites-vous ? Et alors ?" (Télérama)

"La meilleure adaptation d'une série télévisée depuis Mission : impossible" (Positif)

"Charlie et ses drôles de dames est.. le film de Cameron Diaz" (Entertainment Weekly)

"Bien sûr, c'est sympa à regarder, mais un peu de cerveau c'était trop demandé ?" (New York Times)

"Charlie et ses drôles de dames est comme la bande-annonce d'un film adapté d'un jeu vidéo, sauf qu'il manque le jeu vidéo, et le film" (Roger Ebert)

  


 

LE RESUME

L'ingénue Natalie, l'intello Alex et la rock'n'roll Dylan sont les anges de Charlie, et son fidèle Bosley. Leur nouvelle mission : retrouver Eric Knox, un génie de l'informatique kidnappé sous les yeux de sa collègue Vivian Lynch. Le trio enquête sur Roger Corwin, directeur de RedStar, société de communications et satellites, et infiltrent les locaux pour installer un système de surveillance.

Séduite par Knox, Dylan le suit dans l'appartement de Body Double. Mais elle réalise trop tard qu'il est le bad guy : il a mis en scène son enlèvement avec Vivian et le Sac d'os. Il laisse Dylan pour morte et kidnappe Bosley. Car Knox cherche à se venger de Charlie, responsable selon lui de la mort de son père. Le trio découvre que Knox s'est installé dans un chateau abandonné sur une île comme un méchant de James Bond. Natalie sauve Bosley et affronte Vivian, Alex tente de stopper le logiciel de localisation tout en stoppant le Sac d'os, et Dylan essaie de stopper Knox. Mais il s'échappe en hélicoptère avec un missile destiné à Charlie.

Les anges s'accrochent à l'appareil et réussissent à retourner le missile contre Knox in extremis. Elles se retrouvent face à la maison du fameux Charlie, heureuses de rencontre l'homme de leur vie. Sauf qu'il n'est pas là. Il les félicite en haut parleur. Alors qu'elle profitent d'un cocktail sur la place, et que l'équipe débriefe avec Charlie, Dylan l'aperçoit au loin. Mais elle n'a pas besoin d'aller le voir : elle a ses amies, et la foi.

FIN

 

photo, Cameron Diaz, Drew Barrymore, Lucy LiuTrio irrésistible

 

LES COULISSES

Via sa compagnie Flower Films, Drew Barrymore a acheté les droits de la série Drôles de dames, phénomène des années 70. Avec quelques clips en poche, McG contacte l'actrice. "Je savais qu'elle était attachée au film, et je suis fan d'elle. Faire un film intéressant à partir d'une vieille série TV n'est pas facile. On a discuté et on a réalisé qu'on avait beaucoup en commun, qu'on voulait faire le même genre de film déjanté, centré sur le plaisir. On ne peut pas faire prendre ça trop au sérieux comme si c'était du Shakespeare".

Le nom de Cameron Diaz s'impose vite pour eux, et Drew Barrymore la convainc vite de signer. Pour le rôle d'Alex, de nombreux noms circulent (notamment Angelina Jolie et Jada Pinkett Smith, qui auraient refusé) jusqu'à ce que Thandie Newton soit choisie. Mais le tournage de Mission : Impossible 2 ayant pris du retard, elle abandonne (du moins, c'était ce que tout le monde pensait, mais depuis l'actrice a rectifié et expliqué les stéréotypes racistes collés à son personnage). Lucy Liu, en pleine gloire Ally McBeal, est alors choisie.

 

Charlie et ses drôles de dames : photo, Lucy Liu, Bill Murray, Drew Barrymore, Cameron DiazCasting étoilé

 

Une douzaine de scénaristes passent sur un scénario qui sera réécrit des dizaines de fois avant de satisfaire le studio. Drew Barrymore insiste pour que les anges n'utilisent aucune arme à feu, contrairement à la série.

En coulisses, de nombreuses rumeurs se propagent autour d'une mésentente entre Bill Murray et Lucy Liu. Le tournage aurait même été stoppé une journée à cause d'une violente dispute. McG explique gentiment en promo qu'il encourage les acteurs à communiquer et échanger, pour que le travail soit le plus passionné possible. Des années plus tard, il avouera que Bill Murray lui a donné un coup de tête. L'acteur dément et déclare que le réalisateur mérite de mourir. Sans surprise, il n'est pas revenu dans la suite de Charlie et ses drôles de dames.

 

Bill Murray, Lucy Liu, Drew BarrymoreBill Murray, Bosley de rêve

 

LE BOX-OFFICE

Succès. Charlie et ses drôles de dames a coûté moins de 100 millions et en a rapporté plus de 260 dans le monde, dont 125 aux Etats-Unis.

Il a aussi perturbé Guillermo del Toro, qui a déploré l'utilisation excessive des câbles dans les scènes de combat : "Le moment où on voit Cameron Diaz voler dans les airs, alors qu'on sait qu'elle est incapable de voler dans les airs pour taper cinq mecs... On réalise que c'est fait avec des câbles. Le film était super, mais le style des combats était presque satirique". Presque ? 

 

photo, Cameron Diaz, Lucy LiuL'union a fait la force

 

LE MEILLEUR

Charlie et ses drôles de dames est un blockbuster cartoonesque détonant et irrésistible, d'une drôlerie et d'une bêtise folles. La première scène dans l'avion donne le la : une autodérision assumée avec un commentaire désobligeant sur les adaptations de séries télévisées, et un goût prononcé pour l'action absurde avec une cascade dans les airs. 

L'artificialité et le vide de l'entreprise sont constamment adressés, et ce dès les premières apparitions des personnages. Dylan joue à l'idiote profonde pour communiquer avec Chad, Natalie danse dans un spectacle de Barbie, Alex donne la réplique à Matt LeBlanc dans un faux décor de western. Plus tard, une scène totalement inutile dans l'intrigue fera croire qu'elle a été tuée, pour le simple plaisir de surprendre le spectateur l'espace d'une seconde. Tout est faux, tout est bête, tout est fun : le pacte du film est clair.

Il y a une forme d'intelligence réjouissante dans la capacité de Charlie et ses drôles de dames à se ridiculiser, voire s'autodétruire pour le plus grand plaisir du public. Un troisième degré réjouissant règne en maître dans ce divertissement pop et désinhibé, qui assume profondément sa nature de vulgaire produit de studio. Une condition qui permet au film de se débarasser de toutes les contraintes de logique, de réalisme et de narration pour purement et simplement assembler un spectacle décérébré, coloré et sexy. Et Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu se révèlent particulièrement détonantes et irrésistibles dans ce joyeux chaos. 

 

Cameron Diaz, Drew Barrymore, Lucy LiuUne scène qui a marqué les esprits

 

Les motifs du genre (la poursuite en voiture, le repère du bad guy) sont jetés dans l'intrigue sans même donner l'illusion de faire sens, et l'intrigue typiquement hollywoodienne devient vite un prétexte à une suite de sketches et de déguisements insensés. Récupérer l'empreinte oculaire d'un business man se transforme en scène de yodelsexy, la superstar Cameron Diaz aura droit à un numéro musical totalement gratuit dans un club, et c'est grâce à une vocation d'ornithologue et un amour des mots croisés que les trois anges retrouvent la trace de Bosley pour le climax.

Dans Charlie et ses drôles de dames, personne ne prend la peine de se compliquer la tâche et enrober le spectacle dans un semblant de sérieux : le film est une vaste plaisanterie à 100 millions de dollars, où tout est sacrifié sur l'autel du plaisir bête et délicieux. McG s'en donne donc à coeur joie. Il filme les cheveux de Lucy Liu au ralenti, place des tubes dès que possible, construit l'action autour des ralentis et pirouettes ridicules de ses actrices.

Il s'amuse avec les seconds rôles, de Bill Murray à Tim Curry, en passant par une Melissa McCarthy alors méconnue (elle reviendra même dans la suite, dans un autre rôle, pour une apparition). Peu convaincu par les dialogues, l'inimitable Crispin Glover propose d'en faire un bad guy muet avec un penchant fétichiste pour les cheveux, tandis que Tom Green interprète un abruti fini qui n'aurait jamais eu sa place dans un blockbuster ordinaire. De son côté, Sam Rockwell (qui vit dans la maison de Body Double de De Palma) se révèle parfait dans son rôle, et donnera sûrement la belle idée de reformer ce couple avec Drew Barrymore à George Clooney dans Confessions d'un homme dangereux deux ans après.

 

Charlie et ses drôles de dameDrew Barrymore, centrale dans le projet

 

LE PIRE

Marqueur d'une époque post-Matrix qui a naturellement pris un coup de vieux, Charlie et ses drôles de dames porte les stigmates d'une ère où les ralentis et un certain design sonore étaient recopiés à la chaîne. Le film de McG aura donc bien du mal à supporter le poids des années, victime du syndrome des produits de consommation immédiate dont la date de péremption est proche dès la mise en rayon.

 

photo, Cameron Diaz, Drew BarrymoreLa victoire, peu importe

 

Hormis cette évidence : tous les défauts de la superproduction étant assumés ou intégrés dans la machinerie, difficile de l'apprécier tout en les considérant comme gênants. À moins d'être totalement hermétique à la chose (auquel cas les qualités de l'entreprise sont donc des défauts), Charlie et ses drôles de dames reste une réussite dans son genre vulgaire. 

Tout savoir sur Charlie et ses drôles de dames

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commentaires
Ghost Leopard
19/01/2024 à 23:21

J'adore les deux films avec Barrymore, Díaz et Liu.

C'est un énorme cheesecake avec de la pâte sablée, du coulis de fraise, du chocolat fondu et de la crème chantilly. À moins de chercher de l'obésité et du diabète, il ne faut pas trop en consommer mais, exceptionnellement, ça passe très bien.
Tous les clichés caricaturaux du cinéma d'action sont volontairement utilisés au maximum de manière décalée et les trois personnages s'amusent de leurs propres pitreries. J'avais passé un très bon moment et j'adore les reregarder quand ça passe sur une chaîne.

Mathilde T
16/03/2023 à 13:39

Bon petit plaisir avec un super casting qui joue très bien, avec humour .

sylvinception
16/03/2023 à 11:43

Gros plaisir coupable, et comment ne pas craquer sur Cameron, Lucy et Drew ??
Un casting de ouf, Murray, Rockwell, Kelly Lynch et Crispin Glover... tout ce joli monde est là pour s'éclater dans un divertissement pop et flashy, qui a le mérite de ne pas péter plus haut que son cul. Le second volet, même avec Demi Moore au cast, sera nettement moins réussi, se prenant beaucoup trop au sérieux.
Par ailleurs je ne saurais trop vous conseiller le BR 4K, juste sublime.

(@niemans : merci pour ce com' inspiré et fort utile.)

Pulsion
16/03/2023 à 06:49

Ce film là est toujours aussi sympa malgré ses mauvais côté et ces scènes de combat au ralenti pour imiter Matrix. C'est fun, séduisant, ça se prend pas au sérieux et Sam rockwell est excellent en bad guy. Les chansons sont dynamiques et entrainantes. C'est féministe sans le montrer avec de gros sabots. Les filles certes quasiment tout le temps hystériques sont bien dans leur peau, elles sont cool, efficaces, etc.
Bref, tout le contraire du récent remake austère avec son balais dans le fondement.

Luis_Gaspardo
15/03/2023 à 21:15

Barrymore productrice et McG réalisateur avaient trouvé l'équation parfaite : pousser le curseur à fond sur l'esprit outrancier de la série originale où les anges pouvaient et savaient tout faire (atterrir un avion à la place des pilotes, concourir dans des courses automobiles, semer une voiture lancée à leur poursuite avec un skateboard) tout en respectant ses marqueurs forts (Bosley et Charlie sont tout autant - sinon plus- au service de leurs anges adorés qu'elles ne le sont au leur). C'est là que le remake d'Elizabeth Banks s'est planté: frileux sur le ridicule assumé, il a trahi le contrat d'amour et de respect indéfectible entre les drôles de dames et leurs deux figures paternelles (au nom d'un prosélytisme féministe boursouflé, Bosley devient le méchant du film et Charlie une femme.)


(bravo et merci pour ce super article de plus, Geoffrey!)

Alixismoi
01/08/2021 à 13:37

Petit plaisir coupable mes nuits d'insomnie, pas besoin de réfléchir, pas besoin de suivre. Les gentilles battent les méchants et puis c'est tout. Film popcorn et on en demande rien d'autre

Marvelleux
01/03/2020 à 18:33

C'est kitsh, mais assumé. Bourré de défauts, mais c'est qui fait le charme du film. Le premier est plus appréciable que le second.

niemans
29/12/2019 à 11:19

Beurk

Simon Riaux
23/12/2019 à 15:02

@Korki37

Perdu.

Il s'agit d'un dossier remis à jour, publié initialement en 2016.

Et quand bien même on aurait eu l'idée "marrante" de publier ce jour un dossier sur le film, comme les excellents confrères de Capture... Ne serait-il pas assez logique de le faire à quelques heures de la sortie d'un nouveau Charlie's Angels ?

Korki37
23/12/2019 à 14:55

Marrant que votre dossier en même temps que l'épisode Stéroïdes de Capture Mag qui lui est consacré

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