Love & Friendship : oui, Kate Beckinsale est (aussi) une actrice talentueuse

Héroïne drôle et détestable de Love & Friendship, qui marque ses retrouvailles avec Whit Stillman et Chloé Sevigny 18 ans après Les Derniers Jours du Disco, Kate Beckinsale rappelle qu'elle n'est pas qu'une belle plante.

Kate Beckinsale, c'est l'infirmière niaise du Pearl Harbor de Michael Bay et la combinaison en cuir de Selena dans la série Underworld. Deux facettes caricaturales qui résument un peu trop bien la carrière de cette Anglaise de 42 ans, adoptée voire domptée par l'industrie hollywoodienne depuis les années 2000.

Résumé express de la filmographie de Kate Beckinsale qui, sous ses airs de mannequin, est passée par Oxford et a étudié la littérature russe et française.

Des rôles de belle plante dans des comédies oubliables (Click avec Adam Sandler, Absolutely Anything avec Simon Pegg), de badass dans des films d'actions oubliables (Whiteout de Dominic Sena, Contrebande avec Mark Wahlberg, Total Recall de son ex-mari Len Wiseman). Des films oubliés dès leur sortie (Motel avec Luke Wilson) et des films inédits dans les salles françaises (Snow Angels de David Gordon Green, Le Prix du Silence avec Matt Dillon, Everybody's Fine avec Robert de Niro, Hysteria de Brad Anderson).

Mais Kate Beckinsale, c'est aussi une actrice qui a commencé chez Kenneth Branagh en 1993, dans Beaucoup de bruit pour rien. Qui a incarné l'incendiaire Ava Gardner dans quelques scènes du Aviator de Scorsese, pour rappeler son existence légitime à l'écran.

Cette semaine, c'est l'atout majeur de Love & Friendship, la comédie adaptée de Jane Austen, où elle retrouve le réalisateur indé Whit Stillman et l'actrice Chloé Sevigny, 18 ans après leur première collaboration Les Derniers Jours du disco.

Des retrouvailles bienvenues pour l'actrice, noyée dans une vague de films plus ou moins médiocres loin de la mettre en valeur. Car dans Love & Friendship, Kate Beckinsale est superbe. Drôle, pétillante, impertinente. Rarement a t-elle été si libre et vivante, qu'étouffée dans les corsets de l'aristocratie du XVIIème siècle. Elle aspire l'air de toutes les scènes, même les moins réussies. Loin de la simple caricature de l'arriviste et de la manipulatrice, elle flotte, légère et réjouissante, et éclipse tous ses partenaires (à l'exception de Tom Bennett, lui aussi excellent en aristocrate abruti). 

La filmographie de Kate Beckinsale a toutefois quelques éclats de lumière. Lancée dans l'arène hollywoodienne par Michael Bay, associée depuis aux superproductions de seconde zone, elle trace sa route sur la scène indépendante. Dans le très beau Laurel Canyon de Lisa Cholodenko (The Kids Are Allright), elle interprète l'épouse un peu coincée de Christian Bale, qui termine une soirée dans une piscine à embrasser Frances McDormand. Eclipsée dans la grande machinerie à paillettes de Scorsese face à Leonardo DiCaprio, aux côtés d'une Cate Blanchett oscarisée pour sa performance en Katharine Hepburn, elle incarne parfaitement le caractère sauvage de la sculpturale Ava Gardner.

Dans Snow Angels de David Gordon Green, elle est une mère célibataire et serveuse qui affronte le drame absolu. Dans Fragments, un film chorale avec Forest Whitaker et Guy Pearce, elle est aussi une mère célibataire et serveuse (blonde cette fois-ci), qui survit à un drame absolu. Dans la foulée, elle tourne Le Prix du silence, inspiré de l'histoire vraie d'une journaliste du New York Times qui a été emprisonnée pour protéger sa source. Les films passent inaperçus en 2007 et 2008, mais Kate Beckinsale y est discrètement excellente.

Dans les mauvais films, Kate Beckinsale n'est même pas mauvaise. Face aux vampires et créatures diaboliques, dans la franchise Underworld ou Van Helsing de Stephen Sommers, elle garde un aplomb remarquable, qui donne un semblant de vérité aux scènes les plus absurdes. Dans Total Recall version 2012, où elle reprend le rôle de Sharon Stone, elle incarne une bad girl savoureuse, qui donne quelques couleurs à ce pâle remake. Au point de souhaiter sa victoire sur la transparente Jessica Biel lorsque leur affrontement débute.

Mais Kate Beckinsale n'a vraisemblablement pas de goût au vu de ses choix de films. Ou pas de chance ?

Lorsqu'elle tourne avec Brad Anderson, réalisateur très remarqué avec The Machinist et Christian Bale, c'est pour le téléfilm de luxe Hysteria, loin d'être à la hauteur de son pitch et son casting en or (Jim Sturgess, Michael Caine, Ben Kingsley). Quand elle tourne avec Michael Winterbottom, cinéaste très reconnu de 24 Hour Party People, 9 Songs et The Killer Inside Me, c'est pour L'Affaire Jessica Fuller : un film inspiré par l'affaire Amanda Knox, passé inaperçu malgré Daniel Brühl et Cara Delevingne à ses côtés.

Le film d'horreur The Disappointment Room réalisé par DJ Caruso (capable du meilleur comme du pire, de The Salton Sea à Numéro Quatre), est quasiment tombé dans les oubliettes suite aux soucis financiers de Relativity Media. Tourné en 2014, le film sortirait fin 2016.

Sur le calendrier des sorties ne reste que Underworld : Blood Wars, son quatrième épisode de la saga, et le premier réalisé par une femme. Interrogée par Total Film sur la renommée de cette saga, Kate Beckinsale avouait : "C'est un peu déprimant que ce soit probablement ce qui restera sur ma tombe. Je suis bien plus à l'aise pour apprendre 70 000 mots de dialogues. Alors que sauter dans les airs et faire des roulades en tenue de cuir, je me demande un peu ce que je fous là".

Mais plutôt qu'espérer que Love & Friendship rouvre les yeux des réalisateurs et producteurs, l'actrice prend les choses en main. Elle travaille sur l'adaptation du livre The Chocolate Money, une coming of age story d'Ashley Prentice. Ce sera sa première expérience de productrice, et elle se réserve un rôle dans le film. "Je ne fais pas tout ça pour quelqu'un d'autre !". Et à ce stade de sa carrière, c'est au moins nécessaire.