Le Complexe de Frankenstein : un doc à l'effet spécial

Simon Riaux | 26 novembre 2015
Simon Riaux | 26 novembre 2015

Après leur très bon doc consacré à Ray Harryhausen, nous retrouvons donc messieurs Alexandre Poncet et Gilles Penso (que connaissent de longue date les lecteurs de Mad Movies et L’Ecran Fantastique), aux commandes d’un nouveau film. De quoi est-il donc question dans Le Complexe de Frankenstein ?

D’effets spéciaux bien sûr. Ou plus exactement de leurs créateurs. Des créateurs de créatures. Comprenez que le film se penche sur l’histoire, les principaux artisans et le rôle tenu par les bébêtes sorties de leur imagination dans l’histoire collective du cinéma. Un sujet infiniment vaste, qui a la bonne idée de très rapidement s’extraire de l’ornière spécieuse des oripeaux geeks artificiels.

Messieurs Bricolage

Même si Le Complexe de Frankenstein touche à un sujet en apparence ultra-spécialisé, il s’efforce en permanence de traiter de la naissance des monstres de cinéma avec pédagogie, contextualisant toujours les œuvres évoquées, mais prenant également soin de revenir sur la dimension profondément ludique des hommes et des pratiques évoqués. Car le documentaire se transforme petit à petit en un roller coster euphorisant, qui réveille à coup d’électrochocs le gosse qui sommeille dans chaque spectateur.

Voir Phil Tippett, Rick Backer et les nombreux intervenants du film détailler leurs méthodes, entre deux onomatopées colorées de Steve Johnson est une source continue d’émerveillement et de fous rires. Le choix des différents intervenants est à ce titre exemplaire. On trouve ainsi du cabotineur indispensable (John Landis, Joe Dante), des maîtres mélancoliques (Tippett), du vulgarisateur de génie (Johnson), mais aussi des intervenants moins célèbres, comme Woodruff Jr. ou les frères Chiodo.

Un éventail large, qui s’il ne donne pas la parole à certaines légendes dont la parole n’est peut-être pas assez rare pour être encore évènementielle (on pense notamment à Tom Savini), permet véritablement d’appréhender les rouages d’une profession aussi fascinante que menacée.

It's Aliiiiiiiiiiive !

Le Complexe de Frankenstein parvient ainsi, grâce à un montage discret mais qui met avec intelligence les thèmes et expériences en perspective, à maintenir un équilibre constant, entre anecdotes, explications, enquête et réflexion quant à la portée créatrice de ces métiers ahurissants.

Un des plus grands mérites du film, au-delà de sa valeur de témoignage et de petit précis du domaine qu’il ausculte, est de rétablir ces inventeurs de monstres et de créatures dans leur qualité d’artistes. Bricoleurs de génie, sans doute, rock stars, jadis, sales gosses, évidemment, mais artistes avant tout. Constater ainsi la pluralité des domaines maîtrisés, la dévotion absolue à leur pratique et l’humilité de cette dernière (qui consiste ni plus ni moins à s’investir totalement dans une création qui sera ensuite digérée par le film lui-même) est profondément émouvant.

Enfin, Le Complexe de Frankenstein a le bon goût de ne pas se muer en un pamphlet en faveur des effets spéciaux physiques, qui militerait pour un « retour aux sources », corrompues par les images de synthèse. Si le film en souligne bien sûr les effets pervers et ne cache pas sa nostalgie pour un temps où les créatures portaient la signature et l’empreinte de leurs auteurs, il ne dissimule pas les progrès, innovations et réussites éclatantes du numérique.

Impossible dès lors de faire la fine bouche devant un film qu’on aimerait voir projeter à tous les gamins un peu imaginatifs, en école (de cinéma), bref devant quiconque est sur le point de ne jamais entrer en contact avec six décennies d’une tradition qui sut magnifier l’imagination et nous transporter dans un ailleurs fait de rêves et cauchemars entremêlés.

On attend désormais de retrouver les complices Poncet et Penso, histoire qu’ils puissent (qui sait) se consacrer à l’un des absents de leur excellent documentaire. La figure fantomatique de Rob Bottin, retiré des voitures et peu désireux de s’exprimer sur sa vie passée, plane en effet sur tout le film. Et on se surprend à rêver que le prochain effort du duo permette au génie de sortir de sa tanière et livrer ses derniers secrets.

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commentaires
Starfox
27/11/2015 à 10:15

Apparemment Rob Bottin travaille dans l'immobilier maintenant...

Simon Riaux
26/11/2015 à 18:13

Dès qu'on saura où on vous le dira ;-)

ludo3101
26/11/2015 à 18:02

On peut voir ça où ?