Apocalypse Now

Simon Riaux | 27 avril 2011
Simon Riaux | 27 avril 2011

Le film est réparti sur deux disques. Les deux montages du film sont proposés en seamless branching. Pour ce qui est de l'image en soi, on est interloqué parce que beaucoup de passages comme le spectacle des Bunnies ou encore l'arrivée de Willard au QG sont des répliques exactes. En revanche, le raffut des B-52 et l'introduction de Kilgore, par exemple, diffèrent sensiblement en termes de colorimétrie et de piqué. Les passages propres à …Now sont mieux définis mais plus chargés en bruit vidéo alors que ceux de Redux sont plus stables dans le mouvement.

 


Zone 1 (Paramount 1999)
 
Zone 2 Redux (Pathé 2001)
 
Zone 1 C.Dossier (Paramount 2006)
 
Zone 1 Redux C.Dossier (Paramount 2006)

 

 

Zone 1 (Paramount 1999)
 
Zone 2 Redux (Pathé 2001)
 
Zone 1 C.Dossier (Paramount 2006)
 
Zone 1 Redux C.Dossier (Paramount 2006)

 

 

Zone 2 Redux (Pathé 2001)
 
Zone 1 Redux C.Dossier (Paramount 2006)

 

 

Zone 1 (Paramount 1999)
 
Zone 2 Redux (Pathé 2001)
 
Zone 1 C.Dossier (Paramount 2006)
 
Zone 1 Redux C.Dossier (Paramount 2006)
 
 
Comparé aux autres éditions déjà sorties, le split sur deux disques s'avère payant puisque chaque version affiche un bitrate himalayen (8Mb/s pour Redux, près de 10Mb/s pour …Now), on ne peut que constater une meilleure définition ainsi qu'un contraste supérieur du nouveau Zone 1 par rapport à son homologue français. Il suffit de voir le plan large avec Aurore Clément. Les deux captures proviennent du même master, à la tache de copie près, mais le Zone 1 dispose d'une compression incomparable. The Complete Dossier propose la meilleure image du film à ce jour, malgré le recadrage frustrant de Storaro. Gageons que le HD-DVD lui redonnera un jour toute sa largeur.

 


Dès l'ouverture du film où l'hélico fait le tour des cinq enceintes, on a la chair de poule. Preuve s'il en est de l'incroyable efficacité du mixage sonore conçu par Murch il y a déjà vingt-sept ans. Il est en effet stupéfiant de constater plus tard à quel point la bataille aérienne tient la dragée haute aux mix actuels avec ses basses ravageuses, la précision de ses explosions au beau milieu d'un chaos qui ne vient jamais étouffer ni les dialogues, ni Wagner. Ecouter Apocalypse Now aide vraiment à prendre conscience que Murch et Coppola ont inventé le son du cinéma d'aujourd'hui. Certes, le mixage 5.1 de Redux se démarque légèrement de …Now par une restauration doublée d'une plus grosse dynamique. Mais l'un comme l'autre en ont suffisamment dans le ventre pour vous faire détester du voisinage.

 

 

Avant d'entamer la critique bonus de cette édition, il est bon de revenir sur les différences entre la version 1979 et la Redux.

 

26eme minute (52s) : Willard débarque au beau milieu d'un chaos orchestré par la division aéroportée du Colonel Kilgore. On assiste alors à l'atterrissage d'un hélico d'où Kilgore descend. En 1979, ce dernier était déjà sur le champ de bataille.

 

 

47eme minute (1mn06s) : Kilgore sauve un enfant blessé alors que, monté en parallèle, les avions incendiaires de l'armée réduisent en cendres une palmeraie sur ses ordres afin qu'il puisse surfer tranquillement. Scène essentielle renforçant la folie du personnage

 

 

50eme minute (2mn01s) : Alors que Kilgore s'énerve devant les réticences de Lance à surfer sous les bombes, Willard et son équipe se font la belle en douce. Cependant, Willard en profite pour voler la planche de surf de Kilgore. Cinq années après la sortie de Redux, on a toujours un peu de mal à regarder Willard rire aux éclats devant sa blague de potache mais, dans le même temps, cela lui confère une dimension humaine.

 

 

53eme minute (2mn37s) : L'équipe du PBR (Plastic Boat Ranger) se cache pour éviter les hélicoptères que Kilgore a envoyés pour récupérer sa planche de surf. Le message enregistré et tournant en boucle confirme le pathétisme du colonel (« Lance, tu sais à quel point il est dur de trouver une bonne planche ! » Ce passage n'est pas essentiel mais rappelle aussi que Willard est un homme perdu, vidé de l'intérieur, dont le besoin de se frotter au danger extrême est capital pour qu'il se sente vivant.

 

 

71eme minute (4mn33s) : Un ajout en trois parties ici. Faisant directement suite au spectacle des Bunnies qui dégénère, ce passage est un portrait de groupe d'une camaraderie typiquement masculine, en manque de filles. On enchaîne naturellement sur la scène musicale où Clean danse sur Satisfaction des Stones pendant que Lance fait du ski nautique (déjà présente dans la version de 1979 mais située cinquante minutes plus tôt) ; enfin, la dernière partie est la lecture intérieure d'un rapport de Kurtz par Willard sur l'état de l'armée américaine qu'il fustige pour une débauche de moyens qui n'a d'égal que le manque de motivation de ses soldats. Et, avec la description de l'équipage du PBR obsédé par les grosses poitrines des playmates, la nourriture riche, la musique contestataire et le ski nautique, Willard ne peut qu'abonder dans son sens.

 

 

82eme minute (11mn36s) : Une extension contestable, la deuxième rencontre avec les Bunnies. Le PBR débarque dans un campement à moitié détruit, sous une pluie battante. L'équipage est à cran. Willard échange donc barils d'essence contre quelques heures avec les playmates. Cette scène, retirée pour cause de décors détruit par un typhon, met mal à l'aise lorsque les confessions naïves des jeunes femmes sont ignorées par Lance ou Chef, trop occupés à les déshabiller.

 

 

115eme minute (24mn49s) : Le plus gros segment, celui qui a chagriné le plus du monde lors de son retrait en 1979, la plantation française. Suite à la mort de Clean, Willard et ses hommes se retrouvent face à des fantômes du passé. Cette longue réintégration se décompose en trois parties, l'enterrement militaire de Clean au cours duquel l'interprétation de Albert Hall est particulièrement émouvante.

 

 

Vient ensuite le dîner ironique marqué par les illusions du colon Hubert DesMarais (Christian Marquand). Un jeu de massacre où pour une vérité assénée (« Vous, les américains, vous vous battez pour rien du tout ! »), on a plusieurs « voilages de face », le plus beau étant l'attachement proclamé d'Hubert pour la vocation de colon de sa famille alors que tout le monde a quitté la table, excédé par son autoritarisme.

 

 

Enfin, la dernière partie est le jeu de séduction entre Willard et Roxanne DesMarais (Aurore Clément et son french accent à tailler à la tronçonneuse) autour d'une pipe d'opium. Dans l'ensemble, cette longue séquence est extrêmement intéressante par son intelligence et sa mise en scène (malgré une musique insupportable) mais elle arrive malheureusement trop tard. La surprise de se retrouver dans un environnement cosy après l'enfer ne tient pas longtemps et Coppola semblait pourtant avoir compris vingt-trois ans plus tôt que, passé le pont de Do Lung, le retour à la civilisation était impensable.

 

 

168eme minute (5mn30s) : LA SCENE manquant de détruire le mythe Brando. Bien que l'on ait eu cinq ans pour la digérer, on ne comprend toujours pas l'ajout de cette revue de presse. Enfin si, on conçoit le message de Coppola : Kurtz fait la lecture à Willard de coupures de presse (réelles) dans lesquelles on peut lire que l'Amérique va remporter la guerre du Vietnam. Kurtz met ainsi en évidence le mensonge national de l'armée et tente de démontrer à Willard que ses commanditaires l'ont dépêché pour l'assassiner parce que ses méthodes barbares seraient les seules qui permettraient de remporter le conflit. Malheureusement, filmé en pleine lumière et entouré d'enfants, Marlon Brando perd de sa superbe, de son caractère fantastique. Preuve s'il en est que la forme peut parfois annihiler le fond.

 



 




 


 
   
 
 
Monkey Sampan (3min 02s, 16/9) est une scène coupée étrange. Les indigènes du repaire de Kurtz chantent avec des percussions primitives le Light My Fire des Doors. Ensuite, le PBR se retrouve face à un sampan dont les occupants ont péri d'une manière aussi effroyable que graphique. Très beau moment, dont le passage abrupte de l'ambiance festive à l'horreur est très bien orchestré. Mais il aurait été difficile de l'insérer dans le film.

 

 

Les douze scènes coupées sont un grand moment de cette nouvelle édition.  Si les cinq sixièmes de ces scènes sont anecdotiques dans leur ensemble et ne contenteront que les fanatiques (on y découvre le premier nom de Kurtz (Leighley), le pourquoi de Mr. Clean, le surnom du personnage de Larry Fishburne), cette section vaut pour les deux dernières scènes : The Tiger cages (4min 27s) et Special Forces Knife (6min 35s).

 



 

 
La première met en scène Willard enfermé dans une cage à tigre d'où il voit Kurtz dans la pénombre dicter des instructions de tortures dans un très bon français à un bras-droit montagnard. Il y a là un contraste saisissant entre la douceur de sa voix et la monstruosité des actes qu'il requiert. Vient ensuite une conversation entre lui et Willard dont la teneur est similaire à celle, réintégrée, de la revue de presse. Dommage que Coppola n'ait pas choisi celle-ci tant elle surclasse cette dernière.

 


 

 

 
La seconde répond enfin à une question posée par de nombreux fans depuis vingt-sept ans : que sont devenus Colby (Scott Glenn) et le photo reporter (Dennis Hopper) ? On comprend rapidement que cette scène fait le lien entre le monologue de Kurtz et sa mort. Le reporter révèle à Willard qu'il a pris la photo de Kurtz et que ce dernier va le tuer s'il ne fuit pas le repaire. Colby le tue (atrocement) avec son fusil à pompe. Mais lui-même se prend un coup de couteau par Willard (le Special Forces Knife) qu'il a trouvé sur un des nombreux cadavres ensanglantés éparpillés un peu partout dans le repaire. Cette scène n'est pas indispensable, elle est même impossible à réinsérer mais qu'est ce qu'on est content de la découvrir !

 



 

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