Félicité : Critique en transe

Simon Riaux | 29 mars 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 29 mars 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Grand Prix du jury à Berlin, Etalon d’Or au Fespaco, Félicité d’Alain Gomis arrive sur les écrans précédé d’une réputation flatteuse. Et méritée.

 

Félicité est chanteuse à Kinshasa. Lorsque son fils est victime d’un accident de moto, elle est contrainte d’arpenter les innombrables artères de la ville-monde pour réunir l’argent nécessaire à son opération. Elle entame alors une quête complexe, entre tragédie et recherche de soi.

Difficile de classer Félicité. Drame, portrait de femme, radiographie d’une gigantesque ville autant que plongée introspective et mystique, le nouveau film d’Alain Gomis est tout cela à la fois. Caméra au poing, il revêt les atours d’un cinéma vérité sinon guérilla pour accompagner son héroïne au rythme des concerts où la transe guette, selon les soubresauts d’une cité, où rien n’est acquis, prévisible, donné.

 

Photo Véronique Beya Mputu

 

Si sur le papier le récit tient autant du film social que du portrait de femme, Gomis déjoue les écueils et figures attendues de ces identités remarquables. Il propose une œuvre dont la singularité frappe rapidement le spectateur. Ainsi, Félicité n’est pas tant forte qu’orgueilleuse, soudain forcée de composer avec ceux qu’elle a jadis oubliés, vaincus, voire méprisés. L’exceptionnelle Véronique Beya Mputu rend compte avec une précision sidérante des tourments de cette personnalité heurtée et incroyablement volontaire.

Mais c’est surtout la deuxième partie du récit qui fait la valeur de Félicité. Après que la narration ait réglé la question « basique » des enjeux dramatiques, le métrage peut prendre son envol et traiter profondément de son sujet, à savoir la relation spirituelle de son personnage central avec le monde dans lequel elle évolue.

 

Photo Véronique Beya Mputu, Papi Mpaka

 

Brisée, Félicité a perdu sa voix. À genoux, elle refuse son existence, et l’amour que lui porte Tabu. Commence alors une folle errance dans Kinshasa de nuit, où Félicité se réinvente, muette. Et la mise en scène de se recomposer, le montage de se faire association d’images éclatées, purs flash d’émotions.

Par sa longueur, son aspect parfois décousu et la charge émotionnelle qu’il charrie, Félicité pourra ressembler à une épreuve. Une épreuve dont le spectateur sortira bouleversé, pour peu qu’il en accepte les défis et les fourches caudines.

 

Affiche officielle

Résumé

Intense, organique et gracieux, le tour de force d'Alain Gomis fascine.

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commentaires
Barbo
30/03/2017 à 00:17

@Bibag

Merci à notre démocratie de considérer la culture comme un élément important de la société, et de ne pas reposer sur les goûts (et non-goûts) d'une poignée de gens, qui déciderait ce qui "mérite" d'exister, notamment parce que "c'est ennuyeux" et donc "c'est un navet" et donc, "c'est une honte" parce que moi toi, tu n'aimes pas. Ce serait la honte pour le coup.
Et renseigne toi pour nuancer la place des impôts là-dedans peut-être.

Bibag
29/03/2017 à 22:39

Profondément ennuyeux... merci à nos impôts de subventionner de tels navets.... c'est une hontr

Ded
29/03/2017 à 20:06

Les enjeux ne sont pas les mêmes mais le traitement de cette quête pécuniaire pathétique sur fond social et sociétal me rappelle Ma'Rosa. J'espère un choc identique...

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