Ghost in the Shell : critique robotique

Simon Riaux | 31 mai 2023 - MAJ : 01/06/2023 13:59
Simon Riaux | 31 mai 2023 - MAJ : 01/06/2023 13:59

Après des mois de polémiques variées et de promotion intense, Ghost in the Shell avec Scarlett Johansson débarquait sur les écrans du monde entier, avec l’ambition affichée de  donner naissance à une nouvelle lucrative franchise. Hollywood pouvait-il digérer une œuvre aussi dense et révérée ?

TORA TORA TORA

Rarement projet aura semblé aussi risqué, voire kamikaze. Originellement un riche manga signé Masamune Shirow, puis diptyque animé du maître Mamoru Oshii avant de muter en passionnante série, Ghost in the shell est d’une invraisemblable richesse ; un matériau d’une formidable diversité, qui aura fédéré sur le long terme des cohortes de fans allant de l’amateur de science-fiction au spécialiste du cyberpunk, en passant par l’afficionado de réflexion métaphysique jusqu’à l’otaku occidental.

Ces derniers n’avaient d’ailleurs pas manqué de pointer les péchés supposés de l’adaptation qui nous intéresse, à commencer par son whitewhashing, incarné par le casting de Scarlett Johansson (plainte assez curieuse, quand on connaît l’esthétique métissée et kaléidoscopique qui préside à l’univers en question).

 

Photo Scarlett JohanssonScarlett Johansson

 

SHELL A VIE

La première très bonne surprise du film de Rupert Sanders (Blanche-Neige et le chasseur) est donc de parvenir à retranscrire intelligemment et fidèlement une œuvre-monde terriblement complexe. Dès les premières images du métrage, on est ainsi sidéré par le degré de précision déployé par le récit et la direction artistique pour incarner les codes ou identités remarquables qui ont fait l’ADN de Ghost in the Shell. Le moindre accessoire, le plus petit morceau de coursives et jusqu’à certains figurants ont ainsi été reproduits, transcrits, avec un soin maniaque.

Même la polémique artificielle concernant l’occidentalisation du chef d’œuvre séminal est adressée avec une rare intelligence. Vous redoutiez que Scarlett Johansson ne puisse s’effacer pour incarner le Major Kusanagi ? Rassurez-vous, Rupert Sanders accorde avec justesse une grande place à cette problématique, faisant de l’apparence caucasienne du personnage principal un questionnement identitaire fondamental, présenté ici avec une belle acuité.

 

Photo Scarlett JohanssonNon ce n'est pas une pub

 

Autre raison de se réjouir : Ghost in the Shell ne se limite pas à un objet de cinéma fétichiste, conçu pour caresser le fan dans le sens du poil. S’il ne réinvente jamais la poudre, le scénario du blockbuster s’échine simultanément à mener son récit selon un rythme trépidant, collant à la concision qui faisait la force du premier long-métrage, tout en établissant clairement ses enjeux.

Enjeux qui sont parfois trop simplifiés, mais suivent une progression plus cohérente et soignée que la plupart des grosses productions actuelles. Le film ne cherche jamais à sidérer son public, il s’efforce avec réussite de lui permettre de saisir les clefs conceptuelles de l’œuvre originale. En découle une narration très fluide, claire, beaucoup plus maîtrisée que dans le tout-venant du cinéma de divertissement grand public.

 

PhotoTrès bonne intégration de Ghost in the Shell 2

 

GHOST Y ES-TU ?

Pour autant, Ghost in the Shell se casse les dents sur certains écueils inhérents au programme qu’il déroule. Car à trop vouloir dupliquer le canon esthétique établi par Oshii, Sanders se fait trop fidèle. On a beau être ravi de retrouver les Geishas mécanique de Ghost in the shell 2 : Innocence, la combinaison « stealth » du premier métrage ou encore les chiens de Batou, ces duplicatas font du film un produit étrangement daté.

Car le 7ème art n’a pas attendu pour s’inspirer de Ghost in the Shell. Dès Matrix, Hollywood avait entamé le travail de digestion que semble ignorer Sanders. En ne tenant pas compte de la manière dont ces codes ont évolué ces 20 dernières années, le métrage souffre en partie du syndrome John Carter, qui entame grandement sa potentielle modernité. Un sentiment particulièrement vivace lors du dernier acte, très artificiel dans sa volonté de clore les différents arcs narratifs, tout en pavant la voie d'une hypothétique trilogie.

 

Photo Scarlett JohanssonUne scène méga culte, qui passe pourtant assez mal la transposition

 

De même, on comprend rapidement que pour satisfaire le spectateur averti et simplifier le récit, le scénario choisit de gommer une grande part de ses questionnements métaphysiques, en mixant les intrigues du premier anime et de la seconde saison de la série. Un choix qui séduira sans doute les spectateurs en quête d’entertainment mainstream, mais frustrera terriblement ceux qui espéraient retrouver la portée philosophique inhérente à Ghost in the Shell. On est ainsi plus proche d’une relecture cyberpunk de Robocop que d’une réinterprétation des brillants travaux de Shirow et Oshii.

Au final, impossible de ne pas considérer avec indulgence ce Ghost in the Shell pour les nuls, qui ne méprise jamais son public et cherche à démocratiser ses aînés avec une réelle sincérité. Impossible également de ne pas regretter la disparition de ce qui faisait le sens, et donc la grâce, de cet entêtant fantôme.

 

Affiche

Résumé

Ghost in the Shell ne nous prend jamais pour des demeurés et s'efforce de respecter son modèle, quitte hélas à se transformer en écho affaibli et simpliste de l'oeuvre originale.

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commentaires
Flo
07/06/2023 à 21:10

Une petite exception de réussite, dans la catégorie des adaptations d’animés en action réelle – mais il s’agit surtout d’une variation, ne remplaçant en aucune façon l’original.
Choisir Rupert Sanders est peu risqué, l’homme sachant traduire le style japonais en images (mais sans le transcender au même niveau que Del Toro ou les Wachowski)…
Choisir Scarlett Johansson aussi, elle qui n’a cessé de jouer des femmes fatales, objetisées (en muse, sur un tableau, clone, alien, IA, surhumaine…) et cherchant à retrouver leur indépendance.
Mélange de scénarios, quelques copier-coller, réflexions courues sur ce qui définit l’âme au delà de son enveloppe corporelle, critique de du côté invasif des occidentaux (des jeunes libres perdent leur identité ethniques, mais Takeshi Kitano résistera en jouera toutes ses scènes en japonais)…
Mais ce qui compte le plus c’est l’ambiance de Polar, mature, écrasante, claire mais nuancée – tout sauf grisâtre et longuet.
Ça ne raconte rien de plus pour les initiés, mais ça le fait déjà très bien.

Pasdaccord
01/06/2023 à 11:25

Complétement d'accord avec votre critique

Morgane Lafée
01/06/2023 à 08:06

Quelle indulgence envers ce nanar !

La Classe Américaine
31/05/2023 à 19:50

Et bien la direction artistique est tout simplement a tomber. Et ceux qui ont réclamé et eu la tête de Scarlett Johansson parce qu'une femme blanche n'a pas le droit de jouer un personnage asiatique sont les memes qui militent pour que James Bond soit joué par un noir.

Neji .
22/05/2022 à 03:10

Ça aurait pu être encore bien pire mais pourtant ce film est une petite chianlie.
Pour moi le problème c'est Scarlett il fallait bien cette c******* pour financer cette daube.
C'est mou c'est lent impossible de recréer l'univers contemplatif et cyberpunk du manga.
Les scènes d'action sont molles.
La fin c'est à vomir le délire de retrouver sa mère.
Breff j'ai détesté je rêve qu'un jour on laisse le manga à l'animé ou au papier trouver des p****** de scénaristes qui sont capables de nous pondre des œuvres et non pas des copier-coller d'oeuvre cultissime de notre jeunesse ou de notre culture cyberpunk.
Le Real est un tacheron il n'a pas été foutu de mettre de l'âme dans ses visuels dans ces prises de vue dans sa photo le directeur photo d'ailleurs il y en a un ??!!
J'arrête là je vais devenir vulgaire.

Kyle Reese
20/05/2022 à 15:17

@John Spartan

Oui c'est bien une combi ! :)
J'aime bien l'affiche du dessus qui rend bien hommage à l'OAV, franchement Scarlett est vraiment très bien dans ce rôle.

Morcar
20/05/2022 à 09:53

Je n'avais pas lu la critique d'EL à l'époque, mais j'ai vu le film il y a un an environ lors d'une diffusion. Je redoutais une critique plus dure, bien que j'ai trouvé le film plutôt bon, personnellement. J'avoue que, n'ayant vu l'original qu'une seule fois à l'époque de sa sortie, j'aurais bien du mal à faire un travail de comparaison tant il ne me reste que des souvenirs lointains de l'animé. Mais j'ai trouvé le film plutôt bien fait, donc cette adaptation ne me paraissait pas mal du tout.
Mais j'imagine que les fans absolu, connaissant l'original sur le bout des doigts, trouveront sans doute beaucoup de choses à redire.

John Spartan
20/05/2022 à 07:05

Je ne me souviens que de la combi ultra moulante de Scarlett Johansson. (C'est bien une combinaison ?).

Mokuren
19/05/2022 à 20:11

Quelle indulgence pour ce nanar d'une laideur visuelle sans nom !

alulu
19/05/2022 à 20:06

Dans quelle étagère?

Les "ouai bof" ou "les dimanches pluvieux"

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