The Lost City of Z : critique pas Z du tout

Simon Riaux | 31 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 31 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

À l’aube du XXème siècle, Percival Harrison Fawcett entame une mission de cartographie en Bolivie. Il en reviendra persuadé que l’Amazonie abrite Z, énigmatique cité perdue bâtie par une antique civilisation disparue. Après les ruelles crasseuses de New York et les tourments de la petite pègre nord-américaine, James Gray nous embarque aux côtés d’un explorateur habité par une soif de découverte intarissable.

LA COLERE DE GRAY

Face à nous, une rivière puissante, où se reflètent les étoiles et une constellation de flambeaux. Perçant une jungle ténébreuse de leur éclat, ils illuminent les silhouettes immobiles d’une tribu inconnue, gardienne d’un ailleurs fantasmatique. C’est sur ce plan qui convoque autant des siècles de construction mythologique qu’une pure imagerie mystique, que s’ouvre The Lost City of Z, comme pour mieux planter dans l’esprit du spectateur la graine d’une obsession qui ne s’épanouira tout à fait que dans l’ultime (et bouleversante) image du film.

 

Photo Charlie Hunnman, The Lost City of ZL'Aventurier de l'âme perdue

 

Si sur le papier, le nouveau film de James Gray, qui aura connu une genèse, une production puis une distribution compliquée, en appelle aux grands classiques de l’exploration – Aguirre, la Colère de Dieu et son El Dorado maudit en tête – l’épopée proposée par le cinéaste s’avère fondamentalement différente. En premier lieu par ses thèmes, puisque Gray balaie d’un revers de caméra tous les stéréotypes de l’expédition maudite et ses rêves de gloires chimériques.

Ce qui saisit, c’est la modernité avec laquelle il s’inscrit dans cette quête aux atours faussement classiques. Son héros, Fawcett est un militaire, auxquels les honneurs de son rang sont refusés, la faute à un ancêtre dont la réputation a gravement entaché la lignée. Dès son introduction (une partie de chasse à cheval), le cinéaste dépoussière son moule historique pour y inclure un montage plein de hargne et de célérité. Car sous ses airs de nobliau ambitieux, Fawcett est en réalité un homme limité par ses origines, en quête d’un nouveau monde, synonyme de dépassement, de création, de réinvention.

 

Photo Charlie Hunnam, Tom HollandVous l'avez reconnu ?

 

RAGE AGAINST THE JUNGLE

C’est la raison pour laquelle le personnage de Charlie Hunnam se retrouvera naturellement dans les peuples que ses congénères considèrent comme des sauvages. Et c’est donc la raison pour laquelle James Gray scrute et capture le moindre de ses emportements avec une si dévorante passion. La mystérieuse cité de Z n’est pas un trésor quelconque marqué d’un X sur une vulgaire carte au trésor, c’est le Xanadu qu’il a choisi et poursuit sans relâche, où il pourra devenir maître en sa demeure, où il deviendra le père, la figure de transmission dont il a lui-même manqué.

On retrouvera là l’obsession de Gray pour les conflits intimes et la reconnaissance de ses pairs, une nouvelle fois au centre du dispositif narratif de Lost City of Z. Mais cette fois, la proposition est d’autant plus marquante qu’à travers les allers-retours de Fawcett, ses tentatives avortées, ses échecs, ses fulgurances et sa recherche absolue du dépassement, l’artiste nous parle en creux de son propre parcours, artisan remettant toujours son ouvrage sur le métier, malgré une critique et un public souvent frileux, voire injuste envers des œuvres dont on souligne la maîtrise comme un péché d’arrogance.

 

PhotoLa destination a-t-elle vraiment autant d'importance ?

 

Explorateur en quête de sens, Fawcett est aussi un argonaute de la perception, au gré des expérimentations du réalisateur sur le montage. Sans chercher à émietter artificiellement sa narration, Gray tente ainsi des raccords extrêmement audacieux, souvent ravageurs émotionnellement. Au beau milieu d’une confrontation avec une tribu belliqueuse, la pointe d’une flèche nous ramène soudain à l’épouse de l’aventurier. Et quand ce dernier s’aventure enfin avec son fils sur un sentier qui les mènera à la transcendance ou à la mort, le montage s’inspire des ruptures d’un 2001, l'Odyssée de l'espace pour nous plonger avec un bonheur métaphysique dans la naissance d’une famille.

Car au-delà des trahisons, des drames et de la portée tragique de cette grandiose fuite en avant, c’est bien la construction symbolique d’un foyer qui se joue sous nos yeux. En témoigne l’ultime plan du film, sorte de climax bouleversant de pudeur, où le récit, basculant quasiment dans le fantastique, opère au sein d’une même image la fusion de tous les thèmes qui ont traversé l’écran depuis l’ouverture du film.

 

Photo Robert PattinsonRobert Pattinson

 

LA FORET NOUS APPARTIENT

Alternant entre la vigueur de sa mise en scène, qui n’oublie jamais d’épouser l’ampleur du sujet, son montage audacieux et le festin visuel que concocte Darius Khondji à la photographie, James Gray parvient à livrer avec Lost City of Z une œuvre qui s’impose simultanément comme un travail de recherche terriblement excitant et un classique instantané. Car au-delà de sa dimension esthétique affolante de précision, de ses percées stylistiques régulières, le métrage narre à la perfection son grand récit d’aventure.

Cette dernière est d’ailleurs d’autant plus forte qu’elle demeure toujours imbriquée avec la chronique touchante d’une famille à la recherche d’un foyer, ce qui multiplie l’impact des enjeux et de scènes qui ne peuvent pas toujours esquiver certains stéréotypes. Et si nous avons droit aux traditionnels coups du sort (maladie, blessures, défections, attaques animales) leur écho avec la situation sociale des protagonistes et leurs ambitions leurs permettent de revêtir une puissance nouvelle.

 

 

Photo Charlie HunnamLe moins classique de tous les récits classiques

 

Ainsi, lorsqu’un Charlie Hunnam tout de flamme et de dévoration intérieure doit faire face à la décrépitude physique et à la veulerie d’un des membres de son expédition, c’est l’affrontement entre une aristocratie consanguine et un peuple affamé qui se noue.

Immense épopée, aventure intime et quête initiatique flirtant avec les frontières du fantastique, The Lost City of Z est une création dont l’intelligence, l’accomplissement plastique et la force du propos rappellent que son auteur est une des voix les plus singulières du Septième Art.

 

Affiche officielle française

Résumé

Lost City of Z est un classique instantané, stupéfiant d'intelligence et de beauté, une tragédie intime sur la transcendance et la quête de soi.

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Lecteurs

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commentaires
Vitou
03/02/2021 à 10:44

Le rôle principal est bien mené mais il n y a pas de détaille on attend plus des acteurs le retour de l acteur qui voit grandir sa famille mais sa propre vit de famille son retour et ses recherches aucun détail c est dommage le film n est pas assez fourni de détails à la fin on conclu nous même qu il fini dans la marmite dommage de bons, acteurs

Castor
01/02/2021 à 10:24

Rick-Ornichon : je préfère regarder la nuit nous appartient ou little odessa si ça te dérange pas. Merci quand même pour tes propositions , ce sont tes films préférés ?

Rick-Ornichon
01/02/2021 à 07:14

Les guignols en dessous, vous avez pas un Marvel ou un Fast & Furious à mater ???

Castor
01/02/2021 à 03:12

J'aime bien James Gray mais j'ai pas du tout accroché à ce film. Il y a un gros problème de casting ( Human est pas crédible en explorateur et Miller gâche tous les rôles dans lesquels elle apparaît) mais aussi une écriture foireuse et une mise en scène molle. Gray n'était pas le bon réalisateur pour ce sujet et plus ça va plus son cinéma devient lourdingue

Deny
01/02/2021 à 02:32

Déçu, c'est surcoté!

Okokok
01/02/2021 à 01:09

C’est juste l’histoire d’un con qui croyait qu’il y avait des cités d’or en Amazonie et qui s’est ...perdu .
Aucun intérêt .

Moijedis
01/02/2021 à 01:08

Un film terriblement ennuyant .
Aucun souffle épique . Des beaux décors ? WoW il y a natgeo pour ça .

Un film stupide , des indiens d’Amazonie enrobés.
Il suffit de voir à quoi ressembler ces fameux indiens dans des photos en noir en blanc .

Alxs
31/01/2021 à 21:10

Très déçu à la revoyure, je le trouve long, confus - à part une séquence finale sublime. Pour le coup Ad Astra m'apparait comme un film jumeau, beaucoup plus épuré voire sec et pourtant bouillonnant de l'intérieur. Je fais la fine bouche, par qu'au fond ça reste excellent.

Flash
31/01/2021 à 17:57

Un bon, voir très bon film à l'ancienne, mais je n'irai pas jusqu'à le qualifier de Cher d'oeuvre.

Constantine
31/01/2021 à 15:05

Chef d’œuvre

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