Patients : Critique qui prend son temps

Elsa Vasseur | 2 mars 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Elsa Vasseur | 2 mars 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En duo avec Mehdi Idir, le slameur Grand Corps Malade fait ses premiers pas de réalisateur avec Patients. Dans un récit largement inspiré de sa propre histoire, et librement adapté de son roman, le chanteur à la béquille et à la voix reconnaissables entre mille, entraîne le spectateur en parcours de rééducation.

CHRONIQUES DE LA VIE EN RÉÉDUCATION

Se laver, manger, pisser, marcher … La liste de tout ce que Ben (Pablo Pauly) ne peut plus faire seul, suite à un grave accident de plongeon, est encore longue. Dans le centre où le jeune homme entame sa rééducation, les heures sont longues. Heureusement, dans son malheur, Ben fait la connaissance de Farid, Toussaint, Steeve et Lamia… tous para ou tétra comme lui.

Le parti-pris de réalisation, qui décide de filmer tout à hauteur de patients, permet d’immerger le spectateur dans le quotidien de Ben et de ses acolytes. Un choix de mise en scène intelligent et sensé, mais qui peut donner par moments le sentiment d’une prise en otage émotionnelle, ne laissant d’autre choix au spectateur que celui d’adhérer au récit. 

Tout ou presque est vu à travers les yeux de nos jeunes patients, des programmes de télé-achat qui tournent en boucle sur le poste de télé, aux animations débiles proposées par l’hôpital. Le spectateur vit sa rééducation, pas à pas, avec Ben, heureux comme lui de ses progrès, découragé comme lui face à la montagne qu’il lui reste à gravir.

 

Photo Pablo Pauly

 

QUI AIME BIEN...

Au manque de recul de la caméra sur les personnages qu’elle filme, répond le second degré permanent des personnages sur eux-mêmes. Il fallait bien l’humour ravageur des patients qui se vannent sans concession pour humaniser cet univers terrifiant. Le ton résolument caustique avec lequel est conduit le récit amène le spectateur à rire sur un sujet qui aurait plutôt tendance à le faire grincer des dents.

Le film vaut avant tout par l’énergie communicative de ses jeunes interprètes, Pablo Pauly en tête, et la qualité des dialogues, qui sonnent justes. Le personnel médical n’est pas en reste, avec le très beau personnage de kiné interprété par Yannick Rénier, mais aussi l’aide-soignant insupportable (Alban Ivanov) qui parle à la troisième personne, et l’infirmière aussi dévouée que maladroite (Anne Benoit).

Mais malgré les choix judicieux de casting, et la sincérité dans l’écriture, l’avalanche continue de vannes peut lasser, donnant à la chronique hospitalière des accents de comédie de stand up.

 

Photo Franck Falise, Moussa Mansaly, Pablo Pauly, Soufiane Guerrab

 

REPENSER LE HANDICAP

Le film fatigue également par certaines longueurs, paradoxalement nécessaires, puisqu’elles donnent à éprouver l’ennui au cœur de la dialectique du film. Les patients comptent les jours en heures qu’ils ont réussi « à niquer », dans une existence où la temporalité est très différente de la vie réelle, où tout dure beaucoup plus longtemps, chaque acte quotidien constituant un petit événement en soi.

On peut néanmoins considérer le pari du film réussi, puisque, lorsque Patients s’achève, on se retrouve avec l’envie de voir la suite, et de suivre l’insertion du personnage de Ben dans le monde du dehors. Et quand on sort du cinéma, qu’on prend le métro pour rentrer chez soi et qu’on se dit que décidément, la ville n’est vraiment pas adaptée aux fauteuils, on réalise que Patients, malgré ses maladresses, a quand même réussi son coup.

 

Photo Nailia Harzoune, Pablo Pauly

Résumé

Un premier film charmant et bourré de défauts, qui emporte le morceau grâce à la sincérité du ton et l’énergie de ses interprètes. 

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commentaires
Tianjun
02/03/2017 à 13:48

"[...] donnant à la chronique hospitalière des accents de comédie de stand up."
-> Du "stand-up" avec des tétraplégiques... vous l'avez faite exprès celle-là ?

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