20th Century Women : Critique seventies
Révélé par Âge difficile obscur en 2005, très remarqué avec Beginners en 2010, qui a permis à Christopher Plummer de décrocher l'Oscar du meilleur second rôle masculin, Mike Mills trace discrètement sa route sur la scène indé du cinéma américain. Dans 20th Century Women, nommé à l'Oscar du meilleur scénario, il raconte son adolescence et surtout sa mère, sous le soleil californien des années 70.
CALIFORNIA DREAMIN'
Dès le premier plan aérien sur les vagues du Pacifique, bercées par la musique de Roger Neill, 20th Century Women transporte. Une autre époque, une autre vie, une autre Amérique : celle de la fin des années 70, où un gamin du nom de Jamie, timidement arrivé aux portes de l'adolescence, tente de se construire sous le regard de sa mère Dorothea (Annette Bening). Consciente de ses limites, cette femme haute en couleurs va demander à une adolescente mélancolique (Elle Fanning) et une artiste névrosée (Greta Gerwig) de l'aider à forger le futur homme que sera son fils, en lui ouvrant un maximum de perspectives sur la vie.
Sur le papier, celui qui tremble à la moindre mention de Sundance et ses feel good movies grincera des dents. Il pourra vite détendre ses machoires : 20th Century Women n'est pas obsédé par le désir de divertir et amuser les foules pour leur offrir un shoot de carpe diem digne d'une mauvaise publicité. Le troisième film de Mike Mills est plus fin, plus étrange, et même s'il souffre de faiblesses narratives, il laisse une étonnante impression.
AMERICAN BEAUTY
Bien sûr, 20th Century Women a tous les atouts du film indé américain typique : il y est question d'une famille moderne qui ne ressemble à aucune autre, avec une mère (inspirée par celle de Mike Mills) qui s'est affranchie des règles pour élever son fils en marge des codes, autour d'un idéal qui sera tôt ou tard brisé par la réalité. L'histoire commence justement au moment où cette bulle idéaliste éclate : une voiture brûle, et avec elle le symbole d'une enfance et d'une période révolue. La sexualité chasse l'enfance, et l'innocence se dissipe.
C'est parce qu'un nuage noir place sur cette fausse parenthèse enchantée, que 20th Century Women possède une force véritable et particulièrement touchante. La voix off, qui livre des indices sur la fin de l'histoire, rappelle que ce manège sera réduit en poussière par le temps. Derrière l'apparente légèreté, les rires et les sourires, il y a la brutalité de la vie et l'inexorabilité des choses. Mike Mills travaille ainsi contre l'exercice du feel good movie pour apporter une tonalité sombre, et surtout une vraie mélancolie qui nuance les scènettes décalées.
AMERICAN WOMEN
Cette coming of age story est placée sous le signe d'une pas très sainte trinité féminine, qui illumine tout le film. Si l'excellence d'Annette Bening et Greta Gerwig ne surprend plus, notamment parce que les rôles sont taillés à leur mesure, c'est Elle Fanning qui impressionne. Entre la folie pathétique de Live by Night et la beauté carnassière de Neon Demon, l'actrice de 18 ans rappelle que sauf accident de parcours, elle sera l'une des grandes actrices des prochaines décennies. Entre la blondeur de l'innocence et la moue sensuelle, elle apporte une dimension fascinante à cette Julie.
C'est autour de ce trio féminin que 20th Century Women construit son coeur doux, tendre et tragique. Mike Mills s'est inspiré de sa propre enfance, et ce n'est pas anodin s'il donne à cet adolescent (lui-même donc) une place si réduite, si discrète, tout comme à l'autre homme du film interprété par Billy Crudup. L'homme et le cinéaste sont derrières ces femmes, dans l'ombre de ces héroïnes malades et tordues, imparfaites mais parfaitement touchantes.
C'est grâce à ce trio que le troisième film de Mike Mills tourne malgré d'évidentes faiblesses narratives. En près de deux heures, le réalisateur a tendance à s'éparpiller, à perdre de vue le sens dans des péripéties et scènes inégales, notamment parce qu'il balaye de nombreux sujets. Le film brille par sa musique, ses interprètes, des scènes-clés et des effets de style (le kaléidoscope sur la voiture, l'utilisation des archives), mais ne maintient pas cet équilibre sur la durée. 20th Century Women laisse donc un arrière-goût mitigé, et un souvenir plus attaché à de très beaux moments (des répliques percutantes, des silences magnifiques) qu'à l'ensemble.
Lecteurs
(4.0)