31 : Critique tronçonnée

Simon Riaux | 27 septembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 27 septembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Financé via le crowfunding, 31 de Rob Zombie est le dernier cauchemar né de l’esprit derrière The Devil’s Rejects. Nanti d’un pitch simplissime en forme de retour aux sources, le réalisateur va-t-il se réconcilier avec le public qu’il a perdu depuis ses remakes d’Halloween et ses Lords of Salem en forme de happening ?

 

Cheap Thrills

Les allergiques à l’abattoir carnavalesque perpétuellement réinventé par Rob Zombie feraient bien de ne pas s’approcher trop près de ce 31. Car le musicien et cinéaste, dont on pouvait penser sur le papier que le nouveau projet retrouverait les rails plus classiques d’un cinéma de genre balisé, s’est trouvé un nouveau terrain de jeu qu’il utilise finalement pour pousser plus loin ses expérimentations et sa déstructuration du cinéma d’exploitation.

La liberté et le lien direct avec les spectateurs-producteurs qu’autorise le financement participatif ne font pas que du bien à 31. Tout d’abord parce que désormais en roue libre, Zombie parait avoir peaufiné avec moins de soin certains éléments de son script, à commencer par les dialogues, qui peinent à tenir un ton cohérent sur l’ensemble du récit. Il en va de même pour sa mise en scène et sa scénographie, tantôt d'une belle précision, tantôt conçues avec un je-m'en-foutisme évident.

 

Rob Zombie

 

Bénéficiant de plus de pouvoir, mais d’un budget moindre, le cinéaste ne parvient pas toujours à dissimuler efficacement la modestie de son budget, enchaînant les décors industriels anonymes et autres couloirs enfumés. Une pauvreté qui tranche cruellement avec les séquences dotées d’une véritable direction artistique, toutes impressionnantes, malgré les astuces de montages et autres shaky cam abusives, usés comme autant de cache-misère.

Enfin, Zombie achèvera probablement de perdre le public le plus attaché à la structure classique du cinéma d’horreur, tant il fait peu de cas des articulations de son récit. Gestion de l’espace, ellipses et autres mécaniques basiques du cinéma sont souvent traitées par-dessus la jambe, quand le metteur en scène ne les évacue pas purement et simplement.

 

trailer

 

 

« In Hell, everybody loves Popcorn. »

Mais l’intérêt du cinéma du grand méchant Rob se trouve ailleurs. Il se situe dans l’absolue singularité des univers qu’il déploie, à l’heure où le cinéma fantastique américain resserre tristement son imaginaire autour de totems jeunistes mongoloïdes et d’incantations catholiques qui empestent le vin de messe frelaté.

Amoral, gratuit, intégralement conçu « pour la beauté du geste », 31 ne vise pas tant à faire peur qu’à nous plonger dans une centrifugeuse dardée de lames rouillées. A force de scénettes bancales mais délirantes, le métrage exerce une fascination comme seule une œuvre qui aligne gentiment un nain nazi serial killer, des clowns tronçonneurs et un pompiste lubrique peut en générer.

 

trailer

 

Incarnée par sa traditionnelle troupe de saltimbanques (la sculpturale Sheri Moon Zombie, le roublard Malcolm McDowell, le mélancolique Jeff Daniel Phillips ou l’impériale Meg Foster), la galerie de personnages qui se déploie ici rappelle que le réalisateur est un de ceux qui manie avec autant d’habileté que Tarantino l’exercice délicat du stéréotype. Se retrouve sous nos yeux un gang qui tient autant des talents fracassés d'un Pippo Delbono que d'une troupe de Boulevard que de la réunion arty telle que la pratique un Wes Anderson.

 

« I ain't no fucking clown »

Si les séquences de 31 ne s’enchaînent pas toujours avec la fluidité espérée, elles permettent à l’œuvre de nous offrir un véritable catalogue des univers mentaux de Zombie, ainsi que de ses influences. De Massacre à la Tronçonneuse en passant par la Nazisploitation, l’artiste joue de ce coffre à jouet tâché d’hémoglobine avec une jubilation contagieuse.

Excitation qui culmine lors du dernier tiers du film, lorsque le réalisateur organise la confrontation entre deux entités majeures de son cinéma, le freak ultime (incarné par le terrifiant Richard Brake) et sa Muse de toujours. L’occasion d’un ultime pied de nez, mais aussi d’une nouvelle profession de foi du côté des marginaux, les laissés pour compte d’un rêve américain dont l’orgie de violence païenne et décomplexée semble le dernier horizon.

 

sheri moon zombie

Résumé

Trop déstructuré et répétitif pour rameuter les déçus du réalisateur, 31 contient suffisamment de morceaux de bravoure carnavalesque pour appâter ses fans de toujours.

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commentaires
Trashyboy
06/10/2016 à 14:53

Quand les gens comprendront enfin que ce gars est tout sauf un réalisateur...

west666
28/09/2016 à 13:26

Pas mal de deception je pense mais c'est pas mal on va dire que on attendait mieux surtout

champy
28/09/2016 à 10:50

En tout cas ravi de voir que le Joker de Ledger et Nolan ait autant inspiré le Zombie ...

Satan Lateube
28/09/2016 à 09:46

Mouais, vu, je n'en retiens que la caméra qui bouge dans tous les sens et on ne voit plus grand chose, cette "mode" devient pénible.

La Rédaction - Rédaction
27/09/2016 à 20:25

@Ssird
Il n'y pas de rafraichissement automatique des pages. En tout cas pas à notre connaissance.

moi-même
27/09/2016 à 19:34

Ssird tu serais pas sur Edge par hasard ?

Ssird
27/09/2016 à 18:49

Mais bordel le rafraichissement automatique des pages, vous voulez vraiment faire fuir votre lectorat ou quoi????

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