Tigre et Dragon 2 : la critique affûtée

Christophe Foltzer | 18 avril 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 18 avril 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En 2000 était sorti Tigre et Dragon d'Ang Lee et dire que le film avait connu un grand succès est un euphémisme. En pleine vague Matrix et films de Hong-Kong, il constituait la première réussite en matière de wu-xia-piang occidentalisé pour plaire au plus grand nombre. Mais le temps a passé et il n'est pas dit que sa suite réussisse le même exploit.

Un Tigre et Dragon 2 a pourtant été dans les cartons d'Hollywood dès le succès du premier film avant de tomber dans un classique development-hell. Il faut dire aussi que l'historie du film original se suffisait à elle-même et qu'il n'était pas obligé d'en raconter plus. Nous n'avons donc pas pu cacher notre surprise il y a quelques mois lorsque l'annonce du tournage de Tigre et Dragon 2 a été officialisée. Et la surprise a laissé place à la stupeur lorsque nous avons appris que le film serait une exclusivité Netflix. Un choix des plus courageux pour une franchise un peu tombée dans l'oubli aujourd'hui.

Et dès le départ, Tigre et Dragon 2 fait le lien avec son ainé et pose sa thématique : 18 ans après les évènements du premier film, Shu Lien est toujours inconsolable de la mort de son bienaimé Li Mu Baï et vit retirée dans sa propriété. Pour honorer la mémoire de son père adoptif, le seigneur Peï, elle sort de sa retraite et découvre que la légendaire épée Destinée de son amour perdu est l'objet des convoitises du terrible Seigneur Daï. Les choses prennent une toute autre tournure lorsque Loup Solitaire, l'ami de Li Mu Bai promis en son temps à Shu Lien, refait surface et semble bien moins mort que ce que l'on pensait.

Photo Tigre et Dragon 2

LI MU BAILLE

En partant de de ce postulat plutôt simple, on s'attendait à une fresque épique débordant d'honneur, de prouesses martiales et de questionnements philosophiques sur l'engagement de chacun vis à vis de ses sentiments et de son devoir. Et d'une certaine manière, c'est ce que nous avons. Malheureusement, le film se vautre dès les premières minutes dans une ribambelle de sous-intrigues qui parasitent et ralentissent sa thématique principale. Qu'il s'agisse des compagnons d'arme de Loup Solitaire, du passé de Vase de Neige ou encore de la redécouverte de l'amour par Shu Lien, Tigre et Dragon 2 patine sévèrement dans le drama lourd et inutile. Et, fatalement, son rythme en est gravement impacté.

Alors oui, le film réserve son quota de bastons impressionnantes, mais elles se font rares lors d'un deuxième acte particulièrement laborieux qui annihile toute tension dramatique et éparpille les enjeux aux quatre vents, ne laissant plus qu'une baisse de régime et un ennui profond. Pire encore, des multiples égarements ternissent énormément le charisme des personnages emblématiques de la saga. S'il n'est qu'évoqué, Li Mu Baï imprègne tout le récit de son ombre et s'en trouve affaibli à mesure que Shu Lien et Loup Solitaire se rapprochent dans une romance extrêmement maladroite qui emprunte de gros raccourcis. Autre problème, le Seigneur Daï, présenté comme le grand méchant de l'histoire, ne fait pas grand chose au final et on a du mal à croire que ce guerrier puisse être une telle menace. D'autant que son existence même révèle un trou béant dans la cohésion de l'univers : s'il est là depuis si longtemps et qu'il a eu autant d'impact sur la vie des personnages, pourquoi n'a-t-il jamais été évoqué par le passé ?

Photo 2 Tigre et Dragon 2

UN FILM AVEC DES CAPES ET PUIS DES EPEES

Mais que l'on se rassure, Tigre et Dragon 2 réserve son quota de scènes d'actions qui rappellent les bon vieux films HK d'antan. Si l'on critiquera la faible qualité des effets spéciaux et des matte-paintings digitaux (la majeure partie de l'histoire semble se dérouler sur fond vert), Yuen Woo Ping prouve une nouvelle fois que les années n'enlèvent rien à son talent de chorégraphe et le film nous délivre une ou deux scènes d'anthologie (la baston sur le lac gelé notamment). Rien cependant qui n'arrive à la cheville de l'extraordinaire séquence dans la forêt de bambous du premier ceci dit. L'accent a été mis sur le côté sensible et émotionnel des combats et s'il n'est pas du calibre d'un The Grandmaster par exemple (le modèle du genre), force est de constater que la poésie des arts martiaux et la sensualité des combats sont bien présentes et réservent quelques jolis moments.L'autre problème étant que là où Tigre et Dragon utilisait les prouesses extraordinaires de ses personnages comme des extensions philosophiques de leurs rapports à l'existence, ce nouvel opus franchit clairement le pas du fantastique, avec des personnages qui se téléportent, des visions, tout ça, tout ça... Et malheureusement, ce faisant, il perd de son impact et de son sens pour ressembler à une réactualisation de Stormriders à certains moments.

Photo Tigre et Dragon

La distribution est quant à elle exemplaire. Michelle Yeoh retrouve la gravité de son personnage, Donnie Yen illumine chaque plan où il apparait et il n'est pas une seconde sans que l'on espère que le film se concentre uniquement sur lui et laisse tomber les autres tant il crève l'écran. Les petits nouveaux, bien qu'effacés par le charisme des deux stars, ne sont pas en reste. Seul Jason Scott Lee fait un peu tâche, peu aidé il est vrai par un rôle particulièrement stupide de méchant qui fait les gros yeux pour montrer qu'il est dangereux.

Au final, Tigre et Dragon 2 pêche par sa trop grosse ambition, un récit mal maitrisé et des sous-intrigues indigestes qui fatalement ne peuvent se conclure de la meilleure manière. il n'y a qu'à voir le final expéditif pour s'en convaincre, final qui d'ailleurs laisse entrevoir un possible troisième film dont on se passera bien s'il est fait dans les mêmes conditions.

Résumé

Bordélique et trop ambitieux, Tigre et Dragon 2 se prend violemment les pieds dans le tapis. Reste de belles séquences de combats, alourdies par un scénario stupide et fouilli qui mange à tous les râteliers. Dommage.

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commentaires
Christophe Foltzer - Rédaction
18/04/2016 à 19:52

Quand je parle de The Grandmaster, je fais référence principalement à la manière sensuelle et quasiment charnelle dont sont mis en scène les combats qui, selon moi, se posent en référence dans ce domaine, bien que King Hu ait une grande importance et soit une très grosse influence de Wong Kar Wai pour le coup. Mais tout cela est très subjectif évidemment.

drocmerej
18/04/2016 à 18:13

@diez Ah oui désolé ce doit être un erreur de frappe, j'étais allé vérifier avant d'affirmer qu'il y avait une faute ...
La comparaison avec Django Unchained est tout à fait pertinente.

Armand LH
18/04/2016 à 17:56

Bah moi j avais pas aimé le premier, qui fut une révélation uniquement pour ceux qui n'avaient rien vu d'existant (on va dire Green Snake au hasard). Je pense que le plus dommage c est que le film ait été tourné en anglais et pas en mandarin. Mais ça fait plaisir de vor Donnie Yen dans un film épique pas niaiseux comme Kung Fu Killer ou pire The Iceman (qui était bien moisied). Sinon la note reflète bien le film.

diez
18/04/2016 à 16:06

En effet, The grandmaster c'est un peu le Django Unchained du genre Wu xia pian. Loin d'être le modéle du genre.

C'est Wu xia pian en fait. ;)

drocmerej
18/04/2016 à 14:13

Merci pour cette critique.

Vous auriez quand même pu être plus explicite sur le fait que que cet épisode est réalisé par le chorégraphe du premier épisode..
Quant à dire que the Grand Master est le modèle du genre cela est très discutable tant d'un point de vue qualitatif qu'historique. Sorti en 2013, il est plutôt un hommage au genre. Il aurait mieux fallu citer un film de l'age d'Or du genre comme "l'Hirondelle d'Or" ou "A touch of Zen" de King Hu.
De même je vois mal ce que vous entendez par "vague Matrix et films de Hong-Kong" au débuts des années 2000. C'était même plutôt le pic de la crise (le nombre de film produit à HK ayant été divisé par deux en 10 ans par exemple).
Au fait en français l'orthographe admise est xu xia pian !!! Merci.

Rahan les tape
18/04/2016 à 13:44

"UN FILM AVEC DES CAPES ET PUIS DES EPEES", aaah 2000, les Robin au sommet, c'était le bon temps...tiens je vais me refaire les dvd;)

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