Night Fare : La critique qui ne paye pas la note

Christophe Foltzer | 13 janvier 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 13 janvier 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Il faut remonter à Scorpion en 2007, pour retrouver une film de Julien Séri dans une salle de cinéma. Une longue absence qui en dit long sur l'état du cinéma français actuel. Mais le voilà de retour, et il est plutôt énervé le bonhomme.

Financé hors du système classique grâce aux frondeurs de Daïgoro Films (dont Pascal Sid, réalisateur de Derrière les murs) et pas mal de fans ayant personnellement investis dans le film, Night Fare attirera d'emblée la sympathie du spectateur à l'heure où les grosses comédies franchouillardes minables se taillent la part du lion. Un challenger de poids qui refuse de négocier et de sacrifier la moindre de ses visions pour plaire au plus grand nombre. Une radicalité propre aux films de genre qui est, au final, à la fois son meilleur allié et son plus grand ennemi.

Nous ne nous étendrons pas sur l'histoire, afin de vous laisser la surprise, mais attendez-vous à vous faire balader en beauté. Disons simplement ceci : deux amis se retrouvent après une longue séparation. L'un étant en couple avec l'ex de l'autre, les retrouvailles ne sont pas franchement au beau fixe. Après avoir refusé de payer leur course en taxi, les amis se retrouvent poursuivis par le conducteur, le mystérieux Driver, qui semble bien décidé à les faire s'acquitter de leur dette au centuple.

Photo Night Fare

Tout de suite, ce qui impressionne dans le film, c'est la qualité de la mise en scène de son fameux Driver. Séri l'aime manifestement beaucoup et tient à nous communiquer sa passion du personnage en lui réservant les plans les plus léchés, les plus icôniques. Filmé comme un super-héros, une force de la nature macabre, le terrible chauffeur impressionne et remplit tout à fait son contrat. Accompagné d'une composition électro envoûtante d'Alex Cortes, Night Fare paye son tribut à tout un pan du cinéma d'exploitation, Drive en tête, mais aussi Duel et Les Dents de la Mer. Et de ce point de vue, le film est une éclatante réussite.

Oui, le scénario n'est pas très profond ni original pour deux sous, oui, le casting est assez inégal, mais ce n'est pas le plus important. Avec Night Fare, Julien Séri nous offre un bon gros ride gorgé d'adrénaline et de violence outrancière comme on en voit trop rarement dans le cinéma français. Une approche décomplexée et assumée, un vrai plaisir de sale gosse.

Photo affiche Night Fare

Le problème se situe dans le fond du film, notamment dans sa dernière partie que nous ne dévoilerons pas. Sujette à de multiples interprétations, elle mérite cependant de n'être prise que pour ce qu'elle est, un twist qui s'inscrit dans un genre. Malheureusement, les récents évènements qu'a connu notre pays le teinte d'une couleur étrange, dérangeante et il convient de l'aborder avec la plus grande des précautions. Non pas que Séri s'embourbe dans un discours nauséabond, mais le recul n'étant pas encore suffisant, sa dernière partie s'avère problématique et plombe quelque peu notre jugement du film.

Quoi qu'il en soit, Night Fare mérite d'être défendu au-delà de son propos final pour le challenge qu'il représente. A l'heure où le cinéma de genre tire vraiment la tronche en France, où tout ce qui diverge du discours officiel est impitoyablement écarté de la place publique, il faut soutenir Night Fare pour ce qu'il est à la base : un gros film comic-book, sympathique et nanti d'un personnage charismatique et qui, à l'instar de Un Français et Made in France, se heurte à la frilosité de nos distributeurs puisque le film ne bénéficie que d'un parc honteux de 32 salles à travers le pays, dont une seule à Paris (au Publicis). Au-delà du propos polémique du film, on a surtout l'impression que le petit monde égotique du cinéma français ne pardonne pas à Séri de faire cavalier seul pour réaliser son rêve et le punit de façon impitoyable. Et rien que pour ça, on a envie de l'aimer et de pousser son travail.

Résumé

Série B soignée et parfois jubilatoire, Night Fare mérite d'être apprécié pour ce qu'il est et le défi qu'il représente, en dépit de ses réelles imperfections ou de son fond très discutable.

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commentaires
Julien Seri
21/01/2018 à 19:09

Extrêmement discutable donc.. Plus que punisher ? Batman ? Un justicier dans la ville ?
Et autres films de justiciers ?

Simon Riaux
13/01/2016 à 13:42

On ne reproche absolument pas au film d'avoir un twist... Au contraire.

Et on peut trouver l'idéologie servie par le film extrêmement discutable sans être "coupé de ses couilles".
Du reste, vous remarquerez que ce texte n'est pas écrit par quelqu'un qui cherche à attaquer ou descendre le film par principe, ou politiquement, plutôt à mettre en avant ses qualités, malgré ses nombreux défauts.

Dirty Harry
13/01/2016 à 12:51

Et bien ce qui vous fait vous contorsionner moi j'ai adoré : on aurait pu s'attendre à un bête cross-over entre Duel et Haute Tension, or Julien Séri retourne cette idée de menace dans le dernier quart comme étant autre chose et bien je trouve ça très bien. D'autant plus que c'est parce que l'on vit un monde chaotique que cette proposition est bienvenue même si elle se fait "mal voir" par une intelligentsia coupée de ses couilles....

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