El Club : Critique au plus haut des cieux

Simon Riaux | 18 novembre 2015
Simon Riaux | 18 novembre 2015

Chez Pablo Larrain, l’homme est souvent veule, parfois vil, toujours enchevêtré dans les racines de ses vicissitudes. Dans Tony Manero et Santiago 73, il confrontait ses anti-héros au régime de Pinochet. C’est ici un groupe de prêtres « déviants » qu’il met face à l’Eglise et sa justice bien particulière.

Le père Garcia est dépêché dans une petite ville côtière, où ont été placés plusieurs prêtres par leur hiérarchie, retranchés dans une petite bicoque. La mort d’un des pensionnaires provoque la venue de Garcia, chargé d’enquêter et d’enquêter sur ces ecclésiastes mis à l’index. On n’en dévoilera pas plus. Non pas que El Club joue sur le suspense à proprement parler, mais le lent dévoilement des troubles et péchés qui habitent ses protagonistes est indissociable de sa construction et de la force qui se dégage du film de Larrain.

Décrire ce récit comme étouffant tient de la litote polie. El Club est un exercice d’asphyxie terrible, un brûlot impitoyable contre l’institution qu’il attaque, d’autant plus impressionnant qu’il ne se transforme jamais en pamphlet et prend garde à ne jamais verser dans l’attaque aveugle. Rendant compte de la perméabilité des hommes au mal, de notre porosité face à la médiocrité, aux ténèbres et à ce que le cœur de nos semblables contient de plus terrible, le metteur en scène orchestre un affrontement intérieur, rentré, celui d’un homme présenté comme le tenant de la foi et de la rigueur, face à de supposés « moutons noirs ».

Et si la photographie ouatée du film, son découpage claustrophobique, laissent peu de place à l’ambiguité quant à la culpabilité des membres de ce sinistre Club, Larrain déploie un arsenal discret mais remarquablement intelligent pour nous montrer comment son personnage principal est progressivement infecté par le mal qu’il vient combattre. C’est que l’Eglise dont il est l’ambassadeur est tout sauf vertueuse, se révélant adepte du secret, de l’intrigue, jusque dans sa façon de châtier ceux qui en trahissent les idéaux.

Le scénario jouit d’un même soin, cisèle ses répliques, comme pour mieux nous rappeler que si au commencement était le Verbe, ce dernier, dans la bouche des hommes, peut être aisément perverti. Ainsi n’y a-t-il pas d’échappatoire au purgatoire d’El Club. Et si le film n’a finalement pas grand-chose de plus à dire qu’un rageur « tous pourris » (parfois très lourdement souligné par une bande-originale qui en fait des caisses), il déroule sa vision critique avec une maîtrise aussi indiscutable qu’artistiquement accomplie.

Résumé

Dur, austère et vénéneux, El Club est un remarquable réquisitoire.

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