À peine j'ouvre les yeux : La critique libérée

Chris Huby | 10 octobre 2015
Chris Huby | 10 octobre 2015

Tunis, été 2010, quelques mois avant la Révolution. Farah, 18 ans, passe son bac et sa famille l’imagine déjà médecin. Mais elle, ne rêve que d’amour et de chansons dans une Tunisie encore sous le joug de Ben Ali.

Après deux courts métrages qui ont reçus des prix dans de nombreux festivals, Le premier long métrage de Leyla Bouzid sort enfin sur les écrans. La réalisatrice choisit de revenir sur la période de pré-Révolution, encore sous le mandat du Président Ben Ali, pour en disséquer l’ambiance et démontrer que le pays avait besoin de se libérer de ses arcanes totalitaires.

L’héroïne, interprétée par la révélation de la jeune Baya Medhaffer, navigue entre une volonté adolescente et les réprimandes de sa mère qui connait bien le pays et qui a déjà subi beaucoup de choses par le passé. Cette dernière, femme séparée, surveillée et connue des Mukhabarat, tente de protéger sa fille quitte à lui interdire de vivre sa jeunesse. Le conflit n’en sera que plus ouvert entre les deux.

Ce prétexte de départ met en lumière l’envie d’une jeunesse qui ne cherche qu’à se libérer d’une emprise politique ancestrale, entre des parents morts de peur et une police répressive présente à tous les coins de rue. Les Mukhabarat infestaient effectivement encore nombre de groupuscules libertaires, notamment les artistes à messages, comme ici avec des musiciens poétiques. Le personnage principal est à ce titre une jeune chanteuse naïve et idéaliste, sensuelle et en marge de sa famille. Elle représente cette génération qui fera la Révolution de jasmin quelques mois plus tard.

La réalisatrice choisit ainsi de se focaliser sur cette jeune femme qui découvre l’amour, le sexe et la politique au même moment. La mise en image, chaleureuse et sensuelle, est dynamique, proche de ses personnages. On ressent la chaleur et les peaux, et surtout les interdits, qu’ils soient extérieurs ou personnels, marque d’un temps où tout était brutalement surveillé.

Ce film marque d’une pierre blanche le nouveau cinéma tunisien qui peut enfin raconter les années misérables de Ben Ali. Derrière la vitrine ensoleillée de ce petit pays du Maghreb, régnait une dictature policière à tous les étages. L’œuvre tente de démontrer qu’un Etat peut briser une personnalité aussi riche et magnifique que celle de l’héroïne, symbole d’une liberté toujours à construire.

Résumé

Le film est une vraie réussite, débordant de sensualité. Il porte en lui les envies de liberté propre à chacun. A voir absolument.          

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