La tierra y la sombra : La critique à l'ombre

Christophe Foltzer | 9 octobre 2015
Christophe Foltzer | 9 octobre 2015

Alfonso est un vieux paysan qui revient au pays pour se porter au chevet de son fils malade. Il retrouve sans ancienne maison où vivent encore celle qui fut sa femme, sa belle-fille et son petit-fils. Mais l'endroit a bien changé. Les arbres ont laissé leur place à la canne à sucre et les champs sont en feu, recouvrant la propriété de leurs cendres.

Le premier plan donne d'emblée le ton : Alfonso, valise en main, longe un champ de canne à sucre sur une route déserte avant qu'un camion ne le dépasse en soulevant un immense nuage de poussière. Nous ne sommes pas là pour rigoler et les minutes qui suivent le confirmeront immédiatement, c'est à une histoire de douleur, de perte, de regrets et de changement que nous avons affaire.

Tout au long de son métrage, César Augusto Acevedo ne déviera pas de cette note d'intention. Proposant majoritairement des plans statiques magnifiquement mis en lumière, il offre au spectateur un cadre que nous n'avons pas beaucoup vu au cinéma, la campagne colombienne dans toute sa pauvreté et son difficile combat pour la survie. Autant histoire d'une famille qui se réunit alors qu'elle perd l'un des siens que discours très engagé et revendicateur contre l'exploitation des paysans et la misère sociale, le film ne se transforme pourtant jamais en pensum, ne perdant pas de vue son sujet principal, l'humain.

Et, sur ce plan, le film remplit parfaitement son contrat. Il faut reconnaitre au metteur en scène une habileté exemplaire dans l'utilisation de son décor en tant que symbole de ses personnages et voir les champs de canne à sucre dévorés par les flammes et la cendre qui recouvre tout ne laisse pas de marbre. C'est un film profondément mélancolique et désenchanté qui nous est proposé ici et l'intention de son personnage principal de recoller les morceaux d'une famille qu'il a lui-même éclaté des années plus tôt émeut assurément.

Malheureusement, si sur le plan formel et dans son fond, le film est exemplaire, il pêche par un manque de rythme assez handicapant. Car en enchainant les séquences contemplatives et très lentes, La Tierra y la Sombra perd son spectateur en cours de route en se regardant un peu trop filmer. Si l'histoire, certes très classique mais racontée avec beaucoup de justesse et de sensibilité, remporte l'adhésion, son issue prévisible aurait gagné en impact en impliquant d'avantage son spectateur d'un point de vue strictement émotionnel.

Là, il ne peut que regarder passivement l'intrigue se dérouler sous ses yeux et profiter des jolis tableaux qui lui sont offerts, malgré une photographie sublime, une mise en scène solide et un casting excellent du début à la fin.

Résumé

Qu'on ne s'y trompe pas, La Tierra y la Sombra est un bon film qui raconte beaucoup de choses sur un peuple, un pays et une situation économico-sociale qui ne sont pas si éloignés de nos propres préoccupations actuelles. Mais en choisissant l'approche contemplative, son réalisateur dilue l'intensité de son propos et laisse le spectateur sur sa faim. Et c'est un peu dommage.

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