Jauja Critique
Si vous aimez les cailloux, le dépaysement et Viggo Mortensen, alors Jauja est fait pour vous. Plus sérieusement, le nouveau film de Lisandro Alonso est de ceux qui clivent le public avant même leur visionnage, de par leur nature contemplative et à priori aride. Pour autant, on aurait tort de ne voir dans cette errance qu’un énième pensum abstrait.
Certes Jauja risque de déplaire intensément à tous les tenants d’un cinéma éminemment narratif et aux amateurs de structure claire et maîtrisée. Il faut dire que le film ne fait pas grand chose pour être aimé d’un public qui ne serait pas préalablement acquis à sa cause. On serait même tentés de dire qu’il multiplie abusivement les aller-retour et étire très inutilement son récit, comme pour mieux endurer le spectateur. À trop nous inviter à chercher le sens du vagabondage de son héros, Alonso oublie parfois que son rôle de metteur en scène est aussi de proposer et laisse le métrage parfois bien trop vierge pour son propre bien, comme s’il préférait nous voir faire son travail.
Mais derrière la rudesse de ce dispositif se cachent quelques pépites de cinéma. Jauja, malgré une bonne demi-heure de trop, abrite notamment une photographie somptueuse, qui hypnotise souvent et fascine toujours. Les couleurs nous plonge ainsi dans une réalité parallèle, entre peinture et théâtre, où la folie d’un Jodorowski semble guetter le spectateur curieux.
C’est dans ses rares mais puissantes incartades du côté du fantastique et de la poésie pure que le film marque des points et nous fait oublier les défauts inhérents à sa posture. Quand Viggo Mortensen, le temps d’un dialogue surréaliste avec une femme croisée dans une grotte, s’interroge sur son humanité, c’est tout le récit qui s’ouvre sur une faille, avant de nous projeter à l’occasion d’un épilogue halluciné, vers une toute autre voie, entre fantasme et pied de nez.
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