Journal d'une femme de chambre Critique

Simon Riaux | 20 mars 2015
Simon Riaux | 20 mars 2015

Après les adaptations de Jean Renoir (1946), puis de Bunuel (1964) Benoît Jacquot est le troisième cinéaste à porter à l’écran le roman de Mirbeau. Avec son Journal d’une Femme de Chambre, il retrouve Léa Seydoux à qui il confie à un rôle éminemment trouble, tout en auscultant la notion complexe de servitude.

Célestine est une jeune domestique, intelligente, belle et effrontée. Son arrivée chez les Lalandaire va la mettre face aux velléités de domination, symbolique et physique, de ses maîtres. Un point de départ qui pourrait paraître daté si l’actualité ne nous avait pas rappelé il y a presque trois ans que les puissants sont parfois enclins à considérer une femme de chambre comme un objet à leur merci.

Ce rapport de force, cette condition qui écrase un être et le transforme en pure commodité sexuelle et pratique, Jacquot la représente avec une justesse étonnante. Que les assauts masculins que subit le personnage de Léa Seydoux soient motivés par les sentiments, la jouissance ou de simples jeux de pouvoirs, leur multiplicité compose une mosaïque obscène, qui éclate dans chaque séquence. En résulte une dénonciation implacable de la servitude volontaire chère à La Boétie, cette capacité humaine à faire sienne l’oppression et a finalement assumer sa condition de bétail.

Célestine, perçue comme un objet, n’aura donc d’autre choix que d’accepter cet état de fait et de rejoindre finalement le maître qu’elle se choisit celui qui, comme elle le dira elle-même, la « tient ». Le constat est glaçant mais frappe par sa justesse, offrant même au film quelques envolées perverses qui servent son propos avec une justesse funèbre.

Malheureusement, ce discours se double d’une série de maladresses préjudiciables. Certains tics de mise en scène (beaucoup de zooms, de décadrages) typiques du cinéaste parasitent l’action, jusqu'à menacer certaines séquences de sombrer dans le ridicule. De même, Léa Seydoux, si elle offre à son rôle une belle ambigüité, manque parfois de justesse, notamment dans la première partie du récit, où son insolence semble bien trop forcée. De même, l’antisémitisme du personnage de Vincent Lindon, s’il est pertinent historiquement, vient forcer un peu artificiellement la noirceur du personnage.

Résumé

Pas exempt de défauts et de fausses notes, ce Journal d'une Femme de Chambre vaut pour son réquisitoire glaçant contre la servitude des personnages qu'il décrit.

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