Big Eyes : critique écarquillée

Simon Riaux | 21 mars 2015 - MAJ : 24/03/2019 11:39
Simon Riaux | 21 mars 2015 - MAJ : 24/03/2019 11:39

Il y a quelques années encore, Tim Burton était le représentant d'un certain cinéma foutraque, référentiel, audacieux et artisanal, amoureux de la marginalité et du bizarre. Une posture qu'il paraît avoir totalement abandonnée avec Big Eyes, qui consacre autant le néant qui préside désormais à l'œuvre du cinéaste que sa propre incapacité à nous raconter quoi que ce soit.

Récit d'une carrière dépossédée, située dans le background visuellement très riche des années 50 et 60, la vie de Margaret Keane aurait pu offrir au réalisateur l'occasion d'entamer avec nous un dialogue sur ses propres créations, la notion d'auteur. Bref, faire le point sur une carrière qui l'aura amené à créer des merveilles de contre-culture comme des contrefaçons de blockbusters.

 

 

Hélas, Tim Burton semble ne pas avoir la moindre idée de l'angle par lequel aborder cette curieuse histoire vraie. Il n'ose rien faire de son décor, renvoyé à une enfilade d'installations qui fleurent bon le stuc et la carte postale surannée mais ne racontent rien de leur époque. Il agite l'étendard du féminisme plus par politesse que par conviction, tant ses personnages féminins demeurent tristement désincarnés et finalement passifs. Tout aussi gênant, les comédiens ne sont tout simplement pas dirigés. Christoph Waltz minaude en escroc hystérique, tandis qu'Amy Adams promène une mélancolie figée tout le long du métrage.

 

 

Le scénario, qui se contente du déroulé chronologique et factuel d'une arnaque d'ampleur international, ne réserve ni surprise, ni point de vue particulier. Ou alors, bien involontairement. Car à force de laisser son interprète masculin en roue libre, Burton donne à Walter Keane, qui aura manipulé, trompé, volé et humilié sa femme pendant des années, un boulevard. Pathétique, le monstre domestique est finalement le seul créatif de la famille, le seul à chercher à dépasser la tragédie intime de sa propre nullité.

 

Et c'est là que Big Eyes dévoile un discours, sans doute involontaire, mais glaçant. Au détour d'une citation de Warhol expliquant que les créations de Keane, certes dénuées de génie, ne pouvaient être mauvaises puisqu'elles plaisaient, puis lorsque vient l'heure du procès, où Waltz se révèle veule et ignoble, mais drôle et vulnérable, on en vient à se demander si Burton ne fait pas là l'aveu inconscient de la médiocrité à laquelle il s'abandonne depuis trop longtemps.

 

 

Résumé

Totalement artificiel et désincarné, Big Eyes symbolise parfaitement l'actuel désert artistique traversé par Tim Burton.

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Lecteurs

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commentaires
T-Bib
31/03/2015 à 10:25

Je suis allé voir le film en ne connaissant quasi rien de ce qui allait se tramer, j'avais juste vu l'affiche.
j'y suis allé en pensant peut etre retrouvé le Tim Burton d'autrefois. Et malheuresement il n'en est rien. Le Tim Burton des années 90 et debut 2000 et bel et bien mort et enterré. Il signe un film la bien impersonnel avec une mise en scène des plus classiques sans prendre aucun risque, c'est simple, on dirait une réalisation d'un director lambda.
Aucune direction d'acteur, Waltz en fait des tonnes, Adams traverse le film tel un fantome. Un film qui ne montre rien et qui ne degage rien. Voila le constat.

diez
24/03/2015 à 11:07

Tim Burton de retour à un cinéma plus formel. Il raconte l'histoire vraie d'une peintre qui s'est fait voler son identité artistique par son mari obsédé par la gloire. Le duo Christopher Waltz/Amy Adams est génial.

Ce cache derrière cette triste histoire un second degrés bienvenu. Le film en devient autant sérieux qu'amusant. Un côté légèrement décalé que n'auraient pas osé la plupart des réalisateurs de biopic.

On ressort du film autant diverti par les touches d'humour involontaire de Walter que touché par la destiné touchante de Margaret. Et pour finir on est enchanté de voir que Tim Burton, bien que loin de son univers et malgrès quelques fausses notes, n'a pas perdu son talent de conteur.

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