Quand vient la nuit Quand vient la nuit : la critique noire et serrée

Geoffrey Crété | 31 octobre 2014
Geoffrey Crété | 31 octobre 2014

Adapter Dennis Lehane en passant après Clint Eastwood, Martin Scorsese et dans une certaine mesure Ben Affleck, n’a rien d’une mince affaire. Lorsqu’en plus le film marque une première expérience américaine pour un réalisateur européen, il y a de quoi être sur ses gardes. La réussite de Quand vient la nuit de Michaël R. Roskam, réalisateur de Bullhead, n’en sera donc que plus belle et brutale.

L’auteur de Mystic River, Shutter Island et Gone Baby Gone use pour la première fois de sa propre plume pour adapter son travail au cinéma : à savoir Animal Rescue, le seul livre qu’il n’a pas terminé, et laissé sous forme de nouvelle. Une plongée glaciale dans les bas fonds de Brooklyn, entre mafia tchétchène, population locale désaxée et âmes balafrées, qui se présente comme une explosion muette, animée par une violence sourde et une brutalité viscérale.

 

 

En France, The Drop s'intitule Quand vient la nuit et rappelle La Nuit nous appartient de James Gray, avec lequel il partage une efficacité narrative et un sens de la dramaturgie fabuleux. D’une histoire banale sur le papier, Michaël R. Roskam tire un magnifique et intense thriller, qui sublime les figures incontournables du genre – le héros passif, la figure paternelle autodestructrice, la fille énigmatique, l’antagoniste déséquilibré, tous beaucoup plus beaux et complexes qu’à l’accoutumée. Car en plus de tenir à la gorge le spectateur avec une sordide histoire de dollars qui finira immanquablement dans le sang et la douleur, Quand vient la nuit déroule le destin tragique de ses personnages, survivants ordinaires dans une jungle urbaine hostile qui les a métamorphosés, et qu'ils n'essayent même plus de fuir. La solitude de ces âmes en peine, coincées dans leurs contradictions et désespoir, insuffle à l’intrigue une mélancolie foudroyante, marque des classiques du genre.

 

 

Si Noomi Rapace se retrouve encore condamnée dans un second rôle de femme sauvage, le film puise toute son intensité en Tom Hardy. Corps d’animal et regard de bambin, le comédien livre une performance fascinante, belle et monstrueuse, dans un superbe rôle de Forrest Gump du ghetto. Quand vient la nuit offre ainsi la certitude absolue que l’acteur compte parmi les plus incontournables de sa génération. Sans compter que le film marque la dernière apparition de James Gandolfini au cinéma, dans le rôle d'un vieil homme usé qui attend la fin avec une sagesse effroyable. Quelques mois après Un homme très rercherché, dernier grand rôle de Philip Seymour Hoffman, le cinéma offre un encore mémorable adieu à un autre comédien de prestige.

 

Résumé

Un film de gangsters beau et monstrueux, qui manipule avec finesse les figures classiques du genre. A ce jour, la meilleure adaptation de Dennis Lehane et le meilleur rôle de Tom Hardy.

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commentaires
Dirty Harry
12/11/2014 à 12:14

Tom Hardy'est peut être le Marlon Brando du XXIe siècle : je pèse mes mots car je l'ai admiré jouer de façon stylisée dans "Lawless" où il est remarquable de la même façon que j'admirais le travail de Brando dans le Parrain (où l'on reste scotché autant par l'acteur que par le rôle). Depuis "Bronson", quelques Blockbusters où il ne se laisse pas oublier, cet acteur est en train de monter en puissance sous nos yeux et c'est un régal juste de le voir jouer, interpréter un personnage, il se passe quelque chose d'inédit qu'on a pas vu depuis les années 70 au moins dans le cinéma américain.

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