Critique : Augustine

Simon Riaux | 20 mai 2012
Simon Riaux | 20 mai 2012
Le professeur Charcot fut un des pionniers de l'étude de l'hystérie, de la neurologie moderne, et de la psychopathologie, inspirant notamment Sigmund Freud. Huit ans avant sa mort, le thérapeute se pencha avec autant d'intérêt scientifique que de fascination sur le cas d'Augustine, jeune femme de 19 ans en proie à des crises d'hystérie intensément spectaculaires, entraînant paralysie et insensibilité à divers endroit du corps. C'est de cette relation que traite Augustine, premier film de Alice Winocour, qui s'empare du sujet pour traiter de bien autre chose qu'un simple cas d'école.

L'hystérie représente peut-être le sommet de la domination masculine envers les femmes, et permit de faire interner nombre de révoltées, marginales et autres victimes d'un ordre socialo-moral intransigeant. Derrière cette maladie dont plus personne ne soutient aujourd'hui qu'elle ait véritablement existé (dans son acceptation du XIXème siècle), on peut deviner la peur peur du sexe, de la jouissance féminine, et donc in fine de l'autonomie, du pouvoir de la femme. C'est ce qui intéresse Alice Winocour dans la relation ambiguë entre Charcot et Augustine, où se joue symboliquement une bascule historique, puisque le glacial clinicien va petit à petit oublier ses prérogatives de diagnosticien pour laisser place à une fascination grandissante. Car Augustine, d'abord objet de répulsion, dont Hitchcock aurait dit qu'elle portait son sexe sur le front, ne tardera pas à réaliser qu'en affichant - malgré elle - une sexualité envahissante, les hommes ne peuvent plus opposer aucune résistance attiré par les petites morts cataclysmiques qui rythment ses crises comme autant d'insectes par la lumière.

Pour illustrer cet instant charnier(e) des relations hommes-femmes, la réalisatrice s'appuie sur Vincent Lindon et Soko, tous deux formidablement convaincants. Le premier affiche un trouble et laisse échapper des bouffées de désirs refoulés, tandis que l'on sent naître chez sa partenaire un feu qu'aucune glace ne pourra plus contenir. Leur relation prendra un tour et un rythme proprement affolants dans le dernier tiers du film, où sans jamais le réaliser, les hommes laissent s'écrouler l'édifice de leur supériorité factice. C'est à ce moment que montage et mise en scène, un peu timorés jusqu'alors, révéleront des audaces et sursauts fascinants, à l'image d'un troublant jeu de séduction où homme et femme, réunis par un singe, s'approchent et s'accrochent dans un ballet d'attraction-répulsion hypnotique.

Augustine est un des films consacrés à la condition féminine les plus politiques et subtils que l'on ait vu depuis longtemps (une sorte de Oh my god ! doublé d'une vision de cinéaste en somme...). On pourra toutefois regretter que sa dimension historique lui interdise de laisser tout à fait libre cours aux forces en présence, et de n'exhaler son entêtant parfum de souffre que dans une brillante dernière partie.

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