Critique : Hénaut président

Simon Riaux | 20 mars 2012
Simon Riaux | 20 mars 2012
Rafraichissante curiosité télévisuelle diffusée lors de la campagne de 2007, Hénaut Président ne pouvait qu'effectuer un retour fracassant au vu de la sinistre pantalonnade électorale se jouant en cette année 2012. Bien que nous ignorions si le monde court effectivement à sa perte en cette année définitive, il semblerait que la politique ait pris les devants et se soit lancée dans une vague campagne d'auto-destruction, se diluant peu à peu dans le marigot de communication, soit l'exact sujet du film, à savoir les affres d'un “petit candidat“ aux prises avec les médias, et notamment un directeur de la communication carnassier.

L'interprétation de la série originale était déjà succulente d'ironie et de décalage, mais Olivier Gourmet vient insuffler à l'équipe un souffle de folie digne d'un ogre polytechnicien, dont l'ambition priapique renverse tout sur son passage. À commencer par la campagne d'Éva Joly, qui aura droit à quelques remarquables coups de butoir. Michel Muller quant à lui a l'intelligence de ne point trop en faire, et joue aussi habilement de son personnage de maire de province fiscaliste que de sa caméra. Jamais en première ligne, il sait disposer personnages et situations avec un véritable sens du timing, du malaise, et a l'intelligence de toujours jouer le retrait, chaque caractère se dévoilant tour à tour, par mordante vignette.

Paradoxalement, c'est le contexte actuel qui vient jouer contre le film. On se surprend souvent à grincer des dents, reconnaître un tropisme odieux, ou une méthode populiste et barbare, sans oser tout à fait en rire. Ainsi ce sont les (nombreuses) séquences plus ouvertement comiques et burlesques qui libèrent le rire, tandis qu'une certaine angoisse émane de l'ensemble. On ne s'en plaindra pas pour autant, tant il faudra voir là le symptôme d'une réussite, celle de ce rire salvateur, moqueur, résolument impitoyable, dont l'actuelle manège politique aurait grand besoin pour retrouver un tant soit peu d'humanité et de crédibilité.

Le seul véritable défaut du film est son montage, encore trop marqué par le petit écran, qui décompose l'ensemble en quasi-sketchs, au détriment de l'harmonie de l'ensemble. Le visionnage et l'implication émotionnelle s'en ressentent, mais n'entament qu'à la marge le plaisir vorace de voir ce bal des médiocres tourner au jeu de massacre électoral. Quelques mois après L'Exercice de l'État, et dans un registre différent mais étonnamment voisin, Olivier Gourmet croque une nouvelle fois avec délice les gras de ce monde.

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