Sur écoute (The Wire) : critique d'une série culte

Sandy Gillet | 30 décembre 2009
Sandy Gillet | 30 décembre 2009

Parmi toutes les séries produites par HBO, il y en est une qui fait très peu parler d'elle (à la différence des Sopranos et autre Six Feet Under). Et pourtant Sur écoute entame bien en septembre la diffusion de sa quatrième saison. Une gageure doublée d'une réussite à l'équivalence rare ces derniers temps même au sein de la chaîne phare en ce domaine. On pense ainsi à Deadwood longtemps sur le fil du rasoir et qui s'est vu in extremis accordé une sorte de quatrième saison sous la forme de deux épisodes exceptionnels de deux heures chacun (lire notre news) ou encore de La Caravane de l'étrange stoppée net à la fin de sa seconde saison pour manque d'audience (lire encore notre news). À l'opposé ce qui ne change pas c'est la qualité de ces 13 premiers épisodes qui nous plongent avec maestria au sein d'une unité de « choc » composée d'éléments disparates (et pas souvent d'élite) de la police de Baltimore chargée le temps d'une mission de démanteler une organisation contrôlant par la drogue et le crime une partie de la ville.

 

 

À leur tête le détective Jimmy McNulty (charismatique Dominic West) est de ces hommes que rien n'arrête, ni le respect de la hiérarchie et encore moins les hommes qui la personnifie, ni les moyens pour arriver à ses fins quitte à mettre en jeu son poste, sa famille ou la vie de ses collègues. Ce personnage qui devient épisode après épisode emblématique du tempo même de l'ensemble de la première saison est la première grande trouvaille d'une série qui joue essentiellement sur le traitement. Traitement de son personnage central donc mais aussi de toute la galerie d'hommes et de femmes qui l'entoure peu ou prou.

 

 

On reste en effet stupéfait devant la richesse d'écriture développée pour chacun, depuis la détective Shakima Greggs (Sonja Sohn sur orbite dès le premier épisode), flic lesbienne amoureuse de sa compagne et d'une rare probité intellectuelle, jusqu'au lieutenant Cedric Daniels (Lance Reddick) dont l'inspiration est à chercher du côté de NYPD, modèle avoué et largement dépassé, et de son incontournable lieutenant Arthur Fancy qui hanta la série jusqu'au terme de la huitième saison. Que dire aussi des « bad guys » à mille lieux de la figure usuellement codifiée au sein du genre. À commencer par Russell « Stringer » Bell (Idris Elba habitué du petit écran et tout simplement énorme ici), bras droit du boss Avon Barksdale (Wood Harris) présenté essentiellement comme un homme d'affaire en herbe qui n'use de la drogue et du crime que pour mieux s'élever socialement et faire bénéficier à ceux qui l'entoure de sa sagesse et de ses « largesses ». Le modèle américain dans toute la subtilité du deuxième millénaire. Le Tony Soprano black des cités de Baltimore en quelque sorte.

 

 

Traitement ensuite d'une enquête au long cours dont l'originalité et le cœoeur réside bien dans l'écoute : de celle qui s'opère derrière un bureau (pour l'action on repassera donc) avec interceptions de coups de fil, mises en place de caméras de surveillance, dissimulations de micros espions, déchiffrage de codes et compréhension progressive d'un puzzle patiemment complété. Traitement enfin par la mise en opposition de façon systématique de deux organisations répondant au final aux mêmes codes : celle dite du crime et celle de l'unité de police chargée donc de la faire tomber. C'est cet aspect de la série qui reste la plus novatrice mais aussi la plus dérangeante car montrant que peu de choses les différencie et cela même si leur but est diamétralement opposé (quoique !).

 

 

On l'aura compris, ce qui intéresse David Simon, le créateur de la série, ce n'est pas le spectaculaire mais bien la volonté de montrer le quotidien (extra)ordinaire de personnages dont le « travail » se doit de rester ans l'ombre quelque soit le camp où l'on se trouve avec pour seule frontière invisible ces câbles/wire (la série s'appelle The Wire en anglais, dénomination finalement bien plus appropriée que le titre choisit en France) censés donner la clé d'un monde interlope aux codes obscures. C'est d'ailleurs cet aspect à la limité d'une certaine forme de « cinéma vérité » qui fait de Sur Écoute (en tout cas pour sa première saison) une série vraiment à part à mi-chemin entre le polar urbain sec et efficace et un film documentaire en 13 parties sur les dessous d'une ville rongée de l'intérieur. En quelque sorte la relecture évanescente d'un genre oublié mais toujours fantasmé à savoir le film noir dans ce qu'il a de plus flamboyant !

 

 

 

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