Critique : Scènes de crimes

Laurent Pécha | 10 novembre 2006
Laurent Pécha | 10 novembre 2006

Le film policier est un genre que le cinéma français a souvent su exploiter de façon convaincante grâce à un traitement réaliste. Dans un passé proche, Alain Corneau et son Cousin sont là pour nous le rappeler. Mais justement, depuis que ce réalisateur a petit à petit passé le flambeau au début des années quatre-vingt, personne n'a su en profiter. Pour son premier film, Fréderic Schoendoerffer relève le défi et tente de rivaliser dans un genre dominé exclusivement par les américains. Résultat, non seulement il réalise un film remarquable, mais il réussit aussi à surpasser à bien des égards ce que le cinéma yankee est capable de nous proposer (sur un sujet similaire, Bone collector fait pâle figure).


 

Pour accomplir ce tour de force, il a adopté un point de vue idéal. À l'image de son père avec La 317e Section, il suit de façon systématique et méticuleuse les agissements des deux flics. Le spectateur est alors au cœoeur de l'enquête, comme s'il était un troisième inspecteur. La caméra faisant office de lien entre la salle (ou désormais le salon) et le film. On est constamment impressionné par la précision de la reconstitution qui fait souvent passer Scènes de crimes pour un documentaire, la photo très froide accentuant avec maestria ce sentiment.

 


Grâce à un récit volontairement lent et calme (ici, pas d'inutiles et bêtement spectaculaires poursuites en voiture ou autres fusillades), Scènes de crimes s'éloigne considérablement du modèle du polar américain tendance eighties-nineties, sans pour autant en oublier d'épater son audience avec quelques plaisirs techniques savoureux, à l'image du virtuose plan séquence d'ouverture. Ce que Schoendoerffer ne perd jamais de vue, c'est cette volonté de coller constamment à la réalité des faits quitte à en montrer toute l'atrocité qui en découle. Un manifeste de mise en scène qui culmine dans une séquence d'autopsie particulièrement éprouvante. L'autre gros point fort du film provient de l'absence de jugement dans le regard porté par Schoenderffer sur ses personnages. À aucun moment le réalisateur-scénariste ne cherche à expliquer leurs motivations, que ce soit celles des flics ou du tueur. L'attrait et la fascination qu'exerce le film sur le spectateur n'en sont qu'accentués, chacun étant alors libre de se faire sa propre opinion.

 


Porté par des performances d'acteurs remarquables, Charles Berling et André Dussollier donnant l'impression d'avoir toujours été flics, Scènes de crimes marque les débuts d'un cinéaste mature et talentueux. Un cinéaste qui, malgré la relative indifférence (publique) dans laquelle son film est sorti, aura su confirmer avec Agents secrets tout le bien que l'on pensait de lui. Un cinéaste rare, capable de reprendre avec intelligence et respect une certaine idée du cinéma de genre, mort-vivant depuis une vingtaine d'années. Un cinéaste à suivre donc avec un immense intérêt.

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